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Reportage sur la cogénération au bois de Mende, 42 MW th – 7,5 MWé

Infos clés fiche de casMaîtrise d’ouvrage privée – Cogénération vapeur avec réseau de chaleur et usine de granulation – Combustible : 80 000 tonnes de plaquettes forestières par an – Trois chaudières Polytechnik pour un total de 42 MW – Production électrique de 7,5 MWé – Exploitation en régie – Mise en service en 2009 – Article paru dans le magazine Bioénergie International n° 12 de novembre 2010.

Panorama sur la chaufferie, photo Frédéric DOUARD

Nous disions dans un autre article du magazine Bioénergie International de novembre 2010 que la chaufferie de Cergy-Pontoise était devenue en mars 2009 la plus puissante des chaufferies  collectives au bois de France. Et bien quelques mois plus tard, en novembre 2009, la chaufferie de Mende lui soufflait la place avec 42 MW.

La cogénération biomasse, production de chaleur et d'électricité, photo Frédéric Douard

La capitale de la Lozère voyait ainsi la mise en service de la première centrale de cogénération retenue dans le cadre de l’appel d’offre CRE 2 lancé par le ministère en charge de l’énergie en 2007. Et le fait est remarquable, cette installation est également la seconde installation française de cogénération biomasse sur un réseau de chaleur collectif, après la mise en route de celle de Felletin en 2005 (Voir notre article sur Felletin). Le 5 juin 2008, la commission de régulation de l’énergie (CRE) annonçait retenir vingt-deux projets de production simultanée de chaleur et d’électricité utilisant la biomasse. Dix-huit mois plus tard, le projet BioEnergie Lozère était le premier à atteindre son but.

La cogénération à partir de biomasse est fort peu développée en France. En dehors des deux villes citées, il n’existe que quelques installations dans l’industrie du bois. Il faut dire que la production d’électricité par la biomasse n’a jamais constitué une priorité française, puisque jusqu’à l’appel d’offre de 2007, les tarifs de rachat proposés n’étaient guère attractifs. Pourtant, la production d’électricité est envisageable en complément, partout où des productions importantes de chaleur sont réalisées. Les rendements électriques sur production thermique étant quelque soit les systèmes ou les combustibles, compris entre 20 et 30%, exceptionnellement 40 sur des opérations très optimisées, il n’est écologiquement pas envisageable de produire de l’électricité sans une bonne valorisation de la chaleur. Et l’idée couramment répandue, selon laquelle la chaleur est un résidu de la production électrique, biaise le raisonnement de l’efficacité. Il convient en effet de ne concevoir la production électrique que comme une plus-value d’une production thermique qui se doit de valoriser les 50 à 60% de chaleur récupérable.

Le projet

La réception des produits à BioEnergie Lozère, photo Frédéric Douard

La ville de Mende, s’est ainsi dotée d’un réseau de chaleur d’une dizaine de kilomètres avec une soixantaine de points de livraison qui alimentent une centaine de bâtiments publics et privés du territoire de la commune. Ces bâtiments avaient jusque maintenant en grande majorité recours au fioul pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire. Rappelons néanmoins que la cité mendoise n’est pas une novice en matière de bois-énergie puisque depuis 1982, elle héberge l’un des plus anciens producteurs de granulés de bois français, qui depuis sa création a alimenté nombre de chaufferies de la ville et de la région.

Le porteur du projet, même s’il a reçu le soutien sans faille de la municipalité, n’en est pourtant pas la collectivité elle-même. C’est une entreprise familiale implantée à Mende depuis des générations qui est à l’origine . . . nous allons dire de ce projet audacieux. Si en effet, l’installation a pu démarrer
18 mois seulement après l’accord de la CRE, c’est que le projet était en fait déjà tout ficelé et décidé avant même la réponse finale de l’institution. Car les beaux projets sont souvent histoire de passion, tout comme à Vitry-le-François dès 1984, Felletin dès 1999 ou encore Cergy plus récemment, ces réalisations innovantes sont le fruit à chaque fois de la passion, de la persévérance et de la compétence d’un homme.

