Agri Bio-Energies, producteur de biométhane lavé à l’eau à Mouflers dans la Somme
Article paru dans le Bioénergie International n°94 de décembre 2024

Les installations de méthanisation chez Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard

Etienne Vignon, l’un des associés d’Agri Bio-Energies, photo Frédéric Douard
La société Agri Bio Energies a mis en place une unité de méthanisation qui produit 300 Nm³/h de biométhane sur la commune de Mouflers, près de la petite ville de Flixecourt, entre Amiens et Abbeville dans le département de la Somme. Elle est détenue par six agriculteurs de quatre exploitations agricoles : Jean-Jacques et Charles Objois, Etienne et Vincent Vignon, Jean-François Bernard et Matthieu Bilhaut.
Historique
Le projet a émergé quand les exploitations Objois et Vignon ont été expropriés de 80 ha à Mouflers lors de l’extension de la ZAC des Hauts Plateaux. Cette perte de terres s’est accompagné pour les agriculteurs d’une perte de revenus qu’ils ont cherché à combler en récréant de la valeur ajoutée sur les terres qui leur restaient, et en s’associant avec des confrères pour atteindre le seuil de rentabilité.
En 2015, la famille Vignon avait déjà étudié un projet de biométhane sur la commune voisine de Bouchon, mais qui n’avait pu se concrétiser car trop loin du réseau de gaz. C’est dans ce nouveau contexte que la production de biométhane est cette fois apparue opportune, sur le site même de la ZAC. Le site est en effet proche de Flixecourt et de ses 3250 habitants qui offrent un débouché pour une consommation locale du gaz. Sur un plus long terme, un poste de rebours GRTgaz est en cours de réalisation à Abbeville pour une mise en service en 2026, de quoi sécuriser le débouché.

L’intérieur du bâtiment de stockage des intrants secs, photo Frédéric Douard
Le projet s’est d’abord lancé à 8 exploitations agricoles et a fini à 4. Les travaux ont débuté en septembre 2020, en plein Covid-19, et malgré cela la première injection a eu lieu le 19 novembre 2021. Les investissements se montent à 6,5 M€ et ont été financés par un prêt du Crédit Agricole Brie Picardie et par un prêt de 500 k€ sans garantie de la BPI. Cette implantation dans une ZAC à l’écart du village et en bordure de l’autoroute A16 n’a donné lieu à aucune opposition.

Le pont bascule Maréchalle chez Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard
Les intrants
Le projet a trouvé son équilibre économique à 24 000 t/an (65 t/j) qui sont apportées par 9 exploitations : les 4 associées et 5 partenaires. Le choix a été fait de rémunérer tous les échanges : les apports, le digestat, le transport et l’épandage. En complément de ces approvisionnements, les associés ont mis en place Biovaloris, une société qui collecte des biomasses d’opportunité.

L’incorporateur d’intrants solides avec son broyeur et une grande cuve à cailloux, les cuves d’intrants liquides et un agitateur chez Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard
La ration annuelle classique se décompose en 10 000 tonnes de CIVE de seigle et de maïs, 4000 tonnes de pulpes de betterave, 500 tonnes de fumier pailleux, 500 tonnes de drêches de blé et maïs, 700 tonnes d’amidon de maïs et de poussière de céréales, 1200 tonnes de sirop de glucose et de glycérine, 7000 tonnes d’eau grasse et de lisier et par 100 tonnes de boue ferrique en guise de traitement du H₂S.

Des boues ferriques sont utilisées pour le traitement préventif du H₂S, photo Frédéric Douard
Les solides sont stockés en silos à plats sur 2000 m² pour les ensilages et dans un bâtiment fermé de 500 m² pour les produits secs. Et les intrants liquides sont quant à eux réceptionnés dans une cuve de 140 m³ pour le lisier, dans une autre cuve de 140 m³ pour l’eau grasse, et dans trois cuves aériennes de 80 m³ en matériau composite pour les produits agroalimentaires. Un bassin de récupération des jus de silos et des eaux sales permet un complément de liquide.

