Bio Énergies Beaujolaises, un pôle gaz renouvelables en partenariat public-privé
Article paru dans le Bioénergie International n°97 de juin 2025

Bio Energies Beaujolaises à Charentay en Beaujolais avec à droite la distillerie du Beaujolais, photo Agriopale

Discours de François Dusannier, Président d’Agriopale lors de l’inauguration du site, photo Frédéric Douard
À Charentay, près de Belleville-en-Beaujolais dans le département du Rhône, plus de 200 personnes étaient rassemblées le 10 avril 2025 pour inaugurer la centrale biométhane territoriale Bio Énergies Beaujolaises. Ce projet est né il y a dix ans de l’idée de valoriser en énergie renouvelable les biodéchets de la Communauté de Communes Saône-Beaujolais et plus particulièrement les boues issues de l’épuration de ses eaux usées. Porté par la volonté de la Communauté de Communes d’atteindre l’autonomie énergétique et de valoriser ses ressources locales, le Syndicat de Traitement des Eaux Usées Saône Beaujolais a lancé un appel à projet national pour sélectionner un partenaire technique et économique capable d’assister la collectivité dans la mise en œuvre de son projet. Et parmi les acteurs de dimension nationale et même internationale qui ont candidaté, c’est une entreprise familiale du Pas-de-Calais, Agriopale Services, qui a emporté le partenariat !
Un projet né de la volonté politique locale
Ce projet est l’aboutissement d’une volonté forte exprimée depuis 2010 par des élus, en l’occurrence ceux de la Communauté de Communes Saône-Beaujolais, et notamment de son président Frédéric Pronchéry, de produire de l’énergie renouvelable sur place à partir des ressources locales, dans le but d’atteindre l’autonomie énergétique, et ce dans le cadre d’une gouvernance publique exemplaire. Pour les élus locaux, ce projet est un symbole d’autonomie, de cohérence territoriale et de responsabilité collective.

Les cinq cuves de digestion chez Bio Energies Beaujolaises, photo Frédéric Douard
Dans cette dynamique, le Syndicat de Traitement des Eaux Usées Saône Beaujolais a mené dès 2015 une réflexion sur l’optimisation de la gestion des boues et graisses du Centre Intercommunal de Traitement de l’Eau de Belleville (le Citeau) via la méthanisation et l’injection de biométhane dans le réseau de gaz naturel. D’un point de vue opérationnel, le Citeau a rapidement engagé des études de faisabilité, en lien avec la profession agricole, les services de l’État, les collectivités et les partenaires techniques.

Tous les véhicules entrants et sortants sont pesés, photo Frédéric Douard
En 2019, la dynamique s’accélère avec la sélection du site de Charentay, au sud de Belleville-en-Beaujolais, dans la ZAC Lybertec, à proximité du Citeau, de la Distillerie du Beaujolais et d’une conduite de gaz GRDF. Le choix de créer une SEMOP, une Société d’Économie Mixte à Opération unique, s’est ensuite imposée comme la solution la plus cohérente pour conjuguer vision publique et efficacité opérationnelle. Cette réflexion a abouti à la création de la SEMOP Bio Énergies Beaujolaises en 2023. Deux années plus tard, en mars 2025, l’unité de méthanisation était mise en service.

