À Givors, une chaudière bois à condensation décarbone le chauffage urbain de manière très efficace
Article paru dans le Bioénergie International n°94 de décembre 2024

La chaufferie biomasse des Vernes à Givors, photo Idex
Le 1er juillet 2017, au travers de la société EGMI, la Métropole de Lyon a confié l’exploitation du réseau de chaleur de Givors, une ville de 20 000 habitants située au sud de l’agglomération, au confluent du Rhône et du Gier, au groupe Idex pour une durée de 25 ans. Le contrat prévoyait une rénovation de la chaufferie et du réseau existant, et un passage immédiat au statut de réseau de chaleur à dominante renouvelable afin de baisser les charges des usagers. La chaufferie a ainsi commencé à fonctionner avec les chaudières existantes en consommant du biométhane. Puis à partir de 2019, deux années de travaux se sont conclues par une forte extension du réseau et par la mise en service d’une chaufferie bois le 31 décembre 2020.
Verdissement de la production à près de 80 % et baisse des charges

Le filtre à manches de la chaudière biomasse des Vernes à Givors permet de garantir le respect des limites d’émissions atmosphériques fixées par le Plan de Protection de l’atmosphère du Grand Lyon, photo Frédéric Douard
L’histoire du réseau de chaleur de Givors débute en 1970 pour chauffer l’équivalent de 1500 logements sociaux. Il était alimenté en chaleur par la chaufferie des Vernes qui a utilisé du gaz fossile et du fioul comme sources d’énergie jusqu’en 2017. À l’occasion du nouveau contrat de délégation de service public, pour faire bénéficier les usagers du taux de TVA réduit pour les réseaux de chaleur à dominante renouvelable, Idex a intégré immédiatement 55 % de biogaz dans le mix, un gaz renouvelable consommé dans les chaudières existantes et approvisionné par le réseau public de gaz selon le dispositif des garanties d’origine.
Ce dispositif provisoire a été remplacé avec la mise en service de la chaufferie biomasse, ce qui a permis de faire baisser la facture des abonnés de près de 14 % cette année-là. Depuis cette date, la chaudière bois et ses périphériques couvrent environ 79 % des besoins de l’installation par des sources décarbonées : 65 % par la chaudière bois et 14 % par un condenseur sur cette chaudière couplée à une pompe à chaleur raccordée au retour réseau. Le prix moyen de la chaleur s’établissait en 2022 autour de 75 € TTC le MWh, soit un prix particulièrement raisonnable dans le contexte énergétique qu’ont connu la France et l’Europe à ce moment-là.
Deux nouvelles chaudières gaz, de 8,7 et 4,6 MW ont été installées pour un usage d’appoint lors des pics de demande ou lors des périodes d’entretien de la chaudière bois. Les anciennes chaudières ont été définitivement démontées et tous les équipements hydrauliques préexistants (pompes, réseaux et sous-stations) ont été remplacés et modernisés.
Une chaufferie biomasse optimisée à plusieurs niveaux
La chaufferie de Givors est tout d’abord équipée d’une chaudière à bois de dernière génération de 4,2 MW, fournie par la société rhônalpine Weiss France Energie. Sa technologie assure une combustion très complète du bois, à haute température, ce qui assure un rendement élevé de production et garantit des émissions atmosphériques propres, un élément incontournable dans cette agglomération dotée d’un plan de protection de l’atmosphère (PPA) depuis 2008. Et pour garantir ces niveaux d’émissions, une combinaison de filtre cyclonique et filtre à manches a été mis en place pour garantir les 30 mg de poussières par Nm³ imposées par le PPA. Dans la pratique, Idex limite même ces rejets à moins de 10 mg/Nm³. Le PPA n’a par contre imposé aucun dispositif de traitement des émissions d’oxydes d’azote, la technologie de la chaudière apportant à elle seule les garanties d’émissions correspondantes.

La chaudière biomasse de Givors, photo Frédéric Douard
Ensuite, pour assurer une efficacité énergétique la plus grande possible, la fumée de la chaudière à bois est condensée pour en récupérer une partie de la chaleur, ce qui augmente substantiellement le rendement global de l’installation. Cette solution est particulièrement intéressante pour les chaufferies qui comme ici utilisent des bois humides et produisent des fumées fortement chargées en vapeur d’eau et donc en chaleur latente. On récupère cette chaleur lors de la condensation des fumées au moment du changement de phase de la vapeur en eau liquide. Une pompe à chaleur positionnée sur le retour du réseau permet de rendre cette solution très efficace par augmentation du delta de température entre l’eau à réchauffer et la vapeur des fumées. Ici, le gain de rendement est d’environ 20 % de la puissance de la chaudière, soit un gain de 840 kW en plus des 4,2 MW en sortie de l’échangeur primaire de la chaudière.

