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La biomasse durable, première énergie renouvelable de la planète, attaquée par des lobbies !

Editorial du Bioénergie International n°60 d’avril 2019

Forêt exploitée durablement, photo Frédéric Douard

En juin 2018, la Commission européenne, le Parlement et le Conseil ont conclu un accord renforçant la position de l’Europe en tant que leader mondial de la lutte contre le changement climatique au cours de la prochaine décennie. Cette position durement acquise, la nouvelle directive sur les énergies renouvelables (RED II) est maintenant menacée par un dernier effort des lobbies pour paralyser la législation avant même qu’elle ne soit mise en œuvre. Il s’agit d’une évolution regrettable à un moment où l’UE est sur le point de faire progresser ses objectifs climatiques les plus ambitieux de tous les temps.

En tant qu’outil législatif central, RED II établit une politique globale pour la production et la promotion de l’énergie à partir de sources renouvelables dans l’UE. Elle a été adoptée après des années de consultations des parties prenantes, de débats scientifiques et de collecte de preuves. Toutes les opinions et les objections ont été prises en compte au cours de ce processus nécessaire et exhaustif. Après d’intenses négociations entre États membres, un accord démocratique a finalement été élaboré sur la base des arguments les plus solides et des données scientifiques les plus crédibles. Il a produit l’un des ensembles de critères de durabilité les plus stricts en matière de biomasse solide jamais promulgués par une institution politique.

Bien que l’énergie éolienne et solaire ait énormément contribué à la réduction des émissions de carbone et aux objectifs d’émission de gaz dans RED I, la biomasse durable reste de très loin la première source d’énergie renouvelable de l’Union européenne, avec actuellement et dans les projections une contribution de plus de 60% !

Parallèlement, la nouvelle directive a établi avec succès les premiers critères de durabilité européens pour la biomasse solide, garantissant que la biomasse est produite de manière durable, quelle que soit son origine géographique. Concrètement, cela signifie que les producteurs de bioénergie doivent prouver qu’ils utilisent la biomasse de forêts gérées de manière durable, en maintenant un puits de carbone et en réalisant des économies considérables en termes d’émission de gaz à effet de serre par rapport aux combustibles fossiles. Il est important de noter que les critères de durabilité de RED II ont été adoptés à l’issue de vastes consultations menées par des groupes de l’industrie et des groupes environnementaux et sur la base de preuves scientifiques, tout en gardant un œil sur la réalité.

D’autre part, la biomasse provenant de forêts d’Europe et des États-Unis est déjà soumise à un large éventail de législations environnementales, tant au niveau de l’UE que des États. Dans ce cadre juridique existant, les stocks de bioénergie et de carbone dans ces forêts augmentent ensemble, comme le montrent sans équivoque les données fournies par la CEE, Eurostat et l’USDA. De plus, la superficie des forêts européennes augmente chaque minute de la taille d’un terrain de football, ce qui ajoute au potentiel de puits de carbone des prochaines décennies.

En appui de tout cela, les producteurs de biomasse ont prouvé depuis plus de 10 ans qu’une combinaison de pratiques forestières modernes, de dynamiques de marché et de programmes de certification spécialisés permettait d’équilibrer les besoins de l’environnement tout en répondant au besoin croissant de la société en énergie décarbonée. Les critères de durabilité nouvellement adoptés dans RED II apporteront des garanties supplémentaires pour maintenir cette relation symbiotique en place.

La phase la plus critique de la mise en œuvre de RED II commence donc maintenant. La Commission européenne doit fournir des orientations pour permettre la clarté au cours de cette phase, les États membres doivent transposer la directive en droit national et les opérateurs économiques doivent mettre en œuvre les critères.

Il y a beaucoup en jeu ici et nous exhortons donc les décideurs et les responsables de la mise en œuvre à ne pas se laisser distraire par des revendications de court terme émanant de sources mal informées. Perdre la bioénergie durable mettrait en péril la capacité de l’UE à respecter les nouveaux objectifs de RED II et ses engagements en vertu de l’Accord de Paris ; cela mettrait en péril des années de travail qui ont propulsé l’UE en tant que chef de file de la lutte contre le changement climatique.

Jean-Marc Jossart, secrétaire général de Bioenergy Europe
Seth Ginther, directeur exécutif à la US Industrial Pellet Association

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3 réponses
  1. Pierre Courtiade dit :

    Bonjour
    Je connais bien cette directive pour avoir travaillé dessus depuis la première version en 2009, puis l’épure de 2017.
    Une action d’aménagement a été demandée par la collectivité de Guyane pour les Région Ultrapériphériques de l’Europe (DOM, etc), car la directive, qui n’avait qu’une vision continentale, allait bloquer tout développement de la biomasse sur ces territoires. Il était par exemple demandé un rendement énergétique qui n’était possible que dans des zones où le chauffage est important… donc pas sous les tropiques !
    Dans les DOM, il vaut tout de même mieux produire de l’électricité avec de la biomasse durable et un rendement électrogène de 25 % plutôt qu’à partir de pétrole avec une rendement de 40 %. La biomasse est l’une des rares ENR à pouvoir se substituer aux services rendus par le thermique fossile.
    Or, selon la loi de transition énergétique, les DOM doivent produire 100 % de leur électricité par des ENR d’ici 2030 et la biomasse a une part importante (30 % du mix en 2030 en Guyane, principalement sur des gisements actuellement abandonnés en forêt ou sur les parcelles agricoles).
    Les critères de durabilité qu’il faut à présent définir pour les biocombustibles, tout comme ils l’ont été après 2009 sur les biocarburants, doivent permettre le développement de cette biomasse, par une production au maximum locale (100 % de local en Guyane, 40 % aux Antilles) tout en évitant le recours à l’importation de pays déforestant à tour de bras et ne respectant pas les milieux riches en biodiversité.
    Cette directive est donc une très bonne chose, pour peu qu’elle n’oublie pas ses régions ultrapériphériques qui sont des terrains privilégiés de développement des ENR, et des exemples à suivre. Ce que développe la Guyane sur la biomasse est novateur et très peu impactant et pourra développer cette filière dans toute l’Amazonie.

  2. Bonjour,
    le propre des lobbies est de travailler dans l’ombre au travers d’organismes ou de personnes paravents, et il est bien difficile de les identifier avec certitude.
    Depuis des années, il y a eu des centaines d’articles ou d’actions de négation du caractère renouvelable de la biomasse durable, une biomasse récoltée sans porter atteinte au patrimoine sur pied, juste en collectant moins que l’accroissement annuel. Bon nombre de ces actions viennent d’Amérique du Nord et sont portées par des scientifiques dont les sources et les motivations sont souvent fort discutables.
    L’un des derniers articles est celui-ci : https://www.euractiv.fr/section/climat/news/eu-dragged-to-court-for-backing-forest-biomass-as-renewable-energy/ et il fait notamment référence à un article « scientifique » paru dans Nature : https://www.nature.com/articles/s41467-018-06175-4
    La plus mémorable des actions provenait de Greenpeace Canada en 2011 : https://www.bioenergie-promotion.fr/17273/quelle-credibilite-pour-la-biomascarade-de-greenpeace/

  3. Pascal Bordeau dit :

    Bonjour, pouvez vous vous être plus clairs sur les « lobbies » en question et leurs arguments ? Cordialement,