À La Petite Bouverie, première en France pour une chaudière à gazéification de bois Dall Energy
Article paru dans le Bioénergie International n°79 de juin 2022
En 2017, à l’occasion du renouvellement du contrat de délégation de service public (DSP) du réseau de chaleur des villes de Rouen, Bihorel, Bois-Guillaume et Darnétal, pour verdir ce réseau alors alimenté à 100 % en gaz fossile, la Métropole de Rouen a décidé la création de deux chaufferies à biomasse pour ramener le mix énergétique à plus de 80 % de source renouvelable. Suite à une consultation publique, l’appel d’offres a été remporté par Dalkia, délégataire historique du réseau.
Les engagements de la nouvelle DSP
Le nouveau contrat, qui a été conclu pour une durée de 24 ans, prévoyait la construction d’une première chaufferie bois de 17 MW pour laquelle Dalkia a choisi une toute nouvelle technologie proposée par le constructeur danois Dall Energy. Celle-ci permet de brûler un très large spectre de biomasses tant en humidité (20 à 60 %) qu’en taux de minéraux (jusqu’à 10 %). Et étant donné la forte capacité de cette chaudière à brûler des bois humides, le délégataire a aussi fait le choix judicieux de proposer un dispositif de condensation des gaz de combustion. La chaufferie de la Petite Bouverie a été mise en service en décembre 2021.
Cette DSP prévoit aussi de tripler la longueur du réseau, de 15 à près de 46 km, avec environ 220 points de livraison, ainsi que l’installation d’une seconde chaudière bois de 5 MW sur le site de la chaufferie principale de la Lombardie, elle aussi avec condensation des fumées. Actuellement en construction, cette seconde chaufferie bois sera mise en service à l’automne 2022.
Dalkia a également proposé d’équiper le réseau d’un système de suivi et de gestion numérisé avec télégestion de la production, de la distribution et de la livraison de chaleur, avec pilotage fin de la performance énergétique par visualisation en temps réel de plus de mille points de mesure, et avec une interface pour les abonnés.
Notons également que pour faire profiter de cette énergie renouvelable et à prix stable, les particuliers situés sur le parcours du réseau peuvent bénéficier de cette offre de raccordement. Ceci est suffisamment rare dans le chauffage urbain en France pour être signalé. En effet, sur les gros réseaux, avec les prix actuels de la chaleur, les coûts de raccordement et de gestion ne sont généralement pas rentables au regard des faibles consommations des particuliers. Toujours est-il qu’à Rouen, la collectivité en a décidé ainsi, à la condition que les candidats soient situés à moins de 20 mètres du réseau. Ceci a permis 28 raccordements de maisons individuelles à ce jour.
Enfin, pour le bouclage du budget, la collectivité a souhaité ouvrir l’investissement au financement participatif. Celui-ci a ainsi été proposé à hauteur d’un million € sur la plateforme Lendosphère, ce qui fut une première pour Dalkia.
Une technologie de chaudière totalement innovante
Le foyer biomasse Dall Energy combine un réacteur de gazéification à co-courant sans grille et une chambre de combustion fortement étagée. Même prises séparément, ces deux parties sont déjà innovantes en elles-mêmes.
Pour la gazéification du bois , et la combustion du charbon de bois, un lit de bois de deux mètres d’épaisseur est formé au-dessus d’un lit de cendres. Celui-ci est parcouru tout au long du foyer par douze vis qui évacuent les cendres dès que leur température excède 120 °C, ce qui les préserve des hautes températures.
Cette conception permet de réduire de plus de 90 % les envolées de poussière par rapport à une grille. En effet, ce lit utilise deux fois moins d’air primaire qu’une grille, la stœchiométrie étant bien sûr complétée avec l’air secondaire et tertiaire. Mais avec cette quantité modérée d’air primaire, les vitesses dans le lit sont très basses, ce qui explique une si faible émission de particules. Ainsi, là où avec les grilles industrielles on mesure plus de 400 mg/Nm³ de poussière en sortie d’échangeur, et encore bien plus dans les lits fluidisés, ici on mesure moins de 30 mg/Nm³ avant filtre !!! Et moins d’air primaire signifie aussi un lit réducteur et donc moins de NOx (de 185 à 250 mg/Nm³ constatés ici).
La combustion des gaz est réalisée dans les parties supérieures avec air secondaire et tertiaire à une température classique de 950 °C. Le foyer est adiabatique, c’est-à-dire non refroidi. Le lit est alimenté par un air primaire réchauffé à 64 °C et humidifié de manière très précise pour garantir une bonne gazéification. La consommation d’eau d’humidification de l’air primaire est de 10 à 12 m³ par mois. L’air secondaire et tertiaire, qui alimente la chambre de combustion, est réchauffé à 100 °C.
Le chauffage des comburants est réalisé dans des circuits situés autour de la chambre de combustion. Un circuit de recyclage des gaz de fumée est également à l’œuvre pour limiter la température du foyer.
En sortie de la chambre de combustion, les gaz parcourent trois passages de tubes de fumée verticaux, faciles à entretenir et réalisés en acier spécial pour résister aux ambiances acides. En effet, comme dans cette installation il y a très peu d’envolées de minéraux, des produits typiquement alcalins, les fumées sont plus acides que dans les chaudières à biomasse classiques. Les conditions de travail de l’eau dans la chaudière sont de 8 bar et 105 °C. Ensuite, les gaz brûlés sortent à 140 °C de l’échangeur, passent ici dans un électrofiltre, bien que le constructeur ne le préconise pas, puis sont refroidis à 84 °C par un économiseur qui récupère jusqu’à 1,2 MW.
