Bioénergie de la Motte : la méthanisation en vert et contre tous
Article paru dans le Bioénergie International n°92 de l’été 2024
Aymeric Baes, de racines familiales flamandes, est un agriculteur courageux et au parcours éprouvant. À la suite d’un problème de santé qui a failli lui prendre la vie, il a conduit un projet de méthanisation dont le récit pourrait inspirer le scénario d’un film de comédie dramatique intitulé « La méthanisation bienvenue chez les Ch’ti ». Il a en effet entrepris et réussi à bâtir une unité de méthanisation sur un territoire agricole enclavé dans la bordure d’une ville tentaculaire de 100 kilomètres de long, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.
Son exploitation, en polyculture et élevage laitier, la SCEA de la Motte, est basée à Férin, un village limitrophe du Nord et du Pas-de-Calais. Elle est située sur un bassin captant d’eau potable, aussi Aymeric y pratique-t-il une agriculture certifiée à Haute Valeur Environnementale depuis 2020. Il y a aussi planté 6 ha de silphie près de la zone de forage d’eau potable, et mis en place du corridor zéro phyto tout autour du village. Sensibilisé aux problèmes des odeurs générées par son élevage, dès 2008, il a commencé à préfigurer ce que pourrait lui apporter un projet de méthanisation en termes de neutralisation de ces odeurs, au stockage comme à l’épandage, ainsi qu’aux intrants organiques efficaces qu’il pourrait en obtenir pour ses cultures.
Une grosse épreuve de la vie
Ces démarches sont interrompues par un grave incident de santé qui le maintient à l’hôpital de 2010 à 2012. À sa sortie de l’hôpital, après deux années de questionnement sur le sens de la vie, il rejoint le Centre des Jeunes Dirigeants, un mouvement d’entrepreneurs engagés et humanistes qui va l’aider à bâtir une stratégie d’entreprise encore plus responsable et durable.
Il décide alors d’accentuer encore ses pratiques pour une agriculture encore plus respectueuse de l’environnement, favorisant la santé de ses sols et la durabilité de ses cultures. Avec une unité de méthanisation, il souhaite avoir la capacité, à son échelle, d’utiliser du digestat d’origine organique et non-odorant comme engrais dans ses champs plutôt que d’avoir recours à des engrais chimiques, énergivores, importés et néfastes pour la qualité de l’eau. La pratique de la méthanisation lui permettra aussi de réduire l’usage des herbicides, par la mise en place des cultures intermédiaires à vocation énergétique qui concurrencent positivement les adventices entre les cultures principales. Et comme Aymeric aime à le rappeler, ce gaz vert, qui est une énergie renouvelable et très peu carbonée, a en plus la vertu d’être produit par le travail des Hommes et des plantes sans nuire à la planète.
Le projet à l’épreuve du peuple
En 2016, lorsqu’il envisage à nouveau de mettre en œuvre son projet de méthanisation, il s’associe avec son ami d’études à l’école d’ingénieurs agricoles de Beauvais, Mauritz Quaak, et qui a été l’un des pionniers récents de la méthanisation en France, avec une première centrale de biométhane mise en service en 2013. Mais Aymeric ne se doute pas encore qu’il se dirige vers une nouvelle épreuve. Car, pour implanter son unité de méthanisation, le plus près possible d’un réseau gazier, qui n’existe pas dans son village, il cherche parmi les terres dont il dispose près de la zone urbaine proche. C’est là que les choses vont commencer à se compliquer.
Lorsque le projet est présenté, son implantation est prévue de l’autre côté de la commune de Férin, dans l’agglomération de Douai, dans département du Nord. Et là, alors qu’Aymeric présente à ses yeux un projet de territoire plein de sens, sur le plan agricole, énergétique et environnemental, il se heurte immédiatement à une levée de boucliers.
Alors on le sait, la mise en place d’un méthaniseur provoque parfois, surtout en zones périurbaines, des incompréhensions et des craintes qui peuvent se transformer en oppositions. La sécurité, les odeurs, les camions, le bruit, les risques d’explosion ou de pollution, et même la crainte de potentielles dérives du système qui pourrait en arriver à manger la nourriture des habitants si le prix du gaz continuait à monter, sont autant d’interrogations auxquelles il faut absolument et légitimement répondre. Tout cela Aymeric le savait car Mauritz l’en avait informé. Sauf qu’ici, cette vindicte populaire était aussi soutenue par les élus du Douaisis qui ne voulaient pas de biogaz. Bref, message entendu, le projet est relocalisé 1500 m plus au sud, sur un autre terrain d’Aymeric, mais situé dans le Pas-de-Calais, sur la commune de Gouy-sous-Bellone.
