Granuloé, site pilote d’un réseau d’unités de granulation de bois en circuit local
Article paru dans le Bioénergie International n°88 d’octobre 2023
Livraison de granulés dans une chaufferie collective avec une citerne souffleuse Transmanut, photo Granuloé
L’opérateur énergétique Voé, basé à Béthune dans l’ancien bassin minier du Pas-de-Calais, conçoit et exploite des chaufferies biomasse pour ses clients publics et privés, à destination de l’habitat collectif, des équipements publics et de l’industrie, pour des projets de construction neuve ou en rénovation. Son concept est de faire fonctionner les chaufferies qu’il met en place avec des granulés de bois qu’il produit localement à partir de palettes en fin de vie. Sa première unité de production, Granuloé, a été inaugurée le 9 juin 2023 à Labourse, entre Lens et Béthune.
Une démarche vertueuse de transition énergétique
Le projet Voé est né en 2019 et prend racine dans les activités du bureau d’études lillois Symoé, créé en 2001 par Victor Jumez et spécialisé dans l’écoconception des bâtiments. Victor, aujourd’hui directeur général de Voé, rencontre alors l’équipe de Biomasse 13, une entreprise de Marseille qui produit un granulé de bois de haute qualité depuis 2011 à partir de palettes non traitées et non recyclables car trop brisées.
Victor Jumez, directeur général de Voé à gauche et Christophe Brevière, directeur commercial de Granuloé, photo Frédéric Douard
Car cette ressource ne manque pas dans les Hauts-de-France, deuxième région française consommatrice de palettes de bois. Et de l’éthique du concepteur de projets, va naître une nouvelle activité : la fourniture clé en main de chaufferies biomasse, avec exploitation et vente de chaleur. Et pour produire facilement cette chaleur renouvelable en petites et moyennes puissances en secteur urbain dense, rien de plus simple que le granulé de bois, qu’il va alors souhaiter produire localement en organisant des boucles vertueuses d’économie circulaire, pour en maîtriser le coût et l’origine.
Une offre globale garantie dans le temps par un combustible local
Pour convaincre ses futurs clients, Voé affiche un argument de poids en s’engageant dès la phase d’étude des chaufferies sur la fourniture du granulé et sur le coût d’exploitation. Cet engagement peut prendre la forme soit d’un prix maximum garanti, soit d’un forfait chaleur (chauffage + ECS) au m2 de l’ordre de 1 €/m²/mois dans le cadre d’une offre globale. Afin de garantir une stabilité de prix et une origine locale du combustible à ses clients, Voé s’est donc lancé en 2023 dans la production de granulés, sur la base d’un gisement ultra local de palettes en fin de vie, en s’installant dans une grande zone d’activité logistique en bordure de l’Autoroute des Anglais. Et dans un contexte de besoins d’investissements accrus des maîtres d’ouvrage, Voé propose également à ses clients des solutions de tiers financement.
Pour la sacherie, Granuloé a choisi le papier, photo Granuloé
Parmi les références de chaufferies Voé, citons depuis 2019 : 20 logements à Hallennes-lez-Haubourdin près de Lille chauffés avec une chaudière de 40 kW ; 125 logements chauffés dans l’écoquartier Fives Cail à Lille (600 kW) ; les 215 logements de la résidence Fil’Harmonia à Croix près de Lille (350 kW) ; les 147 logements de la résidence Nouvel’Aire à Tourcoing (300 kW) ; les 97 logements de la résidence Saint-Christophe à Cergy (300 kW) ; ou encore les 65 appartements de la résidence Cœur Boisé à Nantes (150 kW). Et de nombreux autres projets sont en cours dans plusieurs régions françaises.
Chaufferie collective alimentée par Granuloé, photo Granuloé
Ces installations fonctionnant presque toutes sur le même modèle avec deux chaudières en cascade et un ballon tampon. Elles sont installées selon les cas de figure, en neuf ou en rénovation, dans une chaufferie préfabriquée ou dans une chaufferie existante. Pour chaque réalisation, Voé conçoit, fait construire et assure l’exploitation et la vente de chaleur en sous-traitant la conduite et la maintenance à des chauffagistes locaux, pour maîtriser au mieux les coûts d’intervention et garantir une bonne réactivité.