Signalons également que ce foyer, qui dispose d’un volume important et permanent de biomasse, peut continuer à fonctionner à charge nominale de 12 à 18 heures après rupture de l’alimentation en bois. Enfin, le constructeur affirme que son foyer, peu mécanisé, est bien moins coûteux en investissement et en maintenance qu’un foyer à grille.
Une installation conduite tel un vrai gazéificateur
Là où, dans toutes les autres chaudières dans le monde, ce sont les variations de la température d’eau de la chaudière qui commandent l’amenée du combustible, ici ces variations agissent uniquement sur l’apport d’air primaire.
En effet, comme dans toute installation de gazéification, c’est l’air qui pilote la production de gaz et donc ici, c’est l’air qui pilote la production d’énergie. On est donc ici réellement en présence d’un mode de conduite de gazéification, et non pas de combustion ! La hauteur du lit doit quant à elle rester constante, quelle que soit la puissance demandée ! Elle est mesurée en permanence par deux radars de niveau.
Le reste est classique : des sondes à oxygène en sortie de chaudière pilotent les débits d’air secondaire et tertiaire avec comme objectif un taux d’oxygène résiduel dans les fumées à puissance nominale très bas, proche des 4 %, et des thermocouples pilotent le recyclage des fumées.
La seule contrainte de conduite de ce système, et que les chaudières à grille à forte inertie connaissent également, mais que n’ont pas les chaudières à lit fluidisé, ni les chaudières à brûleurs ou celles à allumage automatique, ce sont les périodes prolongées sans demande de chaleur. Le maintien de feu produisant toujours au moins 10 % de la puissance nominale, cette énergie doit alors fatalement être évacuée quelque part, dans un ballon ou dans le réseau lui-même comme c’est le cas ici. Sinon, la chaudière est très facilement pilotable sur la plage de 10 à 100 % de sa puissance nominale.
Mais incontestablement, de dires même de l’exploitant, ce qui est très appréciable avec cette chaudière, c’est qu’elle est capable de consommer, successivement ou en même temps, des bois d’humidité ou de taux de minéraux très variables, sans que cela nécessite la moindre intervention, un luxe inestimable pour un conducteur de chaufferie !!!
La condensation
Le système mis en place ici consiste à faire passer les fumées, en sortie d’électrofiltre, dans quatre Terraosave. Ces laveurs de fumée, où les gaz baignent littéralement dans l’eau de condensation pour un échange rapide et efficace, restituent la chaleur latente de la vapeur issue du foyer vers le circuit retour à la chaudière. TerraoSave n’utilise aucune pulvérisation de l’eau, ce qui lui permet d’être en dehors de la réglementation ICPE 2921. Une grande partie des particules ultrafines et des polluants chimiques sont transférés à l’eau de TerraoSave.
La condensation est accrue, c’est-à-dire avec des températures de lavage les plus basses possibles, quatre pompes à chaleur refroidissent l’eau de retour du réseau de 59-65°C à 40 °C, laquelle refroidit l’eau du circuit de condensation au travers d’échangeurs. La fumée passe ainsi de 84 °C en sortie d’économiseur à 39 °C en sortie des Terraosave. Inversement, ce dispositif fait gagner en moyenne 8 °C sur les retours à la chaudière.
Lorsque le bois est bien humide, c’est-à-dire à partir de 50 % d’eau, ce dispositif thermodynamique permet de récupérer jusqu’à plus de 20 % de puissance chaudière supplémentaire, c’est-à-dire dans la pratique à La Petite Bouverie, jusqu’à 3,6 MW. Ceci n’est évidemment pas gratuit, puisqu’il faut investir de l’électricité pour parvenir à ce niveau de récupération, mais le bilan énergétique et économique est néanmoins positif. Les quatre pompes à chaleur permettent de récupérer jusqu’à 4 kWhth par kWhé dépensé.
Le circuit du combustible
On l’aura compris, l’un des intérêts majeurs de cette technologie réside dans le fait de pouvoir utiliser des bois très humides, grossiers, voire riches en minéraux et donc de pouvoir faire des économies substantielles sur les coûts d’achat. Mais pour pouvoir faire cela, il faut prendre certaines précautions pour éviter les bris et blocages provoqués par des bois trop gros ou par des corps étrangers.
Le bois est ainsi déversé dans plusieurs fosses, repris par un grappin, éventuellement stocké dans un silo passif qui sert de réserve pour la nuit et les weekends, puis est ramené vers la chaudière après passage obligatoire sous une bande magnétique et dans un crible à disques.
Une fois ces « vérifications » effectuées, le bois peut être convoyé vers la trémie de la chaudière et introduit dans la partie haute du foyer par un poussoir.
Quelques chiffres sur le réseau |
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177 GWh de chaleur livrée par an à terme |
Puissance bois totale jusqu’à 28,65 MW |
Puissance gaz à la Lombardie : 65 MW |
Taux de couverture par le bois > 80 % |
17 000 équivalents logements desservis |
57 000 tonnes de bois-énergie par an |
Création de 32 emplois sur le territoire |
Investissement : 47 M€ |
Contacts :
- La chaufferie : Sandy Elachaq / +33 235 645 700 – sandy.elachaq@dalkia.fr – www.reseau-petitebouverie.fr
- La chaudière : Ann Bouisset / +45 8140 8956 – apb@dallenergy.com – www.dallenergy.com/fr/
- Convoyage & criblage du bois : www.sera-bois.com
- Pont roulant silo : www.konecranes.com
- Le filtre à particules : www.scheuch.com/fr/
- Les condenseurs : www.terrao.fr/terraosave
- Les pompes à chaleur : www.carrier.com
- Le grappin à bois : www.euroben.fr
- Fourniture du bois : biocombustibles.fr
Frédéric Douard, en reportage à Rouen
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