La manœuvre est alors perçue comme une provocation et l’opposition passe la frontière du département, alimentée par des personnes radicales et actives dans toute la région contre la méthanisation, comme il en existe aussi contre l’éolien. Les habitants et les élus de Gouy, mais aussi des communes voisines se mobilisent contre le projet. Contre cela, Aymeric organise réunion d’information, fait du porte à porte chez les riverains du site pour expliquer, et invite les habitants des communes riveraines à une visite gratuite en bus à l’unité de méthanisation de Mauritz en Seine-et-Marne. Pour cela, il poste non moins de 4500 invitations dans les boites aux lettres : résultat 6 personnes feront le déplacement dans un bus de 50 places.
On pourrait s’amuser de ces réactions, les qualifier de Clochemerle, mais le phénomène est néanmoins violent. Aymeric assiste ainsi à une longue et assidue campagne de presse en non moins de 50 épisodes, à la mise en place d’une multitude de pancartes et banderoles, à l’organisation de contre-réunions publiques en mairies et en préfecture, à une manifestation réunissant 400 personnes selon les organisateurs le 4 novembre 2016, sans compter les recours en justice des associations locales et de la communauté d’agglomération de Douai. Il dut également défendre son projet à l’occasion de 13 réunions de conciliation entre opposants, services de l’État, maire et Préfet. Mais tout cela fut encore surpassé par les menaces verbales et les intimidations, un déchaînement qui n’épargnera pas Aymeric et sa famille durant près de quatre longues années !
Sorti avec succès de cette deuxième épreuve, Aymeric confie : « quelques semaines après la mise en service de l’installation, les voisins étaient tout étonnés de ne rien sentir et de ne rien voir, car des fabricants de la peur leur avait prédit l’enfer ! » La situation s’est donc rapidement apaisée, les craintes sont retombées, des portes ouvertes ont été organisées, cette fois à Gouy, et la commune a même apporté ses tontes de pelouse. Mais quelle énergie dépensée, quel stress et quelles désillusions sur la nature humaine !
Quelques mots sur l’installation
L’installation se compose de deux digesteurs de 2500 m³, d’une cuve de stockage couverte de 6 000 m³. L’installation peut ingérer jusqu’à 29,9 tonnes de matières par jour, soit un peu moins de 11 000 tonnes par an. Si la réglementation française autorise l’incorporation de 15 % de cultures principales, des ensilages notamment, Bioénergie de la Motte n’en intègre pas. Les digesteurs sont alimentés en solides uniquement avec des inter-cultures qui couvrent les sols l’hiver, et avec des déchets de pommes de terre, des pulpes de betteraves, des fientes de volailles, des résidus de cultures de légumes et des poussières de céréales… Les intrants liquides sont constitués de sous-produits laitiers, d’huiles et d’amidon périmés.
Son module de purification du biogaz permet d’injecter 150 Nm³ de méthane par heure. Cette production est injectée dans le réseau qui alimente les communes de la communauté de commune Osartis qui a accueilli le projet à bras ouverts, mais aussi l’usine Renault dite de Douai, celle-même qui fabrique désormais la R5 Electrique, et qui est située à 5 km !
La morale de l’histoire
Aymeric philosophe aujourd’hui sur la nature humaine, sur le NIMBY (not in my backyard), c’est-à-dire la réaction du « partout mais pas dans mon jardin », s’accorde à dire qu’il y a des opposants à tout, qu’il faut le prévoir, tenir compte des arguments opposés s’ils sont fondés, mais que cela ne doit pas empêcher de faire les choses, en informant, en invitant à visiter, en expliquant encore et encore. Tout cela doit contribuer à faire les choses en mieux mais certainement pas à empêcher de les faire. Dans un projet, il faut ainsi s’attendre à peut-être devoir investir autant d’énergie à convaincre ses voisins que son banquier au final. Et il termine par cette formule : « Tout est critiquable, mais ce qui est le plus critiquable, c’est de ne rien faire ! », et en l’occurrence ici contre l’urgence climatique qui nous menace tous.
Contacts :
- Aymeric Baes : bioenergiedelamotte@gmail.com – www.facebook.com/p/Bioenergie-de-la-Motte
- Gouy Quiétude : www.facebook.com/gouy.quietude
Frédéric Douard, en reportage à Gouy-sous-Bellonne
Voir également ces deux reportages vidéos sur :
et sur la culture de la silphie testée chez Aymeric Baes :
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