Compiègne décarbone son réseau de chaleur avec le bois, première énergie renouvelable de France
Article paru dans le Bioénergie International n°96 de mai 2025

La chaufferie bois de Compiègne est située au bord de l’Oise, photo Engie Solutions
Compiègne, avec ses 44 000 habitants, est une ville des Hauts-de-France située en bordure de la région Île-de-France. En octobre 2019, la municipalité a décidé à l’unanimité de verdir son réseau de chaleur et de stabiliser le coût de son énergie par la construction d’une chaufferie biomasse. Elle a pour cela prolongé par avenant le contrat de délégation de service public conclut avec son délégataire ENGIE Solutions pour financer ces nouveaux investissements. L’objectif était de passer de zéro à au moins 65 % de chaleur renouvelable, ce qui a été rendu opérationnel à partir du 1er avril 2022. En 2024, un nouvel avenant au contrat d’exploitation a engagé des travaux d’extension du réseau, le passant de 13 à 16 km, ceci permettant de porter le volume chauffé à environ 11 000 équivalents logements dès 2026.
Un réseau créé il y a 60 ans

L’une des chaudières gaz en place dans la chaufferie historique, photo Frédéric Douard
Construit en 1965, le réseau de chaleur de Compiègne chauffe des logements sociaux, des bâtiments publics, des copropriétés mais aussi l’Université Technologique de Compiègne. Fonctionnant en eau surchauffée, il a d’abord consommé du fioul lourd, puis en 1992 ce combustible très polluant a été remplacé par du gaz et du fioul domestique. En 1996, une turbine à gaz de 20 MWth a été installée et a fonctionné deux fois douze ans dans le cadre de contrats d’obligation d’achat. C’est avant la fin de ce dernier contrat que la ville a commencé à imaginer une suite économique et écologique pour le mix énergétique du réseau.
En 2019, le réseau s’étendait sur 13 km et délivrait 65 GWh de chaleur à 66 points de livraison. Son mix énergétique était alors constitué de 97 % de gaz fossile, dont 37 % en cogénération, et de 3 % de fioul. En 2022, la mise en service de la chaufferie bois a permis de ramener ce mix à au moins 65 % de renouvelable et 35 % de gaz fossile, avec une production de 42 GWh/an par le bois. À cette date, son besoin de puissance par une température de -7°C était de 36 MW. En complément de la chaudière bois, le site dispose toujours de ses trois chaudières à gaz historiques de 17,4 MW chacune, d’une chaudière gaz de 10 MW et de sa turbine à gaz mise sous cocon.
Depuis 2024, l’avenant n°14 au contrat de délégation de service public prévoit le raccordement de 1000 nouveaux appartements en collectif et de nouveaux bâtiments communaux. Cette opération passe par une extension du réseau de 4,5 km. Les travaux sont programmés sur 18 mois et ce nouveau service sera opérationnel pour la saison de chauffe 2026-27. Avec ces nouveaux raccordements, la quantité de chaleur à livrer devrait approcher les 80 GWh/an. Malgré cette demande plus forte, grâce au passage du réseau en basse température et au développement de l’ECS qui doit permettre l’étalement du fonctionnement de la biomasse sur la période estivale, le taux de couverture par le bois ne devrait chuter que de 5 %. Par contre, la production par le bois devrait croître de 6 GWh/an à près de 48 GWh/an.

Le silo à bois de la nouvelle chaufferie et son poste de livraison, photo Engie Solutions
Cette opération s’accompagne donc du déclassement du réseau encore en eau surchauffée à 145°C vers de l’eau chaude à 107°C, dans le but de réduire les pertes d’acheminement et donc d’augmenter son rendement. En 2006, suite à une crue de l’Oise, un tronçon de 3,6 km de réseau en direction de l’université avait déjà été refait et alors passé en basse température.
Les investissements liés à la mise en place de la chaufferie bois se sont montés à 11,2 millions € et ceux de l’extension du réseau à 8 millions d’€. Les deux opérations ont été soutenues financièrement par le Fonds Chaleur.
Une chaufferie bois de dernière génération
Pour installer la nouvelle chaufferie, il a fallu agrandir le périmètre de la centrale sur des terrains municipaux mitoyens. Et sachant que la chaufferie est construite sur une rive de l’Oise, en terrain potentiellement inondable, tous les équipements ont été surélevés sur des murs en béton et sont donc facilement accessibles pour le dessus pour les maintenances. Par contre, en cas d’alerte crue, même si tous ses équipements et le stock de bois sont à l’abri, la chaudière bois doit être mise à l’arrêt, car la crue ne permettrait plus les livraisons de bois ni son exploitation.

