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À Boulay-Moselle, la centrale de cogénération biogaz chauffe écologiquement la piscine

Article paru dans le Bioénergie International n°76 de décembre 2021

Depuis la gauche, Yves Richet et Jean-François Darreye des AMDPB et Vincent Bosch d’agrogaz, photo Frédéric Douard

Panneau AMDPB, photo Frédéric Douard

La société des Agriculteurs-Méthaniseurs du Pays Boulageois (AMDPB) a été fondée par cinq agriculteurs sur la commune de Boulay-Moselle en région Grand-Est. Trois éleveurs et deux céréaliers ont ainsi décidé de s’associer pour diversifier et consolider leurs activités par la production d’énergie renouvelable. Cette réalisation leur a demandé près de 10 ans d’efforts avant une mise en service en 2016. Les porteurs de ce projet de cogénération ont en effet rencontré une forte opposition de riverains qui les a obligés à changer de lieu d’implantation. Ceci a modifié leur plan d’affaires initial et les a obligés rapidement à réaliser une augmentation de puissance pour compenser cet imprévu. Celle-ci a été réalisée début 2019, les faisant passer de 250 à 450 kWé. C’est à l’occasion de cette augmentation de puissance que les associés ont transformé leur seconde cuve, initialement de stockage, en post-digesteur isolé. Ils ont en même temps ajouté un broyeur dans le processus et remplacé leur capacité de stockage en dur par des citernes souples. Aujourd’hui implantés en zone industrielle, cette centrale de cogénération produit de l’électricité et chauffe une piscine et un complexe sportif, une solution qui au final est plutôt réussie et énergétiquement très performante !

Une genèse difficile

Les cinq agriculteurs, Jean-François Darreye, exploitant agricole à Varize et président de l’AMDPB, Marc Zolver, exploitant agricole à Obervisse, Thierry Jager à Helstroff, et enfin Yves Richet et Philippe Schutz à Boulay ont cumulé les difficultés pour sortir leur projet de terre.

La première difficulté, la plus importante, fut l’opposition d’une association locale de riverains qui les a obligés à relocaliser leur installation, initialement prévue sur une terre agricole de l’un des associés, sur la zone industrielle de Boulay, à proximité immédiate de la station d’épuration et de la déchetterie. Outre la perte de temps, deux désagréments financiers ont accompagné cette relocalisation. Premièrement, le prix du terrain n’avait plus rien à voir avec celui de la solution de départ. Ensuite, les coûts de construction ont été impactés à cause de la présence de la nappe phréatique, à cet endroit, à seulement 50 cm sous le sol. Ceci a nécessité de porter tous les ouvrages sur des pieux en béton. Les surcoûts liés à ces deux impacts ont représenté 250 000 €, ce qui a porté l’investissement total à 2,3 M€. Toutes les installations ont donc été réalisées hors-sol. Et pour limiter les infrastructures porteuses, les ouvrages légers ont été réalisés en conteneurs, plus légers à supporter, ce qui fut le cas pour les modules de cogénération, le bureau ou encore le local atelier.

Le digesteur et post-digesteur des AMDPB, photo Frédéric Douard

La seconde difficulté a été de choisir entre cogénération et injection de gaz. Arrivé juste un peu trop tôt dans l’histoire du biométhane en France, le projet n’a pas pu bénéficier de conditions suffisamment favorables pour l’accès à l’injection de gaz. Il s’est retranché sur la production électrique et thermique, moins avantageuse en termes de revenus, sauf à trouver une valorisation exceptionnelle pour la chaleur. Et c’est en fait la contrainte de localisation qui leur a permis de trouver une solution efficace de valorisation de la chaleur avec le projet de réseau de chaleur vers la piscine de Boulay.

Ont alors commencé de longues tractations avec la collectivité compétente, en l’occurrence la Communauté de Communes de la Houve et du Pays Boulageois, pour trouver un accord économique et une solution de financement du réseau de chaleur.

Au final, des vingt candidats au projet en lice au départ, seuls cinq n’ont pas été découragés par cette somme de difficultés. La construction a pu commencer en 2015. Elle a été réalisée par l’entreprise agrogaz France implantée en Moselle et filiale du constructeur allemand Ökobit.

Les intrants

Les exploitants agricoles associés travaillant sur une surface totale de 1 800 ha située dans un rayon de 15 km autour de Boulay. Les trois éleveurs disposent d’un cheptel de 700 gros bovins dont 250 vaches laitières produisant trois millions de litres de lait par an.

Leur unité de méthanisation a été réalisée en autorisation ICPE pour 10 760 tonnes d’intrants par an. Ce tonnage est constitué à 60 % de fumier bovin et à 40 % d’ensilage de maïs et de CIVE. La dilution des solides se fait avec 1 500 m³ d’eau récupérée à l’année sur le site dans une lagune.

