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La Sarl Liévin valorise l’herbe de bord de route en méthanisation

Article paru dans le Bioénergie International n°64 de décembre 2019

Transversement d’herbe fauchée au bord des routes, photo Stéphane Liévin

Stéphane Liévin devant ses digesteurs, photo Frédéric Douard

Vincent et Didier Liévin gèrent, au sein du Gaec Liévin, une exploitation agricole en polyculture et élevage sur la commune de Volckerinckhove en Flandre française. Didier est responsable des cultures et Vincent de la production porcine. En 2010, ils se sont posé la question de l’augmentation de la taille de leur élevage pour pallier à la chute continue des cours de la viande. Finalement, après mûres réflexions, consultations et de nombreuses visites, et pour ne pas poursuivre une quête sans fin et sans avenir, ils ont décidé de se

diversifier dans la méthanisation, une solution qui leur apporte en plus une autonomie en matière d’engrais et leur garantit des épandages sans odeur. Pour cela, ils se sont associés avec leur frère Stéphane, qui travaillait alors dans l’industrie laitière, et ont créé la Sarl Liévin pour gérer cette nouvelle activité. La première grande phase du projet, une unité de méthanisation à 30 tonnes/jour avec cogénération pour un montant de 2,3 millions d’euros, a été mise en service le 4 juillet 2017.

Bâtir une recette productive dans un contexte de concurrence aiguë

Le Gaec Liévin, en plus de la production porcine, produit les aliments pour ses cochons, maïs-grain et céréales, mais également des pommes de terre, des haricots verts et des betteraves. Il pratique aussi le couvert végétal d’hiver, notamment avant maïs, et récolte ainsi des CIVE.

La ferme Liévin à Volckerinckhove, photo Frédéric Douard

Lors de la conception du projet, pour alimenter leurs digesteurs, les frères Liévin pouvaient ainsi compter sur les déjections de leur élevage (250 mères et 5500 porcs par an) et sur les produits et sous-produits végétaux de leurs cultures (pailles de céréales et de maïs, CIVE), plus sur le fumier bovin d’une petite exploitation voisine. Mais cet ensemble de ressources ne suffisait pas pour garantir l’équilibre du projet.

En pleine Flandre, photo Frédéric Douard

Pour cela, ils sont partis en quête de matières externes, et en particulier de sous-produits agro-alimentaires, dans une région riche en ce type d’industries. Mais c’était sans compter sur la proximité immédiate de la Belgique, un pays où les méthaniseurs n’ont pas attendu les Français pour valoriser les sous-produits de la grande région ! A commencé pour les frères Liévin, une recherche de produits non-encore captés qui les a conduits vers d’autres gisements.

Les déchets alimentaires des cantines et des hypermarchés

Suite à l’obligation de valorisation des biodéchets, notamment depuis le 1er janvier 2016 pour tous les professionnels en produisant plus de 10 tonnes par an, cette matière riche en énergie était à prendre.

Réception de soupe de déconditionnement dans la fosse d’hygiénisation, photo Stéphane Liévin

Les frères Liévin ont donc fait le tour des collectivités et grands magasins proches pour bâtir un plan d’approvisionnement complémentaire, avec un certain nombre de partenaires, pour récupérer déchets de table, soupe de déconditionnement et graisse de flottaison. Au vu de cette ressource, ils ont de fait inclus un poste d’hygiénisation à leur projet.

Les déchets verts

Déchargement d’herbe de fauche de bords de route, directement dans l’incorporateur, photo Stéphane Liévin

Parmi les déchets verts, les moins ligneux et les plus azotés sont les plus intéressants à rechercher. Parmi ceux-ci, les tontes d’herbe figurent en bonne position, même si on connaît surtout jusqu’à présent les tontes de gazon. Celles de bords de route, si elles sont récoltées depuis longtemps aux Pays-Bas, le sont encore rarement en France. Le créneau était donc également à saisir.

