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Triple production d’électricité verte, de chauffage urbain et de compost pour Agri Méthazebrouck

Article paru dans le Bioénergie International n°83 de février 2023

Mickaël Sterckeman et Benjamin Plancke devant leur cogénérateur, photo Frédéric Douard

Benjamin Plancke et Mickaël Sterckeman, deux amis agriculteurs du Nord de la France, tous deux passionnés par l’innovation, ont monté ensemble une unité de méthanisation de 2,2 M€ dans la ville d’Hazebrouck en Flandre. Cette installation relativement atypique permet d’alimenter le réseau de chaleur urbain à partir d’un module de cogénération, une organisation exemplaire d’optimisation de l’efficacité énergétique qui devrait servir d’exemple !

La genèse du projet

Benjamin Plancke est éleveur laitier à Hazebrouck-même. Il dispose de 75 vaches laitières, soit 180 animaux avec la suite, et réalise quelques cultures de céréales, maïs ensilage et légumes. Mickaël Sterckeman est quant à lui installé à Steenvoorde, à 10 km au nord d’Hazebrouck et à 1 km de la Belgique. Il possède un élevage de 70 vaches allaitantes avec engraissement totalisant 200 animaux.

En 2014, et après l’installation de centrales solaires sur leurs exploitations respectives, les deux éleveurs, qui travaillent en litières accumulées, ont souhaité être les pionniers de la nouvelle énergie verte de l’époque : la méthanisation.

Collecteurs de biogaz sur les digesteurs d’Agri Méthazebrouck, photo Frédéric Douard

Pour définir leur projet, ils ont consulté le spécialiste de la méthanisation en voie sèche discontinue de l’époque, Méthajade, pour un projet en cogénération, alors même que cette société était en pleine reprise par Naskeo.

Cogénération signifie dans le cas présent deux énergies, électricité et chaleur, produites à puissances quasiment égales, ce que beaucoup d’entrepreneurs ont tendance à négliger aujourd’hui ! Ceci étant rappelé, les études, les promesses d’aides financières de l’ADEME et les conseils de la Chambre d’Agriculture du Nord, ont convaincu les porteurs du projet qu’il leur faudrait bien valoriser la chaleur pour que leur projet soit viable et donc finançable.

A gauche la chaufferie bois, à droite le bâtiment photovoltaïque de la métha et au centre un espace d’apport volontaire de déchets verts, photo Frédéric Douard

Les deux agriculteurs tenaient également à intégrer dans leur projet les acteurs locaux pour stimuler le développement d’une économie circulaire et locale. C’est ainsi que le SMICTOM des Flandres, deux associations de réinsertion l’ESAT Les Papillons blancs et Orme Activités et des paysagistes leur fournissent des déchets verts. La municipalité d’Hazebrouck a enfin fourni son soutien pour permettre l’insertion dans le réseau de chaleur géré par Dalkia. Elle a aussi rétrocédé le terrain qui accueille aujourd’hui l’unité de méthanisation, une parcelle inexploitée situé dans une ancienne zone d’activité juste contre la chaufferie municipale.

Un contrat de vente de chaleur a ainsi été conclu pour une durée de 20 ans, une durée calquée sur celle du contrat de vente d’électricité à EDF Obligation d’Achat.

Les intrants

Le gisement est basé sur du fumier pailleux, complété par les déchets verts abondants de cette région fortement peuplée et urbanisée, car les porteurs de projet voulaient en même temps produire du compost agricole.

Livraison de coproduit agroindustriel, photo Frédéric Douard

La ration annuelle se définit ainsi : 2000 tonnes de fumier des deux associés, 1000 tonnes de fumier d’agriculteurs voisins et partenaires dans le cadre d’échanges paille contre digestat, les deux associés étant structurellement déficitaires en paille, 2000 tonnes de déchets verts et 500 tonnes de coproduits agro-industriels locaux. Le site réceptionne ainsi 5500 tonnes par an soit à peine plus qu’une livraison par jour.

Le broyeur rapide de préparation des matières à méthaniser, devant la cogé biogaz et la chaufferie bois, photo Frédéric Douard

Ces ressources sont stockées et mélangées dans un bâtiment de 720 m² dédié et qui a permis aux deux associés de mettre en œuvre la centrale photovoltaïque de 100 kWc. Plus récemment, la production de compost a nécessité la construction d’un second bâtiment de 2 000 m² et sur lequel a été installé une deuxième centrale solaire de 200 kWc.

