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Le séchage, plus-value pour la cogénération biogaz Bio-Aisnergies

Article paru dans le Bioénergie International n°45 d’octobre-novembre 2016

Le module de cogénération et le digesteur de Bio-Aisnergies, photo Frédéric Douard

Le module de cogénération et le digesteur de Bio-Aisnergies, photo Frédéric Douard

Quentin Lequeux, le gestionnaire technique des installations de méthanisation, photo Frédéric Douard

Quentin Lequeux, le gestionnaire technique des installations de méthanisation, photo Frédéric Douard

Pascal et Philippe Lequeux sont à la tête d’une exploitation agricole de 350 ha de grandes cultures à Anguilcourt-le-Sart dans le département de l’Aisne. Depuis 1997, avec un autre agriculteur, ils exploitent également un élevage porcin de 400 truies où ils font naître et élèvent 11 000 animaux par an.

L’élevage a été conçu à une époque où le prix des céréales était bien bas, pour apporter de la plus-value aux productions végétales. Les animaux consomment ainsi la totalité des céréales produites, blé et maïs, sur les deux exploitations qui totalisent 500 ha.

Au début des années 2000, une autre idée fait son chemin au regard de deux préoccupations : efficacité agronomique et contraintes environnementales des épandages de lisiers frais et coût des intrants azotés pour les cultures.

L’exemple du développement de la méthanisation outre-Rhin va ainsi conduire nos agriculteurs picards à étudier un tel projet dans les années 2005-2006. L’étude conduira malheureusement à l’abandon du projet, les conditions de valorisation de l’électricité en France à cette époque étant peu favorables.

En 2011, avec la mise en place de tarifs d’achats plus réalistes, nos agriculteurs ressortent leur projet, refont les études, cherchent des partenaires et prennent leur décision en juin 2012. Le projet, déposé en préfecture en janvier 2013, sera accepté en décembre, et l’année 2014 sera consacrée à la construction. La mise en service du module de cogénération se fera le 3 mars 2015.

Vue des installations de Bio-Aisnergies, avec le bâtiment de stockage des matières séches et son toit photovoltaïque de 100 kWc, photo Frédéric Douard

Vue des installations de Bio-Aisnergies, avec le bâtiment de stockage des matières séches et son toit photovoltaïque de 100 kWc, photo Frédéric Douard

Aujourd’hui, la méthanisation permet, et c’était aussi le but, de financer un poste de travail supplémentaire portant à 10 le nombre de personnes travaillant sur l’ensemble des activités agricoles, 5 unités familiales et 5 salariés. Et c’est Quentin, l’un des fils de Philippe, qui a endossé la charge de faire fonctionner les nouvelles installations.

Des intrants provenant à 80% des deux exploitations

Les racines de chicons font partie des matières digérées par l'installation, photo Frédéric Douard

Les racines de chicons font partie des matières digérées par l’installation, photo Frédéric Douard

La méthanisation consomme 9,5 tonnes de matières sèches par jour, soit un peu moins de 20 000 tonnes brutes par an. Afin d’éviter les spéculations futures sur ces matières, les porteurs du projet ont dimensionné leur installation sur ce qu’ils étaient capables d’apporter pour limiter les approvisionnements extérieurs, réduisant ainsi considérablement les risques de perte d’équilibre financier, le poste intrants représentant un tiers du coût de l’électricité.

Les intrants sont donc les suivants :

  • 12 à 13000 tonnes de lisier,
  • 3500 tonnes de pulpes de betteraves,
  • 900 tonnes de fumier de cheval, dont la paille provient des exploitations.
  • 2000 tonnes de cultures intercalaires,
  • 3 à 400 tonnes d’issues de céréales,
  • quelques centaines de tonnes de déchets agro-alimentaires locaux.
L'incorporateur Fliegl, au dessus de la pré-fosse, photo Frédéric Douard

L’incorporateur Fliegl, au dessus de la pré-fosse, photo Frédéric Douard

La salle de pompage est le noeud névralgique de l'installation biologique, photo Frédéric Douard

La salle de pompage est le noeud névralgique de l’installation biologique, photo Frédéric Douard

Les installations

La construction de l’unité de méthanisation a été confiée à la société AEB Méthafrance, reprise en février 2013 par le breton Armorgreen. La partie biologique se compose d’un digesteur et un post-digesteur de 1200 m³ chacun construits par les Ets Cousté. Le stockage du digestat liquide est réalisé dans les fosses à lisier existantes d’une capacité de 16 000 m³.

Au travers d’un plan d’épandage sur 900 ha répartis sur quatre exploitations, le digestat est épandu sur les parcelles avec le système Listech. Cette opération, qui permet de limiter le tassement du sol, se réalise sans tonne à lisier, en un seul passage sur champ, avec un engin qui tracte un tuyau de 160 mm long de 1,8 km et relié à la réserve de liquide.

Le stockage des digestats, photo Frédéric Douard

Le stockage des digestats, photo Frédéric Douard

Pour la partie énergie, un module 2G a été utilisé, équipé d’un moteur de cogénération MAN V12 développant 450 kWé et 470 kWth.

