Le séchoir bois-solaire de Sylveo garantit des bûches et plaquettes extra sèches toute l’année
Article paru dans le Bioénergie International n°43 de mai-juin 2016
L’histoire de Sylvéo prend ses racines dans une pépinière créée en 1954 par Jean Delaire près de Noirétable dans le département de la Loire. À sa retraite en 1984, ses fils Gérard et Raymond reprennent la société qui se spécialise alors dans les plants forestiers et les sapins de Noël. Puis, il y a quelques années, alors que les travaux de reboisements ont fortement réduit en volume, Gérard décide de créer une activité complémentaire et s’associe à Jean-Philippe Damon, son beau-fils et ingénieur, pour créer Sylvéo Bois Energie. L’entreprise est créée en 2010 à Saint-Julien-La-Vêtre, également près de Noirétable. Après un an de développement de projet, un an de montage financier et un an de travaux, ses installations sont mises en service au printemps 2013. Et parce que c’est la seule voie d’avenir possible pour la filière bûches, Sylvéo se positionne d’emblée sur le marché des bûches extra sèches.
Une fourniture de bûches aux professionnels
La jeune entreprise s’est installée sur une plateforme de 3 ha, à proximité des massifs forestiers, ce qui est un atout pour son approvisionnement. Mais cette implantation est éloignée des centres de consommation et se trouve donc inadaptée à la vente directe de bois de chauffage aux particuliers. Par contre, elle est idéalement située aux abords de l’A89 pour alimenter les distributeurs des grands centres urbains de Rhône-Alpes et de Provence.
Et qui dit distributeurs dit volumes importants. Le projet est donc organisé en base autour d’une production à l’échelle industrielle, profitant de son accès local de bois en quantité et en qualité. Le site est dimensionné pour produire 24 000 stères de bûches par an à moins de 20% d’humidité. Pour cela, un bâtiment de 2000 m², largement bardé, a été aménagé pour mettre à l’abri du gel et de la neige l’ensemble des processus, car le site se situe à 650 m d’altitude : les lignes bûches, la chaufferie, les sécheurs et le stockage avec une capacité de 3000 tonnes de bûches sèches (Plus de 7000 stères). Au total, l’investissement de départ se monte à 2,2 M€, entre le terrain et les matériels d’exploitation forestière, de transport et de production.
Une ligne de production de bûches avec deux machines
Après l’abattage, les troncs de chêne et hêtre sont amenés sur le tapis d’alimentation de la plateforme en billons de 4 ou 6 m. En début de ligne, les rondins sont sciés en sections de 25, 33, 40 ou 50 cm, puis les lignes de fendage les éclatent en quartiers de 8 à 15 cm d’épaisseur. La capacité de production est de 100 tonnes par jour, l’équivalent de quatre grumiers.
Pour ce façonnage, le choix s’est porté vers un équipement éprouvé et automatisé : une ligne Pinosa EPC700 avec 100 tonnes de poussée pour gros bois de 6 m et 40 à 70 cm de diamètre, et une ligne Pinosa TSV400 avec 25 tonnes de poussée pour branches de 10 à 40 cm de diamètre. Cette complémentarité de moyens permet une très large valorisation des lots de bois, du branchage à la grume. Le fait de disposer de deux lignes représente certes un surdimensionnement de l’outil, ici de 100%, avec une capacité totale de 50 000 stères en deux postes, mais ceci apporte la garantie de pouvoir suivre les pics de demande, et d’autre part réduit le risque d’indisponibilité.
Un séchage par le bois et le soleil
Après débitage, les bûches sont acheminées automatiquement par un convoyeur dans une cellule située entre l’atelier de façonnage et les cellules de séchage. Les bûches en sont reprises au chargeur pour alimenter la zone de séchage.
Le système de séchage a été entièrement développé par Jean-Philippe. Il comprend deux cellules de 24 x 5 m, avec fonctionnement par lots et une alimentation en air chaud par un ventilateur centrifuge Big On Dry. Et astuce de conception inspirée du séchage de foin en grange, l’air est d’abord préchauffé par les apports solaires récupérés dans la double toiture du bâtiment, puis est monté à 80°C par une chaudière Agro Forst de 600 kW. La capacité d’évaporation de l’installation est de 650 kg d’eau par heure et les cellules, qui peuvent accueillir chacune 350 stères, ramènent l’humidité du bois de 45 à moins de 20 % sur brut en 5 à 7 jours.
Pour l’apport solaire, 1000 m² de toiture en bacs aciers sombres ont été équipés d’une sous-toiture. Cette zone est drainée par l’appel d’air du ventilateur de séchage qui y puise jusqu’à 24 000 m³ par heure. Ceci permet, quand le soleil donne, de préchauffer l’air admis sur la batterie de chauffage jusqu’à +10°C, ce qui correspond en pointe à un apport de puissance de 100 kW. Relativisons néanmoins ce chiffre, car à la mauvaise saison, cet apport est proche de zéro, et globalement sur l’année, la contribution solaire est de l’ordre de 5% des besoins, ce qui correspond à une économie financière de 6000 € par an.
