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Une coopérative citoyenne porte le réseau de chaleur au bois de Malempré

Article d’Anne-Marie Reggers de la Fondation Rurale de Wallonie, paru dans le Bioénergie International n°41 de janvier-février 2016

Une coopérative citoyenne porte le réseau de chaleur au bois de MalempréMalempré est un village ardennais d’environ 250 habitants. Il est situé dans le nord de la province de Luxembourg en Wallonie, dans une région aux hivers froids et rigoureux. L’habitat y est encore largement traditionnel et composé de fermes en pierre, relativement énergivores. En 2010, dans un contexte de prix élevé des énergies fossiles et de crise agricole, un agriculteur et entrepreneur du village, a décidé de prendre le taureau par les cornes. Son rêve est de tendre vers l’autonomie énergétique de son village tout en valorisant au maximum les ressources locales. Quelques habitants se fédèrent alors autour de lui et fondent « Malempré, la Chaleur d’y Vivre », société coopérative à finalité sociale.

La coopérative comptabilise aujourd’hui huit membres dont un banquier, des techniciens, des administratifs et des agriculteurs, parce que valoriser les ressources locales c’est aussi valoriser les ressources humaines. Cette coopérative gère le financement du projet, le fonctionnement du réseau de chaleur et de sa chaufferie aux plaquettes de bois, l’achat du combustible, la vérification de la qualité des livraisons et la facturation des kWh fournis aux clients du réseau. Son conseil d’administration se réunit environ une fois par mois.

Les données du projet

Quatre ans de persévérance

Quatre années auront été nécessaires pour faire aboutir le projet, depuis les premières réunions avec les habitants jusqu’à la mise à feu. Après une première pré-étude de faisabilité réalisée par la Fondation Rurale de Wallonie, Facilitateur Bois-énergie pour le secteur public, c’est la Société Coretec Engineering qui, selon le principe d’ensemblier-intégrateur, a pris en charge l’étude de faisabilité proprement dite, les études techniques d’exécution, la réalisation du projet et la formation des équipes locales à la maintenance. La gestion financière à livre ouvert a permis à la coopérative un suivi au jour le jour et des modifications du projet en exécution en toute transparence.

Calendrier du projet de Malempré, SCRLFS

Un réseau de 1600 m

Le réseau alimente une quarantaine de bâtiments, soit près de la moitié du village : maisons d’habitation, bâtiments communaux dont l’école, la crèche et l’église, ainsi que des logements de vacances, des fermes, …

Pose du réseau de chaleur devant la chaufferie de Malempré, photo SCRLFS

Une chaudière consommant 1800 m³ de bois déchiqueté par an

La chaufferie a trouvé place dans une ancienne grange communale située au cœur du village. Elle est équipée d’une chaudière à bois Köb Pyrot de 540 kW, d’une chaudière à mazout Viessmann Vitoplex de 720 kW et d’un ballon de stockage thermique de 10 m³. La priorité est bien sûr donnée à la chaudière bois, la chaudière à mazout n’étant là que pour assurer la production de chaleur en cas de secours et d’appoint (panne, entretien, température extérieure inférieure à -15°C…).

Le silo à bois de Malempré, photo CORETEC

Le silo de stockage du combustible de 190 m³ est équipé d’un système de désilage rotatif à plat. La livraison des plaquettes s’effectue par un sas à l’avant du bâtiment, via un convoyeur à raclettes de 120 m³/h. La consommation annuelle en bois est estimée à 1800 MAP (Mètres cubes Apparents de Plaquettes). Cela permet de substituer environ 135 m³ de mazout et d’éviter chaque année le rejet de 366 tonnes de CO2 et 700 kg de SO2.

Un investissement de près d’un million €

Répartition de l’investissement du projet de Malempré

Il aura fallu investir 956 000 € HTVA pour la réalisation de ce projet. Néanmoins, grâce à la réalisation conjointe du remplacement du réseau de distribution d’eau et du réseau de chaleur, la part de l’investissement à consentir pour le réseau de chaleur a été considérablement réduite. Le temps de retour brut sur investissement était d’une dizaine d’années à la date de la décision.

Un réseau sous surveillance

La coopérative « Malempré, la chaleur d’y vivre », grâce au réseau de chaleur, entend garantir l’approvisionnement en énergie du village, en utilisant un combustible renouvelable et disponible à proximité, tout en maîtrisant dans la durée le coût de cette énergie.