Ecran de commande de la chaudière biomasse des Vernes à Givors, photo Frédéric Douard
Enfin un stockage de chaleur par hydro-accumulation a été installé. Composé de deux ballons de 45 m³, il permet de faire fonctionner la chaudière dans les meilleures conditions possibles, de manière lissée dans le temps, sans à-coups brutaux ni phases à trop faible régime. Cet équipement est particulièrement intéressant en mi-saison lorsque le niveau de demande varie fortement sur la journée. Et il est indispensable pendant la période estivale où la demande se résume à la seule production d’eau chaude sanitaire. Une chaudière à biomasse humide, comme c’est le cas à Givors, ne doit en effet pas fonctionner à trop basse température pour maintenir la qualité de sa combustion, condition sine qua non pour ne pas polluer et dégrader l’équipement. Le stockage d’eau permet cela en lissant les besoins. À Givors, la production moyenne d’été correspondant aux besoins en eau chaude sanitaire est de 1 MW, une puissance lissée sur la journée grâce aux ballons, et c’est la valeur qui a déterminé le dimensionnement de la puissance de la chaudière bois, en l’occurrence ici le quart de sa puissance, une valeur qui correspond à son minimum technique et qui lui permet de toujours fonctionner avec les meilleures performances.

Les deux ballons de stockage d’eau à la chaufferie biomasse des Vernes à Givors, photo Frédéric Douard
En termes de fonctionnement, la chaudière tourne donc toute l’année et n’est mise à l’arrêt que trois fois par an pour maintenance : 5 jours en février, 10 jours en août et 5 jours en octobre. Sa consommation est d’environ 8000 tonnes de bois par an, un bois d’origine forestière fourni par le groupement de fournisseurs locaux ABSRA. Le combustible est manipulé sur place par un dispositif automatique à grappin fourni par Weiss France et qui s’articule autour de trois silos totalisant près de 800 m³ de capacité et qui autorise jusqu’à quatre jours d’autonomie. Les cendres sous foyer sont valorisées en compostage dans la région. L’exploitation du réseau et de la chaufferie mobilise 1,5 équivalent temps plein chez Idex.

La manutention du bois à la chaufferie biomasse des Vernes à Givors, photo Frédéric Douard
Extension du réseau et optimisation de la condensation
Les travaux d’extension du réseau de 3 à 9 km ont permis une augmentation de près de 80 % du nombre d’équivalents logements raccordés. Ce sont ainsi aujourd’hui plus de 2700 équivalents-logements qui sont raccordés : des logements collectifs en majorité mais aussi des écoles, des complexes sportifs, des bâtiments administratifs et une piscine. Et depuis le 22 décembre 2022, le réseau de chaleur a été classé par décret et les nouveaux utilisateurs potentiels, situés à moins de 100 mètres linéaires d’une conduite et présentant des besoins d’au moins 100 kW en pointe, ont l’obligation de s’y raccorder. Cette mesure garantit des perspectives indispensables d’extension des raccordements pour maintenir ses conditions techniques et économiques de fonctionnement, car parallèlement à ces nouveaux raccordés, d’autres utilisateurs déjà connectés réalisent quant à eux des travaux d’efficacité énergétique de leur bâtiment et qui tendront à consommer moins.

Les travaux d’extension du réseau de chaleur de Givors en 2019, photo Idex
Le réseau de Givors se partage aujourd’hui en deux branches dont les régimes de températures sont différents : le réseau sud, créé en 2020, travaille sur un régime de température départ de 90 à 100°C pour un retour à 55°C, alors que la branche nord est sur un régime de retour à 40°C. C’est donc le retour de la branche nord qui permet d’opérer une condensation efficace des fumées de la chaudière bois, car sa température est suffisamment basse. Elle est même abaissée à 35°C par une pompe à chaleur pour maximiser la récupération de chaleur latente des fumées.

La pompe à chaleur de la chaufferie biomasse des Vernes à Givors, photo Frédéric Douard

Le condenseur de fumée de la chaudière biomasse des Vernes à Givors, photo Frédéric Douard
À pleine charge, en hiver, la condensation peut ainsi récupérer jusqu’à 1,1 MW de puissance sur les fumées, montant ainsi ponctuellement le rendement de l’installation jusqu’à 125 % de la puissance de la chaudière. La pompe à chaleur, qui consomme en pointe jusqu’à 200 kWé, travaille dans ce cas dans d’excellentes conditions, avec un delta T°C de 5°C, et affiche un coefficient de performance (COP) de 5,5 ! La condensation, n’est pratiquée qu’en saison de chauffe alors que les débits de fumée sont intéressants. L’été, le régime de températures du réseau est abaissé à 78°C / 40 ou 50°C pour limiter les pertes, soit à la limite basse permise par la réglementation sur les risques de légionellose, la production d’eau chaude sanitaire étant réalisée en sous-stations.
Contacts :
- L’exploitant : EGMI – 08 00 94 18 42 – rcu.givors@idex.fr – chauffageurbain.givors.grandlyon.com et www.facebook.com/ChauffageUrbainGivors/
- La chaudière bois : 04 79 89 07 07 contact@weiss-france.fr – www.weiss-france.fr
- Le condenseur : scheuch-industrial-solutions.com/fr
- La pompe à chaleur : www.carrier.com/commercial/fr/fr/
- La cheminée : 02 54 38 48 07 – infos@beirens.fr – www.beirens.fr
- Le pont roulant bois : www.solomatlev.com et grappin Mennesson
- Les fournisseurs de bois : www.chaleur-bois-qualite-plus.fr
Frédéric Douard, en reportage à Givors

La cheminée de la chaufferie biomasse des Vernes a été fournie par les Ets Beirens, photo Idex
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