La distillerie du Beaujolais est fournisseur de matière à la méthanisation, photo Frédéric Douard
Une SEMOP permet à la collectivité, qui est minoritaire dans le capital, ici à 35 %, mais qui en détenant une minorité de blocage peut rester pleinement décisionnaire dans le cadre de la société, tout en s’appuyant sur l’expertise technique du ou des partenaires privé·s. Historiquement, la première SEMOP de France, Doléa, a été créée en 2016 dans le domaine de la gestion de l’eau, par la ville de Dole dans le Jura avec l’opérateur privé Suez. La première SEMOP de France dans le domaine de l’énergie, Amiens Énergies, a été créée en 2017, par la ville d’Amiens avec ENGIE Solutions et la Banque des Territoires, pour développer le réseau de chaleur renouvelable de la capitale picarde. Bio Énergies Beaujolaises est quant à elle la première SEMOP de France dans le domaine de la production de biométhane. Elle se présente ainsi comme un modèle reproductible, adapté à d’autres collectivités souhaitant conjuguer autonomie énergétique, valorisation des déchets locaux et gouvernance publique forte.
Agriopale, pionnier du biométhane en France
Agriopale Services, le partenaire sélectionné par le Citeau pour réaliser le projet de Charentay, est une entreprise familiale spécialisée dans la valorisation de la biomasse pour l’agriculture et l’énergie. Elle a été créée il y a 25 ans déjà par cinq exploitations agricoles d’une même famille de la région du Touquet sur la Côte d’Opale, les Dusannier et les Tardieu. Leur objectif premier était de produire des composts à partir de déchets verts et de boues de stations d’épuration des eaux usées, pour redonner vie et fertilité à leurs sols agricoles parfois appauvris en matière organique après l’abandon des activités d’élevage. L’entreprise gère aujourd’hui huit plateformes de compostage dans les Hauts-de-France. Agriopale s’est ensuite rapidement diversifiée, passant des déchets verts à la production et à la commercialisation de bois-énergie pour les chaufferies industrielles et collectives mais aussi pour les particuliers, avant de mettre en service la première unité de biométhane des Hauts-de-France en 2015 à Cucq dans le Boulonnais. Sept autres unités de biométhane suivront avant celle de Charentay, ainsi qu’une douzaine de stations-services délivrant du bioGNV en cours de déploiement sous la marque du réseau Gazie.

Le module de purification du biogaz à Charentay, photo Frédéric Douard
Aujourd’hui, Bio Énergies Beaujolaises est donc la neuvième centrale de biométhane financée, réalisée et exploitée en partenariat avec Agriopale Services. Et la particularité de toutes ces centrales est qu’aucune n’incorpore de cultures. Elles ne fonctionnent qu’avec des sous-produits agricoles ou agroalimentaires, avec des boues d’épuration et/ou avec des biodéchets. Le choix de ce partenaire par le Citeau pour conduire économiquement le projet Bio Énergies Beaujolaises tient en deux critères : une grande agilité technique et économique, et une vision des choses partagée, comme sur le non-recours aux cultures et la limitation maximale des transports.
Du gaz vert produit uniquement à partir des biodéchets locaux
Les ressources mises à profit par le projet sont en premier lieu, et pour 50 % des volumes, les boues et sédiments résiduaires du traitement des eaux usées du Citeau de Belleville-en-Beaujolais et de l’agglomération de Villefranche-sur-Saône. Ces produits sont méthanisés techniquement à part des autres en respect de la réglementation, sur une ligne que nous allons appeler STEP, pour STation d’EPuration. Les autres ressources sollicitées sont des sous-produits agricoles et agro-industriels, viti- et vinicoles, et des biodéchets déconditionnés. Elles sont méthanisées sur une autre ligne que nous appellerons Agricole.

Des sous-produits solides de l’agriculture et de la viticulture sont utilisés, photo Frédéric Douard
À terme, le site de méthanisation territoriale Bio Énergies Beaujolaises sera en capacité de valoriser jusqu’à 35 000 tonnes de déchets organiques par an, à 100 % liquides ou pâteux sur sa ligne STEP, et à 70 % liquides sur sa ligne Agricole. La ration s’établira alors à 85 tonnes par jour, pour une production de biométhane attendue de 350 Nm³/h. Aujourd’hui, en phase de démarrage, la ration est de 60 tonnes par jour pour une production de biométhane de 250 Nm³/h.

Pompes Wangen de circulation du digestat, photo Frédéric Douard
Un peu plus dans le détail, les intrants de la ligne Agricole sont du lactosérum, des marcs épuisés de raisin, des vinasses, des pulpes, des fumiers et lisiers, des sous-produits des industries agro-alimentaires, et des biodéchets déconditionnés hygiénisés. La zone actuelle de collecte de ces produits d’origine agricole s’étend à 80 km autour du site de méthanisation sur quatre départements : le Rhône, l’Ain, la Saône-et-Loire et la Loire.
La valorisation des boues d’épuration des eaux impose quant à elle un double investissement sur le processus de production du biogaz, mais présente l’avantage d’afficher un coût d’approvisionnement négatif, les collectivités fournisseuses rémunérant la centrale pour le traitement apporté et qu’elle n’a plus à assumer.
Deux lignes de méthanisation distinctes sur un seul site
L’unité de méthanisation est implantée sur un terrain de quatre hectares situé à quelques dizaines de mètres de la Distillerie du Beaujolais qui est l’un de ses principaux fournisseurs de matière à digérer, en l’occurrence des marcs épuisés et des vinasses. Les travaux de construction de ce projet à 12 M€ ont commencé en mars 2024 pour une mise en service en mars 2025, seulement douze mois après. Les matières organiques y sont méthanisées sur deux lignes séparées mais qui se rejoignent au niveau de la purification du biogaz en biométhane.