La chaufferie de Malempré et sa trémie de livraison, photo CORETEC

Par ailleurs, la Région qui co-finance les projets, souhaite que le bois soit valorisé de façon optimale dans chacune des installations de production énergétique. Cela présuppose une qualité du combustible bois, granulés ou plaquettes, mais aussi une qualité des études de projet, des solutions retenues et des équipements sélectionnés tout comme un suivi rigoureux du fonctionnement des chaufferies, tout au long de leur durée de vie. Les projets doivent viser l’optimum en termes de performances énergétiques, économiques et environnementales en ce compris en regard des financements publics octroyés : €/T CO2 évitée, €/MWh bois produit, …

Malempré, les compteurs de chaleur, photo FRW

La Région a donc confié à la Fondation Rurale de Wallonie, l’accompagnement de la mise en place du suivi de tous les réseaux de chaleur au bois de plus de 200 m de longueur ou de consommation supérieure ou égale à 500 MWh.

Afin de pouvoir assurer ce suivi, différents paramètres sont mesurés de manière périodique et de façon simultanée : l’énergie primaire consommée en bois et mazout ; l’énergie produite par le bois et l’appoint ; l’énergie fournie pour les différents utilisateurs au départ des branches réseau et aux sous-stations. La consommation d’énergie électrique de la chaudière et ses équipements annexes et nécessaire au fonctionnement du réseau est également comptabilisée.

Enfin, pour effectuer un suivi complet, le gestionnaire est tenu de relever différents paramètres liés à la gestion et à la maintenance du projet. Ainsi, le projet de Malempré a-t-il été conçu pour pouvoir être suivi à la loupe.

Sous-station à Malempré, photo CORETEC

Après une première année de suivi qui correspond aussi à la première saison de chauffe (hiver 2014-15) avec mise en service progressive des différentes sous-stations, le suivi permet de tirer un premier bilan et de mettre le doigt sur certains problèmes à solutionner :

  • mesure de rendement insuffisant de la chaudière avec pour conséquence l’adaptation des paramètres de régulation : réduction des durées de cycles de fonctionnement pour travailler à plus haute puissance et optimiser la production ;
  • mesure de l’impact des pertes énergétique des accessoires hydrauliques en chaufferie (vanne, échangeurs,…) avant et après pose des matelas isolant, justifiant la rentabilité de cet investissement ;
  • mesure de pertes de distribution qui ont pu être réduites grâce à de meilleurs réglages et la mise en place de trains de chaleur.

Malempré, l’hydraulique en chaufferie, photo CORETEC

Le gestionnaire a pu aussi calculer la part des kWh produits par le bois (98,5%), les différents rendements (production, distribution) ainsi que le coût vérité du kWh rendu à la sous-station.

Le suivi méthodique et rigoureux de l’installation est donc gage de réussite et de performances, tant économiques qu’environnementales.

Vue en 3D de la chaufferie de Malempré, CORETEC

Vers plus d’autonomie et un approvisionnement local en énergie

Afin de fournir le combustible bois pour la chaufferie à partir de ressources locales, au vu de l’abondance de la ressource sur la commune (plus de 7000 ha de forêts), une seconde coopérative pourrait voir le jour : la Coopérative agricole de Malempré. Elle serait composée d’agriculteurs du village et d’indépendants actifs dans le secteur forestier. L’idée est de proposer aux gestionnaires d’arbres et d’alignements ligneux présents dans l’environnement proche de faire de la prestation de services qui viserait à gérer, exploiter et valoriser, sur le long terme, en circuits courts et rémunérés, les bois issus de la gestion de ces gisements. Ces gestionnaires proches sont la commune de Manhay pour les bords de routes communales, le Service Public de Wallonie pour les bords de routes régionales dont l’autoroute E25, et les agriculteurs partenaires de la coopérative.

Livraison du combustible à Malempré, photo SCRLFS

Sur base des besoins énergétiques locaux en bois-énergie, en concertation avec les gestionnaires habituels, les espaces, surfaces et m³ de bois sur pied (communaux, du Service Public Wallon et des agriculteurs) nécessaires pour satisfaire durablement la demande, seront identifiés. Il s’agira de «blocs» cohérents et suffisamment significatifs pour simplifier les tâches des gestionnaires traditionnels et de celui qui les exploitera. Dans tous les cas, la masse critique concernée et la qualité des gisements primaires doit permettre d’atteindