La Sodem, premier producteur français d’agropellets ou granulés agricoles

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Article paru dans le Bioénergie International n°95 de février 2025

Les Ets Marchais à Marchezais, photo Sodem

La Sodem, ou Société des Établissements Marchais, est une PME familiale idéalement située le long de la ligne de chemin de fer de Paris à Dreux, sur la commune de Marchezais dans le département d’Eure-et-Loir. Fondée en 1933 comme société de négoce agricole, elle a développé une activité d’organisme stockeur de grains et d’appros pour les agriculteurs de son secteur. Mais à Marchezais, elle doit composer avec de grosses coopératives agricoles qui ont exactement la même activité qu’elle, aussi doit-elle rivaliser d’initiatives et de diversification pour se maintenir. La granulation deviendra, dès 1955, l’une des pierres angulaires de sa réussite, même si très régulièrement, elle a dû se remettre en question et se positionner sur de nouveaux marchés.

Une histoire d’adaptation continue depuis trois générations

Les Ets Marchais, bientôt centenaires, illustrent une remarquable longévité dans un secteur hautement concurrentiel. Depuis trois générations, la famille Marchais est à l’écoute des besoins des agriculteurs de sa région et à l’affût des diversifications à même de valoriser ses compétences et ses outils, pour pérenniser son entreprise.

L’activité démarre en 1933 par la reprise d’un fonds de commerce de fourrage par Pierre Marchais. Rapidement, d’autres négoces viendront renforcer cette activité comme ceux des grains, du charbon, du bois de chauffage puis du fioul. 1955 marque le début de l’activité industrielle de l’entreprise avec l’installation de deux broyeurs de paille et de deux presses à granuler.

Atelier de production de copeaux de bois à partir de petits bois ronds pour litières équines, photo Frédéric Douard

En 1970, Philippe, fils de Pierre, installe une unité de déshydratation de luzerne avec un générateur d’air chaud de 6 MW, deux presses supplémentaires et une chaîne de conditionnement en sacs papier. L’année de la grande sécheresse de 1976 verra la mise en place de la granulation des issues de céréales. Dès 1980, l’entreprise presse sur champ, collecte et granule de la paille. Les investissements des années suivantes renforceront ses capacités de stockage avec la montée en puissance du négoce de grains.

En 1994, Christophe, fils de Philippe et actuel dirigeant, reprend les rênes et développe la vente des produits d’approvisionnement aux agriculteurs (protection des cultures, engrais, semences). Cette tendance va conduire à l’arrêt de la déshydratation de luzerne en 2000 et au début de la granulation de bois. À partir de 2010, la Sodem réalisera différents tests de productions de granulés mixtes biomasse-charbon pour des clients industriels.

Broyeur de chutes de bois pour granulation à la Sodem, photo Frédéric Douard

En 2011, familiarisé avec la filière bois, Christophe réalise une diversification importante et investit dans un atelier de production de copeaux de bois pour litières équines. La marque Royal Litières est née. Cette production est aujourd’hui réalisée à partir de 16 000 tonnes de bois acheté en grumes, raboté, séché et mis en balles de 20 kg. Elle assure actuellement plus de 10 % du chiffre d’affaires. Les chutes de cette production sont valorisées en granulés combustibles. L’année suivante, Christophe lance la fabrication d’un nouvel aliment, la paille défibrée et dépoussiérée. Et en 2022, il continue d’innover et démarre la production des agropellets Calys® avec, en 2024, l’obtention de la certification ISCC de ses biocombustibles dans le cadre des obligations de la directive européenne RED II.

Les granulés à base de bois

À partir des années 2000, avec l’arrêt de la déshydratation de luzerne, les presses à granuler de la Sodem fonctionnent moins. Christophe se tourne alors vers la granulation du bois, un marché qui s’était lancé au début des années 1980 et qui est en croissance en France. Il achète de la sciure, et profite de sa situation en bordure de région parisienne pour commercialiser ce biocombustible le plus possible par ses propres moyens, en sacs mais aussi en vrac. Il crée pour cela sa propre marque de bois-énergie, Thermobois, avec ses sacs papier de 12,5 kg pour le marché des poêles et investit dans un premier camion souffleur à pesée embarquée en 2006 pour les chaudières.

Stock de sciure de la Sodem pour la production de granulés de bois, photo Frédéric Douard

En 2010, toujours en quête d’opportunités, Christophe se lance dans la production de granulés pour les industriels utilisant du charbon et en cours de transition énergétique. Il fabrique alors des granulés composés de 70 % de bois ou de sous-produits agricoles et de 30 % de charbon. Cela permet aux industriels de continuer à utiliser leur chaudière à charbon en attendant de trouver à financer une conversion complète vers la biomasse. Ce marché perdurera quelques années.