La chaudière bois Weiss et son filtre à manche, photo Frédéric Douard
La chaufferie de Compiègne est équipée d’une chaudière à bois de dernière génération de 14 MW, fournie par la société rhônalpine Weiss France Energie. Sa technologie assure une combustion très complète du bois, à haute température, ce qui assure un rendement élevé de production et garantit des émissions atmosphériques propres. Et pour garantir les niveaux d’émissions imposés par la réglementation (30 mg/Nm³ de poussières et 300 mg/Nm³ de NOx), un filtre à manches a été mis en place en sortie de chaudière. Cette dernière ne disposant pas de filtre cyclonique, le filtre à manches est protégé des éventuels risques de feu par un pare-étincelles.

Ecran de contrôle et commande de la chaudière Weiss, photo Frédéric Douard. Cliquer sur l’image pour l’agrandir.
Pour assurer une efficacité énergétique la plus grande possible, les gaz de combustion sont refroidis en sortie de filtre à manches pour en récupérer une partie de la chaleur et augmenter le rendement global de l’installation. Ici, le gain de rendement est d’environ 800 kW à pleine charge, ce qui représente un gain de rendement de 5 %.

Le filtre à manches est protégé des éventuels risques de feu par un pare-étincelles, photo Frédéric Douard
La chaudière biomasse consomme des bois jusqu’à 55 % d’humidité et est utilisée ici uniquement durant la période de chauffe, du 1er octobre au 31 mai. L’ensemble de la chaufferie et du réseau de chaleur fonctionne par roulement avec 4 techniciens, 1 contremaître et 1 cadre.
La biomasse, première énergie renouvelable de France
Le combustible est composé pour moitié de plaquette forestière et pour moitié de broyât de palettes, du bois non traité issu des filières de recyclage. La plaquette forestière provient majoritairement des forêts des Hauts-de-France, alors que le bois de recyclage vient plutôt du sud de l’Oise voire d’Île-de-France.

Livraison à la chaufferie bois de Compiègne, photo Frédéric Douard
Ces bois sont livrés par semi-remorques à fonds mouvant à la chaufferie, dans un local spécial de réception. Celui-ci est équipé d’une aspiration et d’une filtration des poussières, un dispositif qui évite de rejeter des particules lors des livraisons de bois de recyclage, un produit particulièrement sec et poussiéreux. Et pour protéger l’installation des écarts de qualité du combustible recyclé, ces produits sont passés sur un crible à disques pour en retirer les corps lourds, la terre et les sur-longueurs, et sous une bande magnétique pour en extraire les ferrailles résiduelles.

Le dispositif d’aspiration des poussières dans la local de livraison du bois, photo Frédéric Douard
Et comme le broyat de palettes peut être sec, les installations de convoyage ont été classées ATEX et sont protégées du feu et des explosions par des détecteurs d’étincelles GreCon qui commandent automatiquement des injecteurs d’eau.

Le crible à disques avant le silo de stockage de bois, photo Frédéric Douard
L’ensemble du combustible est stocké en mélange dans un silo circulaire de 2000 m³ utiles, d’où il est extrait par une grosse vis sans fin pendulaire. Ce silo unique impose que les livraisons soient chronologiquement organisées entre les deux origines de combustibles afin d’obtenir un mélange homogène entre les plaquettes forestières humides et le broyat souvent sec. Ce volume procure quatre jours d’autonomie à l’installation. Ce sont 19 000 tonnes de bois qui ont été consommées en 2024, un tonnage qui devait atteindre les 23 000 tonnes après 2026.

Convoyeur extérieur protégé par un détecteur d’étincelles GreCon, photo Frédéric Douard

Le dispositif de filtration des poussières de livraison, photo Frédéric Douard
Contacts :
- RCU de Compiègne : 03 44 86 42 62 – reseaudechaleur-compiegne@engie.com – www.rezomee.fr/compiegne
- Chaudière bois : 04 79 89 07 07 - contact@weiss-france.fr – www.weiss-france.fr
- Manutention, stockage et criblage : www.sera-bois.com
- Déferraillage : www.lenoir-mec.com
- Évents anti-explosion sur convoyeurs : www.rembe.com
- Protection anti incendie : Guillaume Prabel, directeur général de GreCon France, Afrique du Nord et Maghreb / +33 388 50 90 27 – guillaume.prabel@grecon.fr – www.fagus-grecon.com/fr/
- Cheminée : www.unionthermique.fr
- Mesure des gaz de fumée : www.solutions-solstice.com
- Pont bascule : ademi-pesage.fr
- Aspiration & filtration des poussières de livraison : www.lysair.com/fr
Frédéric Douard, en reportage à Compiègne
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