Einna Biocombustibles, un producteur de granulés de bois particulièrement vertueux
Article paru dans le Bioénergie International n°84 de mai 2023
Lionel Zordan, le fondateur d’Einna Biocombustibles devant l’un de ses camions souffleurs, photo Frédéric Douard
La presse à granuler d’Einna Biocombustibles, photo Frédéric Douard
L’entreprise Einna Biocombustibles est implantée sur le site d’une ancienne minoterie hydraulique sur la commune d’Amplepuis, au cœur des moyennes montagnes du Beaujolais vert, entre Lyon et Roanne. Son activité de production de granulés de bois a été conçue et est conduite avec l’exigence d’impacter le moins possible l’environnement et le climat. Pour respecter ces exigences, Lionel Zordan, le fondateur et dirigeant de l’entreprise, a mis en place des pratiques pour limiter les transports, les consommations d’énergie et le gaspillage de matière et d’emballages.
Un projet de reconversion réussi
En 2005, Lionel Zordan est informaticien. Alors qu’il travaille sur un projet de construction de maison, il découvre le chauffage au granulé de bois. Dès lors, séduit par le côté vertueux d’une activité qu’il envisage à une échelle artisanale, locale et humaine, un projet de reconversion professionnelle prend forme. Il se renseigne, visite des salons et participe à des conférences sur le sujet. Puis, il faut trouver un site d’implantation, le matériel adapté à une production artisanale et surtout la matière première. Alors qu’à cette époque, le marché n’était pas aussi important qu’aujourd’hui, une étude de marché lui permet de définir une clientèle cible : les particuliers autour du secteur d’implantation. Le montage du projet prendra deux années, la taille artisanale de la production n’offrant pas de solutions toutes faites.
Einna Biocombustibles est installé dans le Moulin de Rébé à Amplepluis, photo Frédéric Douard
La production est mise en service en octobre 2008, mais les premières années seront très difficiles, dû au fait que les deux principaux équipements de production, la presse et le séchoir, ne fonctionnent pas comme attendu. Mais Lionel croit fortement en l’avenir de ce mode de chauffage écologique, et persévère. Tout en mettant au point l’unité, il consolide sa clientèle en faisant de la revente. En 2014, il remplace sa première presse par une CPM d’occasion de 750 kg/h rénovée et fournie par Europ Service Industrie.
En 2019, l’entreprise ne compte alors que deux personnes et EINNA Biocombustibles devient le plus petit producteur français recevant la double certification ENPlus A1 producteur et ENPlus A1 distributeur. En 2021, il abandonnera aussi son séchoir rotatif, profitant de la mise en service d’une unité de méthanisation sur sa commune, Max Energies, en cogénération et donc avec de la chaleur disponible.
Des sacs en papier et consignés 30c€, photo Frédéric Douard
Une production et deux marchés
La majeure partie de la production réalisée au Moulin de Rébé, 2200 tonnes par an, certifiée ENPlus-A1, est vendue en sacs, départ usine ou livrée sur palettes. Cette offre pour le marché des poêles est complétée par de la bûche densifiée produite localement par un tiers.
Le marché du vrac a démarré avec les chaudières des particuliers, et se développe depuis peu avec des collectivités qui captent désormais 10 % du volume en vrac. Il a aujourd’hui pris une telle ampleur, plus de 5000 tonnes livrées en 2022, que la production de l’entreprise ne suffit plus. Cette fourniture est donc principalement réalisée avec du granulé également certifié mais produit par d’autres producteurs de la région et livré par gros porteurs à Amplepuis. De-là, ce granulé est recriblé et livré par soufflage.
Pour limiter l’impact carbone lié au transport, et à la fois maîtriser les coûts de distribution, l’entreprise ne livre que dans un rayon de 50 à 60 km dans le Beaujolais et le Roannais.
Sécher à la chaleur renouvelable
Le séchage de la sciure est assuré par la centrale de cogénération au biogaz Max Energies, photo Frédéric Douard
Pour sa production, l’entreprise utilise sciures et copeaux, majoritairement récupérés par elle-même avec un camion porte-conteneur dédié à la collecte, et plus marginalement livrés par gros porteurs. Cette collecte est réalisée dans des entreprises situées à moins de 25 km d’Amplepuis. Une partie de la matière première, déjà sèche, peut être granulée après un simple affinage. Le reste est séché chez Max Energies, en bennes à double-fond perforé Lauber et sur un séchoir à plat à caniveaux, avec une durée moyenne de séchage d’une semaine.
Les cellules de séchage chez Max Energies à Amplepuis, photo Frédéric Douard
Que ce soient les planchers des bennes ou ceux des caniveaux, ils sont constitués de grilles à pontets RMIG, manufacturées sur des châssis rigides par Lauber, de manière à ce que l’air circule sur toute leur surface, tout en supportant le poids des engins.