Camion souffleur acquis par la Sodem en 2019

À partir de 2013-2014, limité par ses approvisionnements en sciure, la Sodem continue à produire ce qu’elle peut de granulés de bois, de 4 à 5000 tonnes par an, et complète son offre par du granulé importé et certifiés EN+A1 ou DIN+, en vrac. Le succès est au rendez-vous sur ce créneau et la société fait l’acquisition d’un deuxième camion souffleur à trois essieux en 2016 puis d’un troisième en 2022, à quatre essieux, pour aller un peu plus loin et pour répondre au besoin croissant des chaufferies collectives. La Sodem alimente aujourd‘hui, depuis Marchezais, plus de 400 chaudières à granulés sur les départements 60, 61, 75, 78, 92, 93, 94, 95, 27 et 28. Pour le sac, elle dispose également d’un dépôt en Île-de-France à L’Isle-Adam (95).

Le tout dernier camion souffleur de granulés Thermobois, photo Sodem, photo Transmanut

Sur le marché du poêle, mais aussi des petites chaudières à trémie journalière, ce sont plus de 100 millions de sacs plastiques vides par an qui sont jetés par les particuliers, sans garantie de leur recyclage. Pour essayer de limiter cette tendance, nous l’avons déjà évoqué, la Sodem ensache sa propre production dans des sacs en papier, un matériau renouvelable et très bien recyclé. Et en 2019, pour compléter cette offre, et car le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas, elle a mis en place un distributeur automatique de granulés de bois sur le parking d’une station de lavage, un emplacement idéal.

Le Pellets Drive installé à Dreux, photo Sodem

Pour préserver la qualité de ses granulés livrés en vrac, la société consacre deux boisseaux de chargement spécifiques pour tamiser les granulés avant le chargement.

Les agropellets, promesse d’une nouvelle étape

Chercher à brûler des coproduits agricoles n’est pas une nouveauté. Même quand ceux-ci sont sous la forme de granulés. Déjà dans les années 1970, juste après le premier choc pétrolier, des agriculteurs se sont chauffés avec les granulés de paille qu’ils utilisaient alors pour l’alimentation animale. Mais ces granulés de biomasse agricole brute, de par leurs caractéristiques chimiques différentes de celles des granulés de bois, occasionnent, sur les appareils non adaptés, des problèmes de corrosion ou encore amènent à la formation de mâchefer.

Mélange d’additifs incorporé aux agropellets à la Sodem, photo Frédéric Douard

Ce qui est nouveau, c’est de proposer un granulé d’origine agricole pour lequel il est possible de garantir la qualité de la combustion et le respect des contraintes techniques et réglementaires des chaudières. C’est ce à quoi l’entreprise RAGT Énergie, société du groupe français RAGT semencier et formulateur d’aliments pour les animaux, travaille depuis 2008 au travers de sa technologie de formulation de biocombustibles. La formulation consiste à trouver le mélange optimum entre les matières premières, en fonction de leurs caractéristiques chimiques , et des additifs naturels permettant d’équilibrer la chimie de la combustion pour produire un granulé dont la qualité de combustion sera assurée et répondant ici aux exigences de la norme internationale sur les agropellets (ISO 17 225-6 cat. A).

Christophe Marchais de la Sodem, entouré de Mattieu Campague et Lucile Godard de RAGT Energie, photo Frédéric Douard

La production de ces agropellets se fait sous la marque Calys®, déposée par RAGT Énergie, au sein d’un réseau de producteurs franchisés dont la Sodem fait partie. Intégrer ce réseau est une opportunité saisie par Christophe de mobiliser le savoir-faire historique de granulateur et collecteur de biomasses de l’entreprise tout en se positionnant, avec un produit de qualité et reconnu, sur le marché croissant des réseaux de chaleurs et chaudières industrielles biomasses.

Des agropellets pour chauffer le quartier d’affaires de la Défense

En 2013, à l’initiative de la société Idex, concessionnaire de la chaufferie du quartier d’affaires de La Défense à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine, le projet a germé de décarboner cette chaufferie avec de la biomasse agricole de par la position géographique de cette chaufferie à l’extrémité ouest de l’agglomération parisienne, en bordure immédiate des grandes plaines céréalières de Beauce et du Perche. Et pour des raisons logistiques et économiques, de manque de place lié à la densité urbaine et porté par la volonté de réutiliser les chaudières existantes, le granulé Calys® s’est imposé comme le combustible adapté.

