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Dans les Hauts-de-France, Sanamethan valorise le bioCO₂ de l’épuration de son biogaz

Article paru dans le Bioénergie International n°91 de juin 2024

Dans les Hauts-de-France, Sanamethan valorise le bioCO₂ de l’épuration de son biogaz

Les postes de récupération du bioCO₂ à gauche et de purification du biogaz à droite chez Sanamethan, photo Pierre Chombard

Pierre Chombard, responsable du site, photo Frédéric Douard

Sanamethan, une entreprise qui regroupe dix-huit cultivateurs et trois sociétés parapubliques, produit du biométhane en plein cœur de la Picardie, sur une plaine crayeuse située à l’extrémité Est du département de la Somme et à quelques kilomètres seulement de la ville de Saint-Quentin, préfecture du département de l’Aisne. L’unité de méthanisation est implantée dans une petite vallée isolée, sur un terrain qui jouxte l’antique chaussée dite Brunehaut reliant Amiens à Saint-Quentin, sur la commune de Vraignes-en-Vermandois. Outre pour ses excellentes caractéristiques techniques et logistiques, ce site a aussi été choisi, car il est situé à seulement un kilomètre de l’usine Bonduelle d’Estrées-Mons, l’une des plus grandes conserveries de légumes au Monde avec une production annuelle de plus de 200 000 tonnes. Signalons que cette usine est alimentée en énergie thermique par une centrale de cogénération biomasse de 63 MW. L’unité de méthanisation injecte 420 Nm³/h de biométhane en moyenne dans le réseau de transport de GRTgaz. La particularité de ce site est que le CO₂ résultant de l’épuration du biogaz n’est pas relâché dans l’atmosphère mais purifié également et commercialisé, faisant d’une pierre deux coups : une bonne opération économique et environnementale. C’est le premier site en Hauts-de-France et le deuxième en France qui exploite ce CO₂ biogénique.

Un projet qui a mis 17 ans à se concrétiser

Les premières discussions sur le projet remontent à 2006. Elles sont rapidement suivies en 2007 par la création de la société Sanamethan dont l’objet est de proposer des débouchés aux biodéchets de la très puissante agro-industrie locale et en même temps d’apporter aux agriculteurs engagés une source de revenu complémentaire et de l’autonomie pour l’amendement de leurs sols, et de recréer un cercle vertueux.. Parti au départ sur la cogénération, le projet a rencontré de nombreux obstacles, a évolué plusieurs fois avant de trouver sa voie, sa rentabilité et son emplacement en 2020. La recherche de la rentabilité est notamment passée par une massification du projet, par la revalorisation des tarifs du biométhane, par des approvisionnements rémunérateurs, et aussi donc par la valorisation du CO₂.

Le site Sanamethan avec au premier plan ses silos de CIVE, photo Frédéric Douard

La construction du site a commencé en juin 2021, l’injection de biométhane a débuté le 9 janvier 2023 et le site a été inauguré le 23 mai 2023. Pour monter ce projet à 12 millions d’euros, les agriculteurs ont en outre pu bénéficier du soutien de la Société d’Intérêt Collectif Agricole d’Électricité de la Somme et du Cambraisis et des sociétés d’économie mixte Hauts-de-France et Somme Énergies. La SICAE est concessionnaire de la distribution et de la fourniture d’électricité et de gaz sur 185 communes de la région. Outre l’expertise qu’elles apportent, ces trois structures sont entrées au capital de la société à hauteur de 5 % chacune.

Une évolution est intervenue après la mise en service de l’installation, à savoir la mise en place d’une unité d’hygiénisation, dans le but d’améliorer encore la rentabilité du projet. Elle permet en effet, sous rémunération, d’hygiéniser des produits alimentaires déconditionnés, ainsi que des effluents d’élevages d’insectes produits par la société Innovafeed à Nesle, à quelques kilomètres, et qui vont rejoindre les méthaniseurs.

Deux familles d’intrants

Les cuves d’hygiénisation des soupes de déconditionnement, photo Frédéric Douard

L’unité de méthanisation est alimentée annuellement par 35 000 tonnes de biomasse, ce qui représente une ration journalière d’un peu moins de 100 tonnes par jour, et qui permet de rester dans le cadre d’un enregistrement ICPE. Ce volume se décompose de la sorte :

  • 12 000 t des déchets de légumes de l’usine Bonduelle voisine, mais aussi de l’usine Mousline située à Rosières-en-Santerre à 30 km, et de boues de l’amidonnerie Syral de Mesnil-Saint-Nicaise à 20 km ;
  • 10 000 t de cultures intermédiaires, principalement du seigle fourrager en provenance des associés ;
  • 7000 t de pulpe de betteraves cultivées par les associés, après passage à la sucrerie Cristal Union de Sainte-Emilie (principalement) et Tereos d’Origny-Saint-Benoîte ;
  • 5000 t de produits agro-alimentaires périmés, déconditionnés et amenés par Veolia. Ces produits sont intégrés à la ration depuis fin 2023, depuis la mise en service de l’hygiénisation ;
  • 1000 t d’issues de céréales et de produits occasionnels.