Séchage de sciure sur une cellule à plat chez Max Energies, photo Frédéric Douard
Notons ici que le produit à sécher est particulièrement peu pénétrant par l’air et n’est pas facile à sécher en grosse épaisseur. Pour cela, après de nombreux essais, que ce soit dans les bennes à fond perforé ou sur les cellules à plat, Lionel a déterminé une hauteur de matière à sécher idéale de 120 cm. Pour les produits les plus humides, un retournement du produit se pratique au chargeur à mi-période de séchage.
La centrale d’air chaud Lauber chez Max Energies, photo Frédéric Douard
L’air de séchage est produit par un échangeur Lenz-Lauber de 280 kWth qui distribue en même temps sur deux bennes et deux cellules à plat. Il est alimenté en eau chaude par le moteur de la cogénération biogaz, et si besoin en appoint par une chaudière à plaquettes Hargassner.
Les bennes de séchage chez Max Energies, photo Frédéric Douard
Trois camions de livraison
Pour la distribution, en 2008, le marché étant presque exclusivement constitué de clients vrac, Lionel achète un souffleur autonome à Transmanut pour fournir les silos des chaudières. Le marché du vrac se consolidant, en 2016, il achète son premier camion souffleur avec citerne fixe de 10 tonnes Transmanut, avec filtration des poussières intégrée, une innovation développée en collaboration avec le constructeur.
La manche filtrante intégrée aux camions de vrac soufflé, photo Frédéric Douard
Au déchargement les granulés glissent sur une grille à travers laquelle sont aspirées les poussières qui sont récupérées dans une manche filtrante. Avec cette innovation, Lionel n’aura jamais aucun problème de poussière en fond de silo avec ses clients.
Les deux camions souffleurs Transmanut à pesée embarquée, photo Einna Biocombustibles
En 2019, Lionel fera l’acquisition d’un deuxième camion de livraison, mais cette fois à carrosserie déposable et pouvant au choix embarquer une citerne de vrac de 10 tonnes ou un plateau bâché pour le sac, avec chariot embarqué. Ce plateau remplacera le fourgon de livraison utilisé depuis 2008.
Le camion plateau Transmanut avec chariot embarqué pour les livraisons en sacs, photo Einna Biocombustibles
Tamisage et recyclage des fines à tous les niveaux
Chez Einna Biocombutibles tous les granulés sont transportés dans l’usine par soufflage dans des tuyaux en inox de manière à ne pas les abimer, photo Frédéric Douard
Pour garantir la meilleure qualité des produits qu’il fabrique et qu’il distribue, Lionel a doté son entreprise d’outils garantissant cette qualité jusque chez le client. Ainsi, en plus de toutes les mesures indispensables à la certification des granulés (humidité, pouvoir calorifique, durabilité), Lionel a particulièrement travaillé le transport des granulés en conduites inox dans l’usine de manière à les abimer le moins possible, et surtout l’élimination et la récupération des poussières de bois tout au long de la chaîne de production et de distribution. Les particules fines présentent dans le granulé de bois sont en effet la première source d’insatisfaction possible chez les clients (encrassement des appareils, baisse de rendement, accumulation dans les silos et bourrages) et Lionel en a fait l’une de ses priorités.
Aspiration centralisé des fines sur tous les postes de travail, photo Frédéric Douard
Les procédés de dépoussiérage mis en place chez Einna Biocombustibles permettent de garantir une teneur moyenne en poussières résiduelles très basse : 0,03 % pour les sacs et 0,2 % pour le vrac au chargement du camion (la certification demande moins de 1 %). Les granulés sont ainsi dépoussiérés par tamisage :
- en sortie de presse
- en sortie du refroidisseur
- à l’emballage des sacs
- au chargement des camions de vrac avec un crible à cascade sur le portique de chargement
- à la livraison en vrac chez le client, sur les camions.
Lionel Zordan devant les manches autonettoyantes de son aspiration centralisée, photo Frédéric Douard
Toutes ces poussières, y compris celles récupérées sur les camions souffleurs, sont réintégrées dans le cycle de production et ne sont pas gaspillées. Sur le site, des postes d’aspiration placés à tous les endroits générant de la poussière, ramènent les fines vers un filtre à manches à décolmatage permanent, avant qu’elles ne soient renvoyées vers la production.
Des emballages biosourcés et consignés
Pour la fourniture en sacs, afin de limiter la consommation d’emballages et la production de déchets, la palette et les sacs sont consignés.