La production de biogaz

C’est donc le constructeur Naskeo qui a livré l’installation de méthanisation qui est constituée de 4 digesteurs-garages de 26 × 5 × 5 mètres, chauffés grâce à des serpentins coulés dans le plancher et couplés à une cuve à percolât de 200 m³, elle aussi chauffée à 45 °C. L’un d’eux est vidé tous les 10 jours sur un cycle de 40.

Remplissage de l’un des quatre digesteurs, photo Agri Méthazebrouck

Chaque digesteur est chargé avec 350 tonnes de matières dont 100 de digestat fraîchement vidé puis réintroduit pour ensemencer le mélange avec les bactéries. Durant le cycle la matière est régulièrement arrosée de percolât (200 m³ sur les 40 jours de cycle) par le dessus du tas. Les jus traversent le tas et sont captés au niveau des caniveaux coulés dans le plancher pour retourner dans la cuve à percolât. Les matières fraîches sont préparées une semaine à l’avance sous le bâtiment pour démarrer la fermentation qui fait monter la température vers les 50-60°C.

Les quatre digesteurs en voie solide, photo Frédéric Douard

La cogénération

Le module de cogénération a été fourni par l’équipementier Tedom-Schnell et mis en service en juin 2017. Il développe une puissance de 160 kWé et à peu près la même chose en thermique. La vente d’électricité se monte à 1,2 GWh/an.

La chaleur cogénérée sert d’abord à chauffer le processus de digestion, le reste, pertes déduites, va au réseau de chaleur de la ville à raison de 700 MWh/an à ce stade du projet.

Le moteur de cogénération Tedom-Schnell, photo Frédéric Douard

La chaleur est transportée vers la chaufferie bois par un petit réseau de chaleur enterré de 100 mètres seulement. Et pour un échange optimal avec le chauffage urbain, son injection est réalisée par un échangeur placé sur la boucle retour de celui-ci, à l’endroit le plus froid. Ainsi Dalkia envoie de l’eau à 70 °C qui lui revient à 90 °C.

Cette configuration permet une valorisation totale de la chaleur issue de la cogénération biogaz, car la demande du chauffage urbain est supérieure, à toutes les heures de l’année, à la puissance thermique disponible en sortie de l’unité de méthanisation.

La maintenance

Le cogénérateur biogaz avec en arrière plan la chaufferie bois d’Hazebrouck, photo Agri Méthazebrouck

Le coût de fonctionnement de ce type d’installation sans mixeur, ni brasseur et avec une seule pompe à lobes est relativement faible. Le poste de consommation électrique s’élevait à 6 500 € par an en 2022, le plus gros poste étant la manipulation des matières (chargeur et chauffeur). En effet, une journée complète est à prévoir tous les 10 jours pour vider et remplir le digesteur en fin de cycle.

Pour la maintenance du module de cogénération, les associés considérant le moteur comme point névralgique de l’installation, ont souscrit un contrat Full-Options auprès du constructeur. Pour la somme de 3,21 €/heure, Tedom-Schnell s’occupe de la totalité de l’entretien (pièces, huiles, main d’œuvre et astreinte).

Les exploitants signalent enfin que leur biogaz est très pauvre en soufre, moins de 15 ppm/Nm³ d’H2S, et que la consommation de charbon actif de l’installation n’est que de 150 kg/an.

Le compostage

Afin de donner une plus-value à la matière résiduelle, de faire face au volume de déchets vert croisant et de s’affranchir de la gestion d’un plan d’épandage, les deux agriculteurs ont décidé début 2022 de composter le digestat avec du déchet vert.

Le parcours technique des déchets verts commence par un broyage rapide puis par un criblage en trois fractions : la fraction fine (moins de 30 mm) part à la méthanisation, la partie longue (>100 mm) retourne au broyeur, et la partie intermédiaire peut être orientée soit en bois-énergie, soit en structurant du compost. L’objectif de production de compost (normé NFU 44 051) est de 8000 tonnes par an : 3000 pour l’usage des associés et 5000 à la vente.

Crible à trois fractions pour extraire le bois-énergie des déchets verts, photo Frédéric Douard

En termes de temps de travail, la méthanisation nécessite 25 % du temps de chaque associé, dont une part non négligeable de déplacements entre le site et leur exploitation, plus 200 heures par mois réalisés par trois salariés. L’activité compost consomme quant à elle également 25 % du temps de chaque associé.

Pour la suite, les associés réfléchissent à l’installation d’une chaudière à bois pour valoriser les refus de criblage de leur compost, voire directement la fraction ligneuse des déchets verts, pour produire de l’eau chaude, une affaire à suivre !

Analyseur portable de biogaz, photo Frédéric Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Hazebrouck


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