La trémie d’incorporation des solides d’origine agricole, photo Frédéric Douard
Un soin particulier a été porté à l’intégration environnementale du site : enterrement des cuves, traitement de l’air vicié et des odeurs, maîtrise des nuisances sonores, végétalisation et diversité des espaces verts. Les infrastructures sont tout d’abord constituées de bureaux et de locaux sociaux sur 130 m². Et à l’unique entrée du site, un pont bascule comptabilise tout ce qui entre et sort.

Un soin particulier a été porté à l’intégration environnementale du site, photo Frédéric Douard
La ligne STEP commence par un local fermé de 20 m de long équipé d’un traitement d’air pour éviter la propagation d’odeurs dans le voisinage. Les camions citerne s’y enferment pour vider leur cargaison dans une fosse de 600 m³. Les matières sont alors hygiénisées dans la fosse-même et dirigées vers une cuve de digestion STEP de 2900 m³ qui dispose de 1500 m³ de ciel gazeux à double membrane pour la récupération et le stockage du biogaz. Au bout de 40 jours à 40°C, le digestat rejoint la cuve de stockage STEP de 5000 m³ qui dispose de 2800 m³ de ciel gazeux.

Les fosses d’intrants liquides agricoles à Charentay, et l’arrière plan le bâtiment des intrants solides, photo Frédéric Douard
La ligne Agricole débute quant à elle via deux circuits distincts. Le premier accueille les liquides dans trois fosses de 170 m³ et équipées d’un traitement d’air. Le second accueille les solides dans deux bâtiments fermés totalisant 1125 m² et équipés d’un traitement d’air. L’un de ces bâtiments contient une trémie d’incorporation des solides de 80 m³, avec broyeur et pompe de recirculation des jus pour diluer, afin que cette matière puisse rejoindre les intrants liquides dans une fosse de mélange et d’hydrolyse de 600 m³. De là, le digestat frais rejoint le digesteur Agricole de 2500 m³, qui dispose de 1200 m³ de ciel gazeux, et plus tard un post-digesteur de 2500 m³, également avec 1200 m³ de ciel gazeux. Au terme de 60 jours de digestion, ce digestat épuisé rejoint une cuve de stockage Agricole de 5000 m³ avec 2800 m³ de ciel gazeux.

La fosse d’hydrolyse et les cuves de la ligne agricole, photo Frédéric Douard
Par la suite, le digestat brut des deux filières déborde vers une lagune en poche souple à double membrane imperméable de 5000 m³. Cette capacité de stockage est complétée par deux autres lagunes décentralisées sur les communes de Chaleins près de Villefranche-sur-Saône et de Romans près de Châtillon-sur-Chalaronne.

Vue aérienne du site Bio Energies Beaujolaise en avril 2025, dont la lagune, photo Agriopale
Dans les digesteurs et le post-digesteur, les matières sont brassées en permanence par deux agitateurs à pales et par un agitateur à arbre long. Le chauffage des cuves est assuré par la récupération de chaleur sur le compresseur de l’épurateur et si besoin en complément par une chaudière à biogaz de 300 kW. À terme, une partie du chauffage des cuves sera assuré par les condensats chauds (75°C) en provenance de la distillerie voisine et qui seront acheminés par une conduite enterrée et isolée.