Ici à Mende, cet homme c’est Michel Engelvin, entouré de sa famille, son épouse et ses deux fils Jérôme et Vincent, et qui ont porté presque seuls ce projet de 30 millions €. Car la famille Engelvin est une famille du bois depuis 1936. Michel est avec ses fils et son épouse, aux commandes de Engelvin Travaux Publics et Réseaux, installée également à Mende. Alors, avec la passion du bois d’un côté et la force d’une entreprise d’envergure nationale de l’autre, il était envisageable de se laisser aller à entreprendre sa passion, produire de la richesse moderne, locale, écologique, chez soi, avec les bois de sa région.

Une société dédiée a ainsi été créée, également en famille, la société Bio Energie Lozère. Et dès 2008, l’entreprise s’est tournée vers la société Polytechnik, constructeur renommé de chaudières industrielles et collectives à bois en Autriche pour la réalisation de cette usine d’un total de 42 MW thermiques. POLYTECHNIK, représentée en France par Wolfgang Bauer, dirigeant de la société française, a ainsi été retenue pour concevoir et livrer l’installation clés en main.

La chaufferie et les équipements thermiques, photo Polytechnik

La chaufferie

Localisée à 1 000m d’altitude sur les hauteurs de la ville de Mende, l’installation technique se compose de deux générateurs de vapeur haute pression, d’une turbine et d’un alternateur, ainsi que d’une chaufferie biomasse eau chaude.

Michel RANC, le responsable d’exploitation de BIO ENERGIE LOZERE, nous explique que la combustion des plaquettes a lieu dans des foyers à grille mobile hydraulique. Deux générateurs de vapeur haute pression de 16,1 MW unitaire permettent la production totale de 39,75 tonnes de vapeur par heure. Cette vapeur surchauffée à haute pression (23 bars, 425°C) est ensuite détendue dans une turbine à vapeur reliée à un générateur, permettant ainsi de produire 7,5 MW électriques
et qui sont injectés sur le réseau d’ERDF.

Michel Ranc, chef d'exploitation de la centrale BioEnergie Lozère, photo Frédéric Douard

Afin d’alimenter le réseau de chaleur de la ville, un échangeur permet, à partir de vapeur soutirée sur la turbine, de produire jusqu’à 23 MW d’eau chaude. Pour le secours et les périodes les plus froides, une troisième chaudière à bois, un appoint indépendant, permet la production de 10 MW sous forme d’eau chaude. La chaufferie fonctionne ainsi à 100% au bois ! L’énergie ainsi valorisée sur le réseau de chaleur devrait être à terme supérieure à 40 000 MWh/an. De 2009 à 2011, se sont en effet 60 bâtiments qui seront raccordés, et des raccordements sont ainsi prévus à ce jour jusqu’en 2012.

Côté fonctionnement, l’optimisation des performance a été de règle. Une partie de l’énergie présente dans les fumées est récupérée par étapes successives afin d’améliorer le rendement de l’installation. Un économiseur eau/air permet de préchauffer l’eau avant de l’injecter dans les générateurs de vapeur. L’air comburant est aussi préchauffé avant son introduction dans les foyers par le biais d’un échangeur air/air. La température de sortie des gaz de fumées est ainsi réduite, ce qui limite la quantité d’énergie rejetée dans l’atmosphère, et l’énergie ainsi récupérée est réinjectée dans le processus de production de chaleur. Le rendement des deux lignes de production de vapeur ainsi attendu est de 90%. Le savoir-faire de la société POLYTECHNIK en termes de combustion, associé à un traitement des fumées constitué d’un dépoussiéreur multicyclonique et d’un électro-filtre, permet de maintenir les émissions atmosphériques en dessous des normes requises. Ces émissions seront par ailleurs contrôlées de manière continue, l’installation étant classée ICPE.