Le Département du Nord a constitué le principal partenaire du projet en permettant la fauche et la collecte sur 110 km de routes départementales sur 16 communes de Flandre Maritime. L’objectif poursuivi par la collectivité, était d’une part d’apporter son soutien à ce type de projet et à l’activité agricole en général, mais aussi d’améliorer la prévention contre les risques d’inondation des chaussées, dans cette région située au ras de la mer et donc avec des difficultés d’écoulement. Et cette prévention passe notamment par l’extraction de l’herbe des fossés, qui dans le cas présent peut se faire à coûts partagés.

Montage d’un silo d’herbe de bord de route, photo Stéphane Liévin

Et comme il n’existait pas dans la région de machine capable de faucher et collecter l’herbe en même temps, la Sarl a investi dans un assemblage qu’elle a conçu elle-même, avec une épareuse Rousseau entraînée à l’avant d’un tracteur, et un aspirateur « maison » qui souffle l’herbe dans une remorque élévatrice à fond mouvant de 40 m³, capable de se décharger dans une autre remorque à plus de 3,5 m de hauteur. Et c’est Stéphane qui fait le travail !

La recette

L’incorporateur Konrad Pumpe de la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard

Un peu moins de 10 950 tonnes d’intrants sont ainsi mobilisées par an :

  • 6 000 tonnes de lisier porcin
  • 500 tonnes de fumier bovin
  • 2 000 tonnes de sous-produits de l’industrie alimentaire
  • 650 tonnes d’issues de céréales
  • 250 tonnes de soupe de biodéchets
  • 800 tonnes de fauche de bord de routes
  • 350 tonnes de tontes de gazon
  • 200 tonnes de spathes de maïs
  • 200 tonnes de CIVE d’hiver.

Ecran de contrôle-commande de l’incorporateur Pumpe à la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard. Cliquer sur l’écran pour l’agrandir.

Les produis solides sont stockés dans des silos à plat. Les intrants solides secs et le fumier sont stockés dans un hangar de 800 m² dit de longue durée, avec une capacité de 2 000 m³. Les jus d’écoulement sont récupérés par des caniveaux et envoyés une fosse pour être incorporés dans les digesteurs.

Le hangar de stockage des intrants solides, avec à gauche le local ferme pour l’hygiénisation, photo Frédéric Douard

Les produits solides de catégorie 3 sont quant à eux stockés dans un hangar fermé de 420 m², dit de courte durée. Il contient également deux cuves d’hygiénisation, de deux tonnes chacune, dans lesquelles les matières sont chauffées à 70 °C durant 1h30, à raison de deux cuves toutes les trois heures. Les produits liquides ou pâteux sont stockés dans une fosse enterrée.

Les cuves d’hygiénisation de la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard

L’unité de méthanisation

Elle a été conçue par Evalor qui possède une expérience importante sur la méthanisation du lisier porcin. Les cuves ont été réalisées par le constructeur belge Biodynamics, tout proche ! Les digesteurs, au nombre de trois, deux en activité et un en construction, ont un volume unitaire de 1 700 m³. Chaque digesteur est équipé d’un agitateur plongeant à bras long de 17 kWé et d’un agitateur immergé de 25 kWé au fond. La cuve de stockage de 2 945 m³ est équipée de deux agitateurs immergés de 25 kWé.

Le pont bascule, les cuves à intrants liquides et le stockage de digestat de la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard

Le processus de digestion dure 84 jours à 40 ºC. L’ensemencement des digesteurs s’est fait en totale autonomie en mai et juin 2017. Un mélange de 600 tonnes de lisier porcin et de 400 tonnes de fumier, chauffés durant deux mois a permis de lancer le processus. Une chaudière de location consommait alors 2 000 litres de gazole par semaine. Les travaux ont débuté en juin 2016, pour la mise en culture des cuves début mai 2017.

Les deux cuves de digestion et la cuve de stockage à la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard

La production d’énergies

Le biogaz est transformé en énergies dans un moteur de cogénération Liebherr fourni par SDMO. Il produit 500 kWé et 500 kW de chaleur. La production annuelle est de 4 GWh d’électricité /an, vendue à EDF à environ 20 c€/kWh, soit une recette annuelle de 800 k€/an.