L’un des agitateurs rapides Suma, photo Frédéric Douard
L’épuration des biogaz se fait selon un seul schéma mis en place par la société Arol Energy : filtration du biogaz par charbon actif pour en piéger l’anhydride sulfureux, compression pour passage dans les membranes, déshydratation, filtration membranaire et mise à la pression d’injection, ici 7 bar, avant envoi vers le poste d’injection où le gaz est revérifié, odorisé et compté.
La valorisation des produits
Le gaz est vendu à la société Save Énergies, filiale du groupe Idex dans le cadre du dispositif d’obligation d’achat et d’un contrat de 15 ans signé en 2020, et qui permettait encore la valorisation des garanties d’origine entre le vendeur et l’acheteur. À terme, quand tous les processus techniques seront en place sur la plateforme, ce sont 22,5 GWh PCS qui seront injectés par an, de quoi alimenter jusqu’à 8000 foyers chauffés au gaz.

Le digestat est valorisé en épandage agricole, photo Frédéric Douard
Le digestat brut, soit près de près de 28 000 m³/an à terme, est entièrement valorisé dans l’agriculture locale en remplacement d’engrais chimiques, dans le cadre d’un plan d’épandage établi sur un parcellaire d’exploitations situées sur les départements du Rhône et de l’Ain, mais dans un rayon raisonnable de 30 kilomètres autour de Charentay.
Une vocation de plateforme multiservices
L’objectif de l’usine de méthanisation de Charentay, outre le traitement des boues d’épuration des eaux usées et d’autres biodéchets territoriaux, est de produire du biométhane pour les administrés de la collectivité. Mais le site a aussi été conçu dès l’origine comme un outil évolutif, dans le but d’accueillir de nouveaux ateliers de transformation et de valorisation comme la production de bioCO₂, la méthanation, ou le suivi agronomique du digestat auprès des agriculteurs… autant de briques technologiques à même de créer un pôle technologique sur le biogaz en Beaujolais.

Le site se décompose en deux processus de méthanisation, ici celui des boues de STEP, photo Frédéric Douard

La chaufferie à biogaz, photo Frédéric Douard
Les objectifs d’ores et déjà identifiés sont de disposer à l’horizon de cinq années de plusieurs briques de processus afin de rendre le site plus autonome techniquement et économiquement avec la mise en place d’équipements de déconditionnement, d’hygiénisation des biodéchets de consommation, de compostage pour produire du digestat normé et de valorisation du CO₂ biogénique. Car comme l’a dit dans son discours inaugural, le 10 avril 2025, Frédéric Pronchéry, président de la SEMOP : « dans la méthanisation, c’est comme dans le cochon, tout est bon ! ».
Contacts :
- Communauté de Communes Saône-Beaujolais : www.ccsb-saonebeaujolais.fr
- Agriopale : 03 21 90 11 11 - contact@agriopale.fr – www.agriopale.fr
- Acheteur du biométhane : saad.fakirtemsamani@save-energies.fr
- www.save-energies.fr

Le poste de livraison fermé des boues de STEP à Charentay, photo Frédéric Douard
- Réseau de gaz naturel : projet-methanisation.grdf.fr
- Processus méthanisation : www.agrogaz.fr
- Pont bascule : 03 23 40 22 80 – contact@marechalle-pesage.fr – www.marechalle-pesage.fr
- Cuves béton : +32 92 10 31 60 - info@bio-dynamics.be – www.bio-dynamics.be
- Épuration de l’air vicié : www.vermeulenconstruct.be/fr/
- Trémie d’incorporation :
www.huning-umwelttechnik.de/fr/

Les membranes de purification du biogaz en biométhane Air Products, photo Frédéric Douard
- Pompes Wangen en France : 02 41 43 60 20 – contact@becot-sas.fr – www.becot-sas.fr/biogaz/ – www.wangen.com
- Production oxygène Novair : 01 56 46 02 03 – contact@novair.fr – www.novairindustries.com
- Module d’épuration biogaz : 09 83 01 12 20 - contact@arol-energy.com – www.arol-energy.com
- Membranes de filtration : https://www.airproducts.fr/
- Agitateurs Suma en France : 02 85 67 00 40 – www.sycomore-services.com – www.suma.de/fr/
- Séchage du biogaz : info@aprovis.com – www.aprovis.com/fr
- Le réseau de stations bioGNV d’Agriopale : www.gazie.fr
Frédéric Douard, en reportage à Charentay
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