Les échangeurs des deux chaudières vapeur POLYTECHNIK, photo BioEnergie Lozère

Afin de gérer l’ensemble des paramètres de production, tous les automatismes sont reliés à un système de supervision permettant de suivre en temps réel et d’ajuster en permanence les paramètres de fonctionnement. Depuis la mise en route et la première injection d’électricité sur le réseau public au cours du mois de novembre 2009, l’installation fonctionne en auto-contrôle 24h/24, ce qui permet d’atteindre une durée de fonctionnement supérieure à 8000 h. La production électrique attendue est de 63 000 MWhé. Le contrat est établi sur une durée de 20 années.

Sébastien PIC, opérateur Bioénergie Lozère, photo FD

Sur le toit de la chaufferie, des batteries d’aérothermes dissipent la chaleur non consommée par le réseau. Notons ici que les contrats de fourniture d’électricité proposés par la CRE à puissance fixe limitée pénalisent fortement le rendement global de cogénération, car ils obligent les installations à
produire la même quantité d’électricité quelque soit les besoins thermiques. Un type de contrat qui définirait une fourchette d’énergie à produire, ce qui correspond à la réalité des centrales thermiques (même celles d’EDF), permettrait d’optimiser beaucoup plus le rendement global et éviterait de rejeter trop de chaleur par le circuit du refroidissement des condensats d’une puissance maximale de 23 MW. L’utilisation de cette énergie basse température qui est prévue dans le processus Polytechnik permettra d’augmenter encore le rendement de l’ensemble.

Enfin, pour une sécurité maximum de fonctionnement, deux groupes électrogènes diesel de 350 kW chacun garantissent une continuité de fonctionnement ou de redémarrage, en cas de coupure de courant du réseau et de mise en défaut provisoire de l’installation interne.

Mickaël Tichet, opérateur Bioénergie Lozère, photo Frédéric Douard

Les ressources humaines

L’ensemble des installations de production, mais aussi de réception et de chargement du combustible dans les silos est assuré par 3 personnes en astreinte tournante 24h/24. Un équivalent-personne supplémentaire provenant de la famille Michel Engelvin assure quant à elle la gestion de l’ensemble, à savoir 3 sociétés :

  • L’approvisionnement en combustible par BC 48, société d’exploitation forestière
  • La production d’énergie par Bioénergie Lozère
  • La distribution d’énergie par Tendem

Seule partie externalisée du fonctionnement, l’entretien des équipements thermiques et électriques du réseau de chaleur a été confié à la société Dalkia. POLYTECHNIK réalise l’entretien annuel de l’usine de cogénération.

Le réseau de chaleur

La pose du réseau de chaleur par Engelvin TP Réseaux, photo BioEnergie Lozère

Sous maîtrise d’ouvrage communale, il a fait l’objet d’une délégation de service public pour sa conception, sa réalisation et son exploitation. Une société filiale de Dalkia et Engelvin TP & Réseaux a été créée pour l’occasion : TENDEM. Le contrat court sur 24 années.

Engelvin TP & Réseaux a réalisé l’ensemble de la fourniture et de la pose du réseau, une activité qui conforte l’entreprise en Lozère. Du côté technique, le réseau fonctionne à 100°C départ et 70°C en retour.

L’approvisionnement

Dès le départ, afin de ne pas perturber les flux de matières qui circulent des scieries vers les industries du papier ou du panneau, la famille Michel Engelvin a choisi de s’approvisionner principalement en plaquettes forestières et bois ronds. Des accords de fourniture sur le long terme ont été conclus directement avec les propriétaires forestiers, la connaissance humaine du tissu local ayant été un facteur déterminant dans la confiance que les forestiers ont pu créditer au projet. La moitié des bois proviennent des forêts privées et le reste des forêts gérées par l’Office National des Forêts. Une société d’exploitation forestière a été crée pour approvisionner tout ou partie des 80 000 tonnes de bois annuellement nécessaires à l’usine. Deux déchiqueteuses de forte capacité et plusieurs camions et porteurs forestiers ont été acquis pour la récolte des produits forestiers, bois d’éclaircies, coupes dédiées, bois incendiés, coupe d’entretien.