Equipement d’hygiénisation à sec du frass chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

C’est la société Viwade qui a fourni clé en main l’ensemble des équipements d’hygiénisation :

  • une ligne en voie liquide pour les soupes et graisses alimentaires. Dotée de deux cuves de chauffage de 8 m³, elle peut traiter jusqu’à 48 m³ par jour et dispose d’un système de récupération de chaleur permettant de préchauffer la soupe froide avec la soupe hygiénisée. Ce dispositif permet de réaliser jusqu’à 35 % d’économie de chaleur. Elle dispose également de deux cuves de stockage des liquides amont de 85 m³ et une cuve de stockage de 25 m³ du liquide aval.
  • une ligne en voie sèche qui dispose d’une cuve de chauffage de 12 m² avec brassage, et qui permet d’hygiéniser jusqu’à 9 tonnes de frass par jour.

Stockage de frass à hygiéniser devant le poste d’hygiénisation chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Les installations de méthanisation

Les installations sont implantées sur un terrain de 5 ha. On y trouve des silos à plat d’une capacité de 15 000 tonnes pour les ensilages, deux incorporateurs d’intrants solides suivis chacun d’un broyeur, 4 digesteurs de 1500 m³, un post digesteur de 5500 m³ avec gazomètre, une cuve de digestat liquide de 10 000 m³ et une lagune déportée en cours de construction.

Les deux trémies d’incorporation des solides chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Le temps de digestion des biomasses est de 110 jours. À ce terme, un séparateur de phase situé entre les deux cuves de stockage permet d’extraire la partie solide du digestat. Les 30 000 tonnes de digestat liquide et les 4000 tonnes de digestat solide sont ensuite utilisées par les agriculteurs sociétaires comme fertilisant dans le cadre d’un plan d’épandage sur plus de 2000 hectares.

Le site Sanamethan avec à gauche le poste d’hygiénisation, photo Pierre Chombard

Pour les échanges, le principe de fonctionnement de l’unité est que toute matière, entrante ou sortante, est rémunérée. Les agriculteurs vendent ainsi leurs CIVE à un prix indexé sur celui du blé, et achètent ensuite le digestat.

Le biométhane

Les processus d’épuration du biogaz, comme celui de récupération et liquéfaction du CO₂, ont été confiés à la société Clarke Energy. Spécialiste de la valorisation du gaz, elle utilise les équipements du fabricant italien Techno Project Industriale du groupe Siad. La purification du biogaz est faite par filtration membranaire et l’installation fournie a une capacité d’épuration de 500 Nm³ de biométhane à l’heure bien que le CMax actuel du site ne soit que de 420 Nm³/h. Pour cette épuration, TPI utilise les membranes polymères Sepuran® d’Evonik à une pression de 11 bar. Le biométhane de Sanamethan est par contre injecté directement sur le réseau de transport GRTgaz, car le réseau local de distribution de GRDF ne permet pas d’absorber ce débit. Pour cela, il doit pouvoir être compressé entre 40 et 60 bar.

Le poste d’injection de biométhane GRTgaz chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Le processus de récupération et de purification du bioCO₂

L’installation mise en place chez Sanamethan purifie et liquéfie le CO₂ extrait des gaz résiduels de la purification du biogaz en biométhane, des gaz résiduels contenant environ 98 % de CO₂. Après des traitements destinés à éliminer les traces d’humidité et les gaz indésirables, le CO₂ est liquéfié par un procédé cryogénique.

Le module de séparation du CO₂ de l’offgaz chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Chez Sanamethan, la production horaire de 420 Nm³ de biométhane, depuis un biogaz à 54 % de CH₄, amène un débit d’off-gas d’environ 360 Nm³/h en sortie d’épuration du biogaz. La récupération et l’épuration du CO₂ contenu dans l’off-gas sont réalisées en trois étapes :

Les cuves de stockage cryogénique du CO₂ liquide chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