Granuloé, site pilote de l’aventure Voé
Avec ses coactionnaires, la Sem Énergies Hauts-de-France et Enercoop Hauts-de-France, Voé a créé la société Granuloé dont elle est l’actionnaire majoritaire. Pour la conception technique de cette unité de production dont la capacité est de 3000 tonnes par an, Victor s’est fait accompagner par la société Biomasse 13. En effet, en plus de son activité de producteur de granulés, Biomasse 13 assure également l’accompagnement de projets locaux de production, en neuf ou occasion, ainsi que la vente d’équipements.
L’usine Granuléo à Labourse dans le bassin minier du Pas-de-Calais, photo Granuloé
L’unité de Labourse, mise en service en mars 2023, a été conçue pour valoriser une ressource locale et pour produire un combustible renouvelable, manufacturé, standardisé, et très facilement manipulable, stockable, livrable et utilisable. Sa production de vrac est destinée en priorité aux chaufferies mises en place localement par Voé et par Symoé. Sa production en sacs est destinée aux particuliers du secteur proche, principalement par achats groupés, Granuloé ne vendant pas au détail.
La citerne souffleuse Tansmanut, photo Granuloé
Signalons que le but du partenariat avec Enercoop est de pouvoir utiliser une électricité renouvelable à un prix maîtrisé, pour la production du combustible, mais aussi pour la production de chaleur. À Labourse, la puissance électrique souscrite est de 600 kW. Avec ce partenariat, Enercoop acquiert également la possibilité de proposer du granulé local à ses autres clients.
Un projet ambitieux adossé à un groupe national
Le groupe de BTP Léon Grosse, dont le siège est situé à Aix-les-Bains en Savoie depuis 1883, fort de ses 2200 collaborateurs et d’un chiffre d’affaires annuel de plus de 800 millions €, s’est engagé dans la transition écologique et énergétique. C’est dans ce cadre qu’après une première prise de participation dans Voé en 2021, le Groupe est devenu l’actionnaire majoritaire en 2023 aux côtés du fondateur, par augmentation de capital. Cette prise de participation apporte au projet un gage de solidité et d’accélération de l’activité à l’échelle nationale, d’une part pour répliquer le modèle de l’usine pilote Granuloé, et d’autre part pour continuer à concevoir, financer et exploiter des chaufferies biomasse.
La matière première de Granuloé, photo Frédéric Douard
L’objectif de Voé est le déploiement d’une vingtaine de boucles locales d’énergie en France à horizon 2030, autour des zones d’activités sur l’ensemble du territoire français, des unités de granulation standardisées et dimensionnées sur les ressources disponibles localement, en évitant le transport longues distances des matières premières et des produits à livrer. Pour les clients de Voé, cette solution constitue la garantie d’un approvisionnement plus sûr en combustible renouvelable, produit à proximité, bas carbone et économique. Chaque nouvelle implantation se fera avec mise en place d’une société locale de projet impliquant des acteurs locaux.
Unité de broyage et de déférraillage des palettes de Granuloé, photo Frédéric Douard
Le principe qui s’appliquera à tous les projets Voé est la récupération de palettes de bois en fin de cycle de vie, ne pouvant être reconditionnées et collectées dans un rayon maximal de 50 km. La collecte et la transformation des bois d’emballage non traités est peu énergivore et ne nécessite aucun séchage. La ressource devient une matière première combustible propre et contrôlée dans le cadre d’une procédure imposant analyses chimiques et traçabilité appelée statut de sortie de déchet (SSD).
Un déferraillage poussé est une étape cruciale avec ce type de ressource, photo Frédéric Douard
Le bois d’emballage en fin de vie est une ressource abondante et encore mal valorisée en France. Une étude réalisée par le FCBA en 2019 a montré que 600 000 à 800 000 tonnes de palettes usagées sortent du circuit chaque année sur le territoire Hexagonal sans être valorisées. Voé compte donc mettre en place ce qu’elle appelle des boucles locales d’énergie, au bénéfice des clients et de la transition écologique des territoires.