Les sacs sont feuillardés pour être réutlisables, photo Frédéric Douard
Si la palette est naturellement en bois, l’entreprise a aussi fait le choix du bois pour ses sacs. Ils sont fabriqués en papier kraft triple épaisseur, très résistants, particulièrement en cas de chute, et sont réutilisables plusieurs fois comme emballage avant de retourner en filière de recyclage du papier. Au démarrage de sa production, Lionel avait fait le choix de sacs à valve, du type sacs de ciment, mais a ensuite trouvé plus pratique et moins cher de plier un sac à coudre et de le fermer par un feuillard pour qu’ils soient réutilisables. Ce nouveau format de sac a également permis de proposer, en plus des sacs de 15 kg, des sacs plus petits ne contenant que 10 kg, pour la plus grande satisfaction des utilisatrices et des personnes âgées.
Retour des sacs par un client, photo Frédéric Douard
Ainsi, Lionel a instauré une pratique encore aujourd’hui unique en France : la consigne de ses sacs de granulés. Les sacs sont repris 30c€ pièce s’ils sont rendus parfaitement pliés et en bon état. Pour éviter de les abîmer à l’ouverture, la fermeture est réalisée avec un lien qui entoure le sac, rebord replié. Une ligne d’ensachage et de palettisation automatique sur mesure a ainsi été mise au point pour réaliser les palettes avec de tels sacs. Outre l’aspect environnemental, cette organisation a aussi un intérêt économique pour le producteur qui divise par cinq ses achats de sacs, du fait d’un taux de retour de 80 %.
Une stratégie commerciale basée sur le service de proximité
Lionel n’est bien sûr pas le seul producteur et encore moins distributeur de granulés de bois dans sa région. Alors, pour se démarquer, outre ses engagements environnementaux décrits précédemment, il a mis en place une stratégie basée sur un service de proximité. Ses produits ne sont pas disponibles en magasins ni en réseaux de distribution.
Tout d’abord, il tient à entretenir une relation directe avec sa clientèle, par téléphone ou de visu, et ne pratique ni le commerce électronique ni les centres d’appel. Les produits sont uniquement vendus sur place à l’atelier et sur rendez-vous, ou livrés.
Le laboratoire d’Einna Biocombustibles pour le suivi qualité quotidien, photo Frédéric Douard
Il a également mis en place une grille tarifaire égalitaire, avec un même prix quelle que soit la quantité demandée. Cela ne pousse pas au sur-stockage et ne pénalise pas le petit consommateur face au plus important. Toujours sur la question des tarifs, il encourage les tournées organisées de manière à parcourir les plus petites distances possibles et répercute les économies réalisées à ses clients. Pour cela, le tarif de fourniture est remisé si par exemple plusieurs clients d’un même secteur s’accordent pour être livrés le même jour.
Les livraisons en sacs sont réalisées par palettes filmées et rangées dans le lieu de stockage des clients avec un chariot embarqué Transmanut, photo Einna Biocombustibles
Les livraisons en sacs sont réalisées par palettes filmées et rangées dans le lieu de stockage des clients avec un chariot embarqué Transmanut. Pour les livraisons en vrac, l’entreprise a mis en place un registre de livraison, un document qualité qui permet de tracer les conditions dans lesquelles se déroule chaque livraison et l’état apparent des silos de stockage, des facteurs déterminants pour garantir la qualité à la livraison. Ce document est co-signé par le livreur et le client, et une copie est remise au client. Ce registre rappelle également les conditions optimales de stockage et d’utilisation des granulés.
Depuis juillet 2022, l’entreprise tourne à plein régime en 3 fois 8 heures et emploie six personnes.
Contacts :
La chaudière d’appoint aux séchoirs chez Max Energies, photo Frédéric Douard
- Lionel Zordan : 04 74 05 96 20 – contact@einna-biocombustibles.com – www.einna-biocombustibles.com
- Fourniture, installation et maintenance presse : damien.besnard@esi-agro.fr – 06 84 51 28 65 – www.esi-agro.fr
- La presse à granuler : www.cpmeurope.nl
- Broyeur de chutes : www.untha.com/fr
- Séchage : Patrick Magne – magne-patrick@wanadoo.fr – 06 10 46 29 57 - www.zmtechnik.ch – www.lauber-holztrockner.de/fr/
- Max Energies : Pierre Gouttenoire – 06 84 24 75 39 – pgoutenoire@gmail.com
- Chaudière d’appoint séchage : www.hargassner-france.com
- Plancher de séchage à plat : www.rmig.com/fr
- Filtration des poussières : www.ami-mecanisation.fr
- Ensachage et palettisation : www.mgsas.fr
- Camions souffleurs : www.transmanut.com
Frédéric Douard, en reportage à Amplepuis
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