La trémie d’incorporation des solides des AMDPB, photo Frédéric Douard

Les cultures intermédiaires, ray-grass, seigle, avoine et pois, sont réalisées sur une surface de 200 ha. Les chantiers d’ensilage sont réalisés en commun, mobilisant les moyens techniques des cinq exploitants pour chaque chantier. La rémunération des CIVE, qui est le poste qui pèse le plus sur la trésorerie de l’entreprise, a été source de difficultés les cinq premières années d’exploitation.

En matières d’intrants extérieurs, comme la centrale est située juste à côté de la déchetterie de la ville, la question de l’incorporation de tontes et de déchets verts s’est posée, mais ce choix a été écarté pour cause de matières pas assez propres. La question s’est également posée pour les boues de la station d’épuration voisine, une opportunité, elle aussi, écartée à cause des contraintes administratives et techniques. Seule une partie des fumiers incorporés à la ration provient d’exploitations extérieures aux associés, ce pour équilibrer les échanges paille / fumier des céréaliers.

Ensilage de colza avorté durant l’été pluvieux de 2021, photo Frédéric Douard

La méthanisation

L’installation est composée :

  • d’un pont-bascule,
  • de 1 600 m² de silos à plat pour le stockage des CIVE,
  • d’une trémie d‘alimentation de 50 m³ de capacité,
  • d’un digesteur de 1 800 m³ chauffé à 42 °C, brassé par deux agitateurs lents à arbre horizontal et par une hélice rapide en point haut,
  • d’un post-digesteur de 2 400 m³ équipé de trois agitateurs rapides,
  • d’un broyeur Rotacut positionné entre les deux cuves pour maximiser la récupération de méthane sur la deuxième cuve,
  • d’un séparateur de phase.

Les installations des AMDPB à Boulay-Moselle, photo Frédéric Douard

L’ensemble du site est entouré d’une levée de terre en cas de débordement liquide des installations. La chaussée d’accès elle-même protège des débordements, en arrivant en point haut du site et par la mise en place d’un merlon routier.

Pour la conduite et la maintenance de l’installation, les cinq associés interviennent tour à tour les week-ends. Pour la semaine, Yves Richet et Jean-François Darreye alternent pour assurer chacun une astreinte de 24 heures, chargement de la trémie compris, un jour sur deux.

Et même si une partie de l’unité peut être gérée à distance via une application sur smartphone, deux visites du site sont assurées chaque jour. Elles permettent de compléter le chargement de la trémie en plus des contrôles de bon fonctionnement. Au global, la conduite de cette installation est assez simple et ne demande qu’un équivalent temps plein, ici réparti sur une dizaine de personnes. Pour en arriver à cette organisation optimisée, certains choix ont été faits pour limiter le volume des interventions, comme le non-bâchage des ensilages qui réduit les actions collectives très chronophages. En l’espèce, ce non-bâchage est ici compensé techniquement par un tassement très fort avec un tracteur lourd, ce qui rend le tas moins perméable.

En termes de fonctionnement, la trémie démarre une séquence d’alimentation de 3 à 4 minutes deux fois par heure. La recirculation du digestat est peu importante, la dilution étant principalement opérée avec l’eau lagunaire. Pour la livraison du fumier, une rotation est établie par semaine, chaque associé alimentant l’installation une semaine sur cinq.

Le broyeur Rotacut est placé entre les deux cuves de digestion chez les AMDPB, photo Frédéric Douard

Pour la conduite de la digestion, Jean-François Darreye confie qu’il ne rencontre jamais de problèmes de croûte, de mousse ni d’acidose, car les intrants sont très réguliers et peu méthanogènes. Il déclare aussi que 100 kg d’hydroxyde de fer sont nécessaires par semaine dans le digesteur pour lutter contre la production d’H2S.

Il signale également un incident survenu le 14 février 2020 où trois des poutres en bois de la toiture du digesteur sont tombées dans la cuve. Celle-ci a dû être totalement vidée, les poutres remplacées, et tous les supports de poutres remplacés par des sabots en Inox. À cette occasion, il a été récupéré en fond de cuve, ce qui n’avait pas été fait depuis la mise en service, un godet de ferrailles, quatre godets de cailloux et deux godets de ficelles, filets et bâche en plastique.

Le suivi biologique est assuré par agrogaz qui fait réaliser des analyses chez PFI Allemagne tous les 40 jours, dans la cadre d’un contrat d’entretien annuel d’un montant de 8 000 €.