Détail du système de chauffage du digestat, photo Frédéric Douard
La méthanisation
L’installation de méthanisation est composée d’une trémie d’alimentation de 90

Le site de méthanisation d’Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard
m³ qui incorpore en moyenne 43 tonnes de solides par jour. Elle est équipée d’un broyeur avec piège et bassin à cailloux largement dimensionné. Les solides rejoignent une cuve de mélange de 150 m³ avec gazomètre et qui reçoit en moyenne 22 m³ d’intrants liquides par jour. Le taux de recyclage de digestat est corrigé si besoin à ce niveau pour maintenir la viscosité idéale du digestat. Les matières séjournent ensuite durant 90 jours dans un digesteur de 3400 m³ puis dans un post-digesteur de 5400 m³, avant de rejoindre une cuve de stockage de 10 000 m³. Une chaudière de 300 kW maintient une température minimale de digestion de 38°C. L’installation fonctionne avec deux salariés.

Débitmètre électromagnétique Optiflux 4300 chez Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard
L’épandage du digestat brut est réalisé par un prestataire au Terragator sur 1500 ha en CIVE et céréales sur une superficie épandable de 1660 hectares répartis sur sept exploitations partenaires : celles des quatre associés plus trois des apporteurs.
L’épuration du biométhane par lavage à l’eau
Le principe de ce type d’épuration repose sur la dissolution des gaz dans l’eau. Il est en effet possible de dissoudre un gaz dans l’eau en augmentant sa pression à la surface de l’eau. La quantité relative de ce gaz dans l’eau augmente proportionnellement avec la pression. En outre, chaque gaz possède une constante de dissolution qui lui est propre. Cette constante augmente lorsque la température diminue. Ainsi, se dissolvent dans l’ordre décroissant les gaz suivants : NH3, H₂S, CO₂, CH₄, O₂ et N₂, du plus facile à dissoudre au plus difficile. De cette façon, en refroidissant et en mettant le biogaz sous pression, il est possible d’en retirer facilement les gaz qu’on souhaite extraire et notamment NH3, H₂S et CO₂.

Les bureaux et le local de purification du biogaz par lavage à l’eau chez Agri Bio-énergies, photo Frédéric Douard
Le lavage à l’eau s’avère par ailleurs être une technologie qui ne nécessite pas de prétraitement du biogaz. Un autre point fort de cette technologie, ici fournie par l’entreprise des Hauts-de-France PR Bio, est la performance sur la récupération de la chaleur par l’utilisation d’un compresseur à vis lubrifiée refroidie à l’eau. L’énergie du système est transmise sur la boucle d’eau et une pompe à chaleur permet de valoriser la totalité de l’énergie pour le chauffage du digesteur, ce qui permet d’économiser du biogaz.
Le lavage à l’eau est une technique aussi efficace que la filtration membranaire et plus tolérante aux impuretés présentes dans le biogaz. Le lavage à l’eau affiche de plus une durée de vie de plusieurs décennies sans perte d’efficacité et s’avère plus économique à l‘exploitation, en consommables comme en énergie.

Intervention de GRDF sur le poste d’injection de Mouflers, photo Frédéric Douard
Contacts :
- Agri Bio-énergies : Charles Objois – 06 85 68 87 20 – ch.objois@gmail.com
Analyseur de biogaz portable Sewerin à Mouflers, photo Frédéric DouardJPG
- Méthanisation : Ramery AES
- Cuves béton : www.bio-dynamics.be
- Cuves intrants liquides : www.mip-nv.com/fr/
- Pont bascule : www.marechalle-pesage.fr
- Incorporation des solides : www.sa-legrand.fr
- Broyeur : www.vogelsang.info
- Agitateurs : www.peters-mixer.com/fr/
- Soupapes biogaz : www.baur-folien.de
- Épuration biogaz : 06 30 89 24 65 - benoit.tyrion@prbio.fr – prbio.fr
- Torchère : www.c-nox.de/fr/
- Analyseur biogaz : www.sewerin.com/fr/
- Débitmètre électromagnétique : www.krohne.company/fr/
- Étude d’épandage : www.impact-environnement.fr
- Injection biométhane : projet-methanisation.grdf.fr
Frédéric Douard, en reportage à Mouflers
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