Découverte de l’usine de Labourse
Comme nous venons de le dire, à Labourse, les palettes sont collectées localement dans un rayon de 50 km maximum par l’entreprise et stockées en flux tendu sur la plateforme. Notons que pour se garantir un approvisionnement le plus exempt possible de corps étrangers et de bois souillés, Granuloé récompense les salariés des sociétés chez qui elle collecte les palettes en leur proposant des granulés à la vente à prix bas, si et seulement si les bennes de palettes sont parfaitement triées ! Une fois sur la plateforme, les palettes sont néanmoins revérifiées afin d’éliminer le moindre bois souillé ou corps étranger. Les résidus d’emballage sont quant à eux éliminés de façon manuelle. Les bois sont ensuite passés dans un broyeur lent avant de subir un déferraillage poussé.
La chaine de production Granuloé, photo Frédéric Douard
Le broyat, qui rappelons-le est sec, intègre ensuite le processus de granulation dans un bâtiment de 1 000 m² sans besoin de séchage. Après un second déferaillage en sortie de la trémie de réception, il suit alors un parcours classique : affinage au broyeur rapide, malaxage et homogénéisation, dosage et humidification si besoin, pressage sans additif, refroidissement puis soit ensachage soit stockage en vrac.
La presse Kahl de Granuloé, photo Frédéric Douard
Les deux tiers de la production sont stockés en vrac dans quatre silos de 500 m³ pour ensuite être livrés avec la citerne souffleuse Transmanut de 10 tonnes acquise par la société. Le tiers restant est directement mis en sacs en papier kraft, un conditionnement biosourcé et renouvelable pour une bonne cohérence environnementale avec le reste du projet.
Le refroidisseur en sortie de presse, photo Frédéric Douard
Le circuit technique mis en place avec le concours de Biomasse 13 permet de produire un granulé conforme, hormis l’origine du bois qui n’est pas forestière directe, aux caractéristiques de la classe A1 de la norme ISO 17 225-2 pour les granulés de chauffage domestique, la même norme qui sert de référence aux certifications en vigueur sur le territoire français : la NF – Biocombustibles solides – Granulés Bois Qualité Haute Performance, la DIN Plus ou la ENPlus – A1. En termes de reconnaissance de qualité, bien que ce granulé ne puisse être certifié par l’une de ces trois instances, puisque l’origine du bois de recyclage n’entre actuellement pas dans les cases de ces certifications, Granuloé pratique néanmoins quotidiennement les contrôles de qualité comme s’il devait respecter un cahier des charges de certification.
Les équipements de laboratoire à Labourse, photo Granuloé
Pour cela, la plateforme possède son propre laboratoire avec mesure des dimensions, de la masse volumique, de l’humidité, de la durabilité et du taux de cendre. Chaque trimestre, l’entreprise envoie également un échantillon de ses granulés à un laboratoire indépendant pour valider officiellement ses résultats. Et l’entreprise s’engage à transmettre à ses clients les résultats de ses analyses et de celles du laboratoire indépendant à chaque livraison si besoin.
Salle de remplissage de la citerne de livraison, photo Granuloé
Les investissements de la plateforme de Labourse se montent à 3 M€ : la moitié pour le terrain et les bâtiments, et l’autre moitié pour les équipements. Le site fonctionne actuellement en postes de 8 heures en journée, six jours par semaine, avec une équipe de cinq personnes.
Contacts :
- Voé : Victor Jumez – 06 63 96 50 77 – vjumez@voe.bio – www.leongrosse.fr/voe
- Granuloé : Christophe Brévière – 06 64 71 12 69 – contact@granuloe.fr – www.leongrosse.fr/voe/granuloe
- Conception de l’usine : 04 42 72 07 20 – www.biomasse13.fr
- Presse à granuler : www.akahl.com/fr/
- Broyeur lent : www.vecoplan.com
- Citerne souffleuse : 02 54 42 90 30 – www.transmanut.com
Frédéric Douard, en reportage à Labourse
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