La production d’électricité

Le projet a été lancé avec un moteur Schnell de 250 kWé. Mais au vu des surcoûts que le projet a subis, la rentabilité s’est avérée trop juste et au bout de trois années d’exploitation, les associés ont décidé d’investir dans un second moteur pour retrouver un équilibre économiquement plus satisfaisant. Le choix s’est alors porté, chez le même fournisseur, sur un moteur Tedom de 200 kWé, moins cher à l’achat que le Schnell, mais aussi moins sensible à conduire et donc plus disponible, même si son rendement de 38 % n’est pas aussi exceptionnel que celui du Schnell à 43 %. À la parution de cet article, les deux moteurs affichent respectivement près de 50 000 heures de fonctionnement pour le Schnell et plus de 25 000 heures pour le Tedom.

Les deux modules de cogénération biogaz à Boulay-Moselle, photo Frédéric Douard

Jean-François Darreye précise que la présence de deux moteurs apporte une souplesse de conduite appréciable qui permet par exemple de ne jamais arrêter la livraison de chaleur à la ville, même en cas de maintenance de l’un des moteurs. La consommation de charbon actif est de 1 m³ tous les six mois pour protéger les moteurs du H2S.

Le contrat de vente de l’électricité à EDF Obligation d’Achat, qui avait été conclu au départ pour 15 ans, a été prolongé à 20 ans à l’occasion de l’augmentation de puissance en 2019. Le tarif appliqué est le BG11. Les installations de cogénération fonctionnent aujourd’hui 8 400 heures par an ce qui représente une disponibilité de près de 96 % à pleine charge.

La génératrice Tedom des AMDPB, photo Frédéric Douard

Une belle valorisation de la chaleur

La chaleur produite par les moteurs est utilisée en toute petite partie pour le chauffage du digesteur. Ce besoin représente au maximum 50 kW et pas toute l’année. Le reste de la chaleur disponible, à savoir près de 400 kW, permet de chauffer la piscine, le dojo et la salle polyvalente. La livraison se fait par un réseau de chaleur enterré de 1100 mètres, propriété de la collectivité. Celle-ci achète la chaleur renouvelable à 3 centimes le kWh dans le cadre d’un contrat de 15 ans, une bonne opération pour tout le monde ! Cela rapporte ainsi environ 4 000 € par mois aux agriculteurs-méthaniseurs, ce qui représente approximativement 10 % des recettes totales de la centrale biogaz.

Le digestat

Après un temps de séjour en digestion de 70 jours en moyenne, la biomasse est épuisée et passe au séparateur de phase. Les quantités annuelles de digestat sont de 5000 tonnes en solide et de 7000 tonnes en liquide. Elles permettent de couvrir 25 % des apports d’azote et 100 % des apports en potassium et phosphore sur les 800 ha du plan d’épandage. Les taux de matière sèche observés sont de 15 à 20 % pour le digestat solide et de 5 à 6 % pour le liquide. Les valeurs agronomiques des digestats sont de 4/3/6 en NPK pour le solide et de 4/2/5 pour le liquide.

Notons que le plan d’épandage évolue régulièrement, ce qui est notamment dû aux interactions entre les différents projets de méthanisation qui se mettent en place dans la région. Ces adaptations sont à ce jour assez faciles à gérer, ce qui n’a jusqu’ici pas poussé les associés à rechercher pour l’instant une reconnaissance DigAgri de leur digestats, et qui leur permettrait de les commercialiser.

Le transport du digestat vers les exploitations est réalisé par les exploitants. L’épandage se fait dans le cadre d’une CUMA créée entre les cinq associés. Celle-ci a investi dans deux tonnes de 11 et 18 m³, toutes deux équipées en pendillards, et dans un épandeur à fumier pour le solide. Les coûts de ces opérations sont de 2 à 3 € par tonne pour le transport et de 1,5 € pour l’épandage. La quantité moyenne d’épandage du liquide est de 21 m³/ha.

Poste de séparation de phase à Boulay-Moselle, photo Frédéric Douard

Le retour des digestats aux apporteurs se fait selon des règles simples : une tonne pour une tonne pour le fumier, et un cinquième du tout pour chacun des associés pour les CIVE, celles-ci étant payées aux apporteurs à livraison. Cette rémunération des CIVE est de 110 € la tonne de matière sèche aux associés. Aux apporteurs extérieurs, elle est de 90 € pour de l’herbe et de 100 € pour du maïs.

Notons enfin le rôle de stockeur d’ensilage que peuvent jouer les agriculteurs-méthaniseurs. Dans un sens, ils apportent une capacité à stocker des surplus de production, comme en 2021 avec l’abondance de pluies, voire à ensiler comme en 2021 également des cultures perdues comme du foin, du blé et même du colza avorté. Dans l’autre sens, en fin d’hiver ou en période sèche, ils ont la possibilité de dépanner des éleveurs locaux en leur vendant des aliments qu’ils ont alors bien du mal à trouver localement.

Agitateur à pales Steverding sur le digesteur des AMDPB, photo Frédéric Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Boulay-Moselle



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