Une rentabilité toujours difficile à atteindre

L’ensemble des investissements se monte à 2,4 M€. Or, nous en parlions précédemment, les tarifs d’achats bonifiés mis en place en France depuis 2011 permettent aujourd’hui d’envisager la faisabilité des projets. Il n’en reste pas moins qu’ils ne procurent qu’une rentabilité modeste au regard des risques financiers à assumer.

Mais d’un autre côté, l’histoire des aides montre aussi que des aides trop fortes favorisent la formation de bulles qui n’ont d’horizon que l’éclatement, rappelons-nous l’expérience du photovoltaïque en France. A contrario, des aides modérées mais inscrites dans la durée favorisent l’émergence de projets plus intelligents et la construction d’une économie solide, un phénomène  que l’on observe par exemple dans le bois-énergie depuis des décennies.

Le moteur de cogénération 2G MAN V12, photo Frédéric Douard

Le moteur de cogénération 2G MAN V12, photo Frédéric Douard

Par ailleurs, des politiques fiscales raisonnables sont bien plus acceptables au final par la collectivité qui les finance et ont beaucoup plus de chances de perdurer dans le temps. Un autre point positif des opérations économiquement difficiles, c’est qu’elles invitent à ne rien gaspiller et à envisager une valorisation sérieuse de la chaleur, une préoccupation que n’avaient pas forcément les agriculteurs allemands qui ont développé un modèle peu vertueux.

Dans le projet qui nous intéresse ici, en tenant compte des 300 000 € d’aides perçues, le temps de retour sur investissement est de 7 ans, autant dire que tout ce qui pouvait améliorer la rentabilité fut le bienvenu.

Intervention de maintenance de Ener 24 à Anguilcourt, photo Frédéric Douard

Intervention de maintenance de Ener 24 à Anguilcourt, photo Frédéric Douard

Et c’est à ce niveau que la valorisation de la chaleur a toute son importante pour consolider les résultats économiques de la vente d’électricité et ménager des marges de manœuvre financières capables d’appréhender les risques d’exploitation avec plus de sérénité et fournissant les moyens de faire évoluer l’activité selon les besoins et les opportunités.

La chaleur, la plus-value qui fait la différence

La production annuelle d’électricité de Bio-Aisnergies se monte à 3,45 GWh et la quantité de chaleur récupérable sur le moteur à 3,6 GWh. Pour produire cette même quantité de chaleur, il faudrait consommer 400 000 litres de fioul domestique, ce qui donne une petite idée de la valeur de cette chaleur.

Le séchoir Alvan Blanch avec son silo de chargement au premier plan, photo Frédéric Douard

Le séchoir Alvan Blanch avec son silo de chargement au premier plan, photo F. Douard

Pour la valoriser, les porteurs du projet avaient déjà identifié des besoins thermiques sur place, comme le chauffage de l’élevage en hiver, qui permet une meilleure ventilation des locaux et un bien-être supérieur pour les animaux, mais ce débouché était insuffisant et saisonnier.

Lé séchoir permet de sécher la récolte de maÏs-grain en interne, photo Frédéric Douard

Lé séchoir permet de sécher la récolte de maïs en interne, photo Frédéric Douard

Le séchage est apparu comme une solution à même de valoriser le surplus de chaleur et d’apporter des services aux exploitations, notamment pour le séchage des céréales, dont les coûts extérieurs pouvaient être évités, mais aussi pour le séchage de pulpe de betterave à destination de l’élevage en substitution de granulés produits à l’extérieur.

Le séchoir Alvan Blanch et le bâtiment de stockage des matières séchées, photo Frédéric Douard

Le séchoir Alvan Blanch et le bâtiment de stockage des matières séchées, F. Douard

Un séchoir basse température Alvan Blanch

Vue du tapis métallique du séchoir Alvan Blanch avant sa mise en service, photo Y. Perreault

Vue du tapis métallique du séchoir Alvan Blanch avant sa mise en service, photo Installations Perreault

Le choix du séchoir s’est porté sur un appareil mécanisé et polyvalent, capable de réaliser un séchage rapide de produits variés. Ceci laissait une porte ouverte sur l’avenir et ouvrait la possibilité de proposer du séchage à façon pour toutes sortes de produits agricoles ou forestiers. Et pour preuve, ce système permettra de sécher, dès cet automne 2016, environ 1000 tonnes équivalent sec de maïs provenant de différentes exploitations voisines.

Les Installations Perreault ont ainsi fourni un séchoir à convoyeur Alvan Blanch, à basse température, qui n’altère pas les produits.

Son pilotage est automatique et s’appuie sur un réseau de capteurs : température de l’air chaud, température du produit, de niveau du produit, pression de séchage et vitesse du convoyeur. Les débits d’air chaud et de produit sont régulés en fonction du résultat obtenu. Le transfert de chaleur est réalisé par l’intermédiaire d’un échangeur afin d’éviter toute pollution de la matière et tout risque de feu.

Baie d'analyse de biogaz Sewerin à Anguilcourt-le-Sart, photo Frédéric Douard

Baie d’analyse de biogaz Sewerin à Anguilcourt-le-Sart, photo Frédéric Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Anguilcourt-le-Sart

Voir également une entrevue avec Pascal Lequeux recueillie en novembre 2014 :


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