Quant à la chaufferie à bois, son cahier des charges demandait de fournir une eau à 105°C en utilisant les déchets de bois de l’entreprise sous toutes formes (éclats de fendage des bûches, sciures, écorces, chutes) et humidités (bois frais ou sec) sans aucune préparation. Ce fut l’entreprise alsacienne VBI, qui représente les chaudières autrichiennes Agro Forst, qui fut retenue. Aujourd’hui, la chaudière apporte toute satisfaction dans les conditions de travail prévues. Un électrofiltre lui a été adjoint pour limiter ses émissions de particules fines en deçà de 30 ppm, et ce pour répondre aux exigences de l’Ademe.
Le cœur du système de séchage a également été fourni par VBI : la batterie d’échange thermique, le ventilateur Big On Dry et son système de régulation. Cet équipement alimente donc le dessous des cellules en air chaud à travers un plancher de caillebotis en béton. Signalons que la plus grande difficulté avec cette technique, est de maîtriser l’inévitable gradient d’humidité entre le bas de la pile, le plus exposé à l’air chaud, et le dessus. Le pilotage du sécheur est réalisé sur la base du taux d’humidité sortant au dessus de la pile. Par ailleurs, il faut également veiller à remplir la surface de séchage de manière très homogène de manière à éviter les passages préférentiels de l’air.
Pour Sylvéo, le sécheur se devait aussi d’être robuste pour supporter les fortes contraintes mécaniques du déversement des bûches, du passage de semi-remorques, ainsi que des manœuvres et raclages des chargeurs. C’est pour cette raison que le béton a été retenu comme matériau des caillebotis.
D’un point de vue économique, même si ce choix ne supportait pas vraiment d’alternative, il est indéniable que le séchage coûte cher. Et avec le recul, la consommation moyenne de chaleur, même si elle n’apparaît pas excessive, est quand même de 1,25 MWh par tonne d’eau à évaporer. Ajoutons à cela les investissements, une chaufferie à 440 000 € (23% maçonnerie, 77% équipements), un séchage à 160 000 € (60% maçonnerie/charpente, 40% équipements), cela porte le prix de revient du séchage entre 20 et 30 € /tonne (8 à 12 € /stère) suivant la charge annuelle.
Mais cette dépense permet à Sylvéo de se différencier sur le marché et de vendre le produit sur la fourchette haute des tarifs du marché. Et pour justifier ces tarifs, qui reflètent la qualité produite, celle-ci est rigoureusement contrôlée. Pour chaque lot, le taux d’humidité est vérifié régulièrement en étuve selon les critères de la norme européenne EN14961-5, tout comme la granulométrie.
Une entreprise qui apporte des garanties fermes à ses clients
Grâce à la qualité de son processus et aux contrôles qu’elle conduit, Sylvéo est en capacité de garantir sans risque les caractéristiques de ses bûches extra sèches avec une densité énergétique comprise entre 4,1 à 4,4 kWh/kg. Et cette garantie constitue sa force commerciale, car peu de fournisseurs sont capables d’apporter de telles garanties, à tout moment de l’année, et pour n’importe quelles quantités !
Ces arguments ont permis à Sylvéo de nouer rapidement des relations de long terme avec les distributeurs, en les rassurant sur le fait de pourvoir se fournir en bois vraiment sec n’importe quand, une chose qui reste rare. Cette confiance apporte ainsi de la souplesse aux distributeurs qui ne sont plus obligés de surstocker pour parer à tout pic de froid.
Signalons enfin que Sylvéo se trouve aujourd’hui être l’un des rares producteurs de bûches séchées artificiellement à ne fournir que des distributeurs.
La plaquette forestière sèche, un marché qui monte
À côté de sa production de bûches, Sylvéo a souhaité aussi depuis le départ compléter son offre vers un autre marché, local cette fois-ci, en proposant de la plaquette sèche, un produit également rare sur le marché en plein hiver. Pour cela, l’entreprise utilise les deux grandes travées au bout de son bâtiment pour y stocker 6000 m³ de plaquette à partir de l’été afin qu’elle y sèche naturellement. Et si cela ne suffit pas, l’entreprise a la capacité d’en sécher d’autres en quelques jours.
Cette production, réalisée avec une déchiqueteuse Heizohack HM14-800, lui permet de valoriser, lors de ses chantiers d’exploitation, tous les bois qui ne conviennent pas à la production de bûches. La machine accepte des bois jusque 80 cm de diamètre, ce qui est pratique pour les têtes d’arbres et les branches fourchues.
Sylvéo produit deux granulométries de plaquettes – P31,5 et P100 – selon la taille des chaufferies. Ces dernières années, la plaquette a représenté un tiers du tonnage de bois livré par Sylveo, une proportion en augmentation régulière. Sylvéo fait partie du groupement de fournisseurs rhônalpins de plaquettes ABSRA, et que Jean-Philippe en a pris la présidence pour trois ans en mars 2016.
Notons pour conclure, que Sylvéo dispose des certifications PEFC, CBQ+ et ISO 9001, la marque d’un très fort engagement pour une TPE !
Contacts :
- Sylvéo Bois Energie : Jean-Philippe Damon – 04 77 24 42 91 – info@sylveo.fr – http://sylveo.fr
- Agro Forst et Big on Dry en France : Vincent Bleesz – 06 88 67 79 68 – Vincent.bleesz@vbi-bois.fr – www.vbi-bois.fr
- Scies-fendeuses Pinosa : www.pinosa.it
- Déchiqueteuses Heizohack en France : www.saelen-energie.fr
- Mesure de l’humidité du bois : www.france-etuves.com
Frédéric Douard, en reportage à Saint-Julien-La-Vêtre
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