Le module de cogénération à la Sarl Liévin, photo Frédéric Douard

La production de chaleur est également de 4 GWh/an, mais la valorisation n’excède pas les 20 % :

  • 5 % pour chauffer les cuves de digestion,
  • 10 % pour chauffer les hygiéniseurs,
  • 5 % pour chauffer l’élevage, le bureau et la maison.

Le moteur Liebherr de cogénération, photo Frédéric Douard

Notons que le différentiel de besoins de chaleur entre hiver et été, en cette région maritime balayée par les vents, n’est que de 20 %.

Le digestat

L’installation de méthanisation produit 9 000 tonnes de digestat par an, à un taux de 8 % de matière sèche.

Le plan d’épandage est réalisé sur 800 ha, dont 100 ha sur l’exploitation familiale. L’épandage est réalisé par la Sarl avec une tonne à pendillards de 12 mètres, à partir de février, principalement sur du blé. Le service est facturé.

Tonne d’épandage du digestat avec pendillards, photo Frédéric Douard

La teneur en azote du digestat étant de 5,1 kg/m³, considérant l’acceptabilité maximale des sols, la période de retour sur une même parcelle ne peut être inférieure à trois ans. Les autres composants du digestat sont 2,2 % de phosphore, 5,9 % de potassium, 1,6 % de magnésium et 1,1 % de soufre, une composante très recherchée dans la région pour les producteurs de légumes de plein champs.

L’injection de biométhane, suite de l’aventure

Situés à 5,6 km du réseau GrDF, les frères Liévin travaillent actuellement à la phase n°2 du projet, à savoir la construction d’un troisième digesteur en vue de passer tout ou partie de leur production en production et injection de biométhane. Cette solution devrait leur permettre d’atteindre une valorisation bien supérieure du biogaz, étant donné leurs très faibles besoins en chaleur et donc la faible valorisation actuelle du biogaz en sortie de cogénération.

La troisième cuve de digestion en cours de construction, en juin 2019, photo Frédéric Douard

Dispositif de régulation de pression du biogaz Biogaskontor, photo F. Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Volckerinckhove


4 réponses
  1. Stéphane Liévin dit :

    Sur la question des déchets au sol, je passe avant le fauchage avec un quad et une remorque pour ramasser le plus gros des déchets visuels et surtout lors d’accident c’est à dire des pare-chocs, enjoliveurs, des barres de fer qui risquent de détruire et d’endommager la soufflerie. Sachant que c’est aux intersections qu’il y en le plus ainsi qu’a l’entrée des communes.

    Cette année j’ai fait que les axes principaux et j’ai vu la différence avec le confinement, presque pas de déchets sur les bords.

    Il faut savoir que la première année est la pire, car cumul des années antérieures. Il faut donc contractualiser un minimum d’année.

    Ensuite à chaque remorque, lors de la mise en place du tas, et des l’apparition de corps étrangers je descends pour ramasser.

    Ce que je peux dire c’est que c’est une matière facile à ramasser en période où il n’y a pas de travaux des champs et qui produit du biogaz et un retour de matière organique au sol intéressant.

  2. Bonjour

    Pour les insectes, le fauchage de bord de route avec exportation répond généralement à un fauchage raisonné, la tonte se fait moins près du sol qu’avec un fauchage classique (il faut laisser 10 cm d’herbe) et moins souvent, donc les insectes sont plutôt moins atteints, et cette tonte raisonnée améliore la biodiversité, limite les fuites d’azote vers les cours d’eau etc.

    Par ailleurs, il a été montré dans le projet Carmen (voir le rapport complet sur le site de l’Ademe) que la principale pollution de ces herbes est justement les indésirables jetés depuis les voitures et les camions, et qu’il faut les retirer juste avant de faucher, ce qui représente un certain coût puisque c’est retiré manuellement tout au long de la zone fauchée.

  3. Georges LOUIS dit :

    Bonjour,

    Une des plaies de l’herbe de bord de route est que c’est une véritable poubelle des différents déchets qui sortent de la portière des voitures.

    Comment sont géré cette pollution ?.

  4. Chateigner dit :

    Dommage pour les abeilles qui ne pourront plus butiner tous ces bords de routes … il ne leur restait déjà pas grand chose … adieu biodiversité, tout ça pour un peu de gaz !

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