Chantier de déchiquetage de BC 48, photo BioEnergie Lozère

Des fournisseurs extérieurs en bois rond ou plaquettes complètent la fourniture et tout confondu, ce sont 12 semi-remorques qui déchargent quotidiennement à l’usine, soit 275 tonnes de bois.

Pour assurer les week-ends mais surtout les périodes d’intempéries, un stock tournant de trois mois a été constitué autour de l’usine, soit 20 000 tonnes. Il est composé d’un hangar de 6000 m3 à proximité immédiate des silos, de plusieurs parcs de bois ronds et de plusieurs tas coniques de plaquettes à l’air libre.

Chantier de collecte de bois incendiés, photo BioEnergie Lozère

Les clés de la réussite, une histoire d’hommes

Au plus fort des interventions sur le site de la chaufferie, plus de 100 personnes ont travaillé simultanément sur le chantier. 30 millions € d’investissement, dont 5 dans le bâtiment et les voiries, sans compter le début du réseau de chaleur financé par la collectivité : il est évident que la rentabilité d’un tel projet ne peut se trouver, dans un contexte où le prix du fuel reste bas, que grâce à des trésors d’ingéniosité et par la mise à profit de l’ensemble des ressources disponibles. C’est ainsi que l’entreprise Engelvin TP Réseaux a été et est encore mise à contribution, dans des conditions avantageuses pour le projet, pour la construction des ouvrages et leur aménagement qui va se poursuivre jusque 2012 a minima : la chaufferie, les stockages et le réseau de chaleur. Des économies d’échelle, de déplacement, des mutualisations de moyens, tout a été mis en œuvre pour
que le coût du projet soit le plus juste possible, sans bien sûr en réduire la qualité.

Wolfgang BAUER, Polytechnik, Michel et Vincent ENGELVIN, BioEnergie Lozère, lors de l'allumage des chaudières, photo Polytechnik

Les ouvrages ont été conçus et réalisés comme une partie intégrante du patrimoine familial, c’est-à-dire pour durer et être transmis tel une valeur sûre aux générations suivantes. Aucune logique financière de court terme, n’est venue rogner la qualité du projet. Pour preuve, des ouvrages titanesques sur le Causse d’Auge qui surplombe Mende, des équipements qui anticipent l’avenir comme une chaudière à bois de 10 MW juste pour couvrir les pointes, mais qui pour sûr garantira un prix d’énergie pour des décennies. Et dans la chaufferie, aucune des options d’optimisation du fonctionnement et des rendements n’ont été écartés : récupération de chaleur à tous les niveaux, optimisation de la combustion, valorisation des cendres et surtout choix du combustible le plus fiable à cette échelle : la plaquette forestière qui garantit l’optimum de fonctionnement des générateurs avec le minimum de risques, d’usure et d’entretien.

Vue sur la cathédrale de Mende depuis le stock de plaquettes de la centrale, photo Frédéric Douard

Pour résumer, si cette chaufferie est aujourd’hui quasiment la seule à exister en dehors de l’industrie, et l’une des seules à avoir été réalisée dans le cadre des appels d’offre CRE, c’est que ses concepteurs disposaient des compétences sur l’ensemble de la chaîne et qu’ils ont évité d’externaliser les postes, là où classiquement chaque intervenant mange un bout de rentabilité. En ayant réalisé une intégration totale de son projet par ses moyens propres, la famille Michel Engelvin a réussi le pari de monter ex nihilo une centrale de cogénération de taille industrielle, là où des dizaines de projets ont échoué depuis le lancement du premier appel d’offre électricité-biomasse en 2004.

Contacts :

  • BioEnergie Lozère : bioenergielozere@orange.fr – Tél. 04 66 480 480
    Michel RANC, directeur d’exploitation de la chaufferie
    Michel, Vincent et Jérôme ENGELVIN, dirigeants – www.bioenergie-lozere.fr
  • Polytechnik France : contact@polytechnik.fr – www.polytechnik.fr
    Wolfgang BAUER, dirigeant – tél. 02 32 30 42 86

Frédéric Douard, Bioénergie International, reportage à Mende


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