La ligne de granulation des agropellets chez Sodem, photo Frédéric Douard

En étant positionnée à 70 km de la chaufferie, la Sodem est au cœur de la zone d’approvisionnement de ce projet, faisant d’elle un producteur d’agropellets Calys® de choix pour alimenter la chaufferie.

La Sodem est idéalement positionnée sur une voie ferrée à destination de Paris, avec un embranchement qui ne demanderait qu’à être remis en fonction, mais malheureusement, au moment de ces réflexions, , le maire de Marchezais pousse l’agglomération de Dreux à agrandir un parking de la gare SNCF de Marchezais, précisément sur un terrain situé entre les voies et la Sodem, à vingt mètres seulement d’un silo qui aurait pu servir de point de départ des agropellets. À ce stade du projet, cette option est donc reportée à une date ultérieure. Christophe Marchais souhaite absolument mettre en œuvre cette solution train, qui éviterait à environ 1000 camions de prendre la route chaque année !

Agropellets Calys de la Sodem, photo Frédéric Douard

La Sodem est également située à seulement 50 km de la plateforme logistique d’Idex, située à Gellainville, qui permet un approvisionnement par le rail et ainsi d’éviter d’ajouter du trafic et de rester cohérent avec les objectifs de décarbonation du projet. Cette plateforme logistique, composée d’anciens silos céréaliers rachetée à la coopérative Scael et depuis adaptée pour répondre aux besoins du projet, affiche l’ambition d’Idex de développer une infrastructure de stockage assurant un flux optimisé entre ses fournisseurs d’agropellets et les sites consommateurs, tel que celui de la Défense.

Les deux presses dédiées à la production d’agropellets, photo Sodem

Le site dispose de dix imposants silos capables de contenir 60 000 tonnes de biocombustibles. Il est embranché sur le rail et peut ainsi relier la chaufferie de la Défense par train. La Sodem livre donc ses agropellets par camions à Gellainville et le stock stratégique y est réalisé, avant transbordement sur le rail.

Stock d’agroppellets à la Sodem, photo Frédéric Douard

Depuis 2022, Christophe travaille avec RAGT Énergie pour produire l’agropellet dont Idex a besoin, et les premiers lots sont produits sur une base de coques de tournesol. Le 24 mars 2023, le premier train d’agropellets en provenance de Gellainville arrive à La Défense pour réaliser les premiers tests de combustion. Cette même année, la Sodem fournit 15 000 tonnes d’agropellets à la chaufferie, puis le même volume en 2024, période de rodage de l’installation. 2024 est également l’année d’obtention par la Sodem de la certification ISCC-UE qui atteste de la conformité des agropellets Calys® aux exigences de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la directive européenne RED. Pour 2025, la Sodem espère atteindre les 30 000 tonnes alors que la chaufferie est désormais réceptionnée. Elle travaille également à une remise en service de son embranchement ferroviaire pour, à terme, pouvoir réaliser des livraisons en direct de son site de production et œuvre également, en lien étroit avec IDEX et RAGT Énergie, à élargir le spectre des biomasses valorisées dans ses agropellets en testant à l’échelle industrielle de nouvelles formules et veille ainsi à toujours proposer un combustible de qualité, compétitif, durable et local.

Le système de protection des zones Atex chez Sodem, photo Frédéric Douard

Ce projet d’agropellets illustre parfaitement l’engagement de Sodem en faveur d’une transition énergétique durable, tout en répondant de manière innovante aux besoins logistiques et écologiques de ses partenaires.

Contacts :

Granulés de bois Thermobois, photo Sodem

• Sodem : Christophe Marchais – 02 37 62 03 30 – christophe.marchais@sodem28.com – www.monboisdechauffage.fr
• Granulés Calys® : 05 63 36 91 46 – ragt.energie@ragt.fr – www.ragt-energie.fr
• Idex Bioressources : 01 47 12 42 12 – bioenergies@idex.fr – www.idex.fr
• Lignes de granulation et séchage : www.promill.fr
• Protection des zones Atex : Guillaume Prabel – 03 88 50 90 27 – guillaume.prabel@grecon.fr – www.fagus-grecon.com/fr/
• Broyeur de chutes de bois : www.untha.com/fr/
• Camions souffleurs : 02 54 42 90 30 – contact@transmanut.com – www.transmanut.com
• Distributeur automatique : 04 74 81 16 41 – 06 85 73 16 09 – contact@pelletsdrive.fr – easydrive.pelletsdrive.fr

Frédéric Douard, en reportage à Marchezais