  1. La compression met en œuvre quatre équipements : un compresseur à piston à double étage, un refroidisseur, un post-refroidisseur et un séparateur-condenseur à double étage. Au cours de cette étape le flux gazeux est comprimé jusqu’à 18 bar. Il subit deux phases de condensation successives qui ont pour but d’enlever le maximum d’eau du flux gazeux et d’économiser de l’énergie de séchage de l’étape 2. La condensation se fait grâce au circuit de refroidissement qui compose l’étage 3.
  2. Le séchage et la purification nécessite trois équipements : deux sécheurs et un filtre à charbon actif. Dans cette seconde étape le flux gazeux comprimé et partiellement déshydraté va passer dans les deux sécheurs alimentés par un élément chauffant. Le but est de ne plus avoir du tout d’H₂O dans le flux gazeux. Le filtre à charbon actif permet de piéger les éventuels composés malodorants.
  3. La réfrigération et la liquéfaction mettent en œuvre quatre équipements : un système de réfrigération, un rebouilleur de CO₂, une colonne de distillation et un condenseur de CO₂. Dans cette étape le flux gazeux sec à 15 °C arrive à la base du rebouilleur dans lequel se trouve le bain de CO₂ liquide à – 20 °C. Il s’ensuit une montée en température qui va créer un bouillonnement. Ce bouillonnement va libérer des vapeurs de CO₂ très pur qui vont monter dans la colonne de distillation. Le flux gazeux quant à lui va arriver en haut de la colonne dans un condenseur de CO₂. La condensation se fait grâce au système de refroidissement. Le flux gazeux va se transformer en gouttelettes qui vont descendre dans la colonne de distillation. La rencontre du flux liquide descendant avec les vapeurs de CO₂ montantes va permettre de purifier ce flux des molécules incondensables comme O₂, N₂ et CH₄. Le CO₂ pur va aller rejoindre le bain de CO₂ liquide à la base du rebouilleur. Les composés non condensables à cette température vont sortir du système au niveau d’un évent. Dans cet évent on retrouve O₂, N₂ … et du CH₄ que l’on pourra récupérer au niveau de la purification biogaz-bio-méthane.

Le CO₂ liquide pur est ensuite acheminé vers deux cuves de stockage de 40 tonnes, maintenues à – 20 °C, en attendant le transfert vers un camion-citerne par une pompe.

Valoriser le bioCO₂, une action très positive pour le climat

Sanamethan récupère 460 kg de CO₂ par heure soit une production annuelle de 4000 tonnes par an. Les prix de marché du CO₂ varient de 50 à 150 € la tonne. Aujourd’hui une bonne partie du CO₂ Sanamethan est achetée par l’entreprise Carbonord basée à Cambrai, à moins de 40 km de Vraignes-en-Vermandois, pour fabriquer de la glace carbonique. En termes de qualité, ce CO₂ liquide est conforme à la norme européenne UE 231/2012 et respecte la prescription EIGA Annexe A qui encadre le CO₂ à destination de l’alimentation humaine, notamment dans les boissons gazeuses. Il est donc pur à plus de 99,9 % et n’a aucune odeur.

Camion citerne de BioCO₂ au départ de Sanamethan, photo Frédéric Douard

La production de biométhane avec récupération de bioCO₂ constitue par ailleurs un processus présentant un bilan carbone très positif pour le climat. En effet, sans ce traitement, les intrants utilisés dans l’usine de méthanisation se seraient naturellement décomposés et auraient libéré alors à la fois du méthane et du CO₂ dans l’atmosphère.

Déstockage de digestat et chaufferie biogaz chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Ces émissions naturelles de méthane, un gaz qui a une durée de vie dans l’atmosphère estimée une petite dizaine d’année, auraient aggravé l’effet de serre sur une décennie. Les émissions naturelles de CO₂, auraient quant à elles eu un bilan carbone neutre, car elles auraient été captées dans l’année suivante par la repousse des plantes, dans la même quantité que celles utilisées, c’est le cycle naturel du carbone. Mais en récupérant ces deux gaz, le CH₄ et le CO₂, au lieu de les laisser naturellement partir, l’empreinte carbone de cette biomasse n’est plus neutre, mais nettement négative, c’est-à-dire qu’on évite clairement d’augmenter leur quantité dans l’atmosphère. D’une part on évite de créer un gaz à effet de serre de moyen terme, le méthane, mais en plus pour le CO₂, au lieu de laisser se faire un bilan neutre en carbone sur une année, par son cycle naturel dû à la photosynthèse, par l’utilisation à la fois du biométhane et du bioCO₂, on évite l’utilisation de méthane et de CO₂ d’origine fossile qui tout deux auraient déstocké du carbone pour des millions d’années.

Le poste de surpression du biométhane avant injection dans le réseau de transport chez Sanamethan, photo Frédéric Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Vraignes-en-Vermandois

Voir également cette vidéo réalisée à l’occasion de l’inauguration du site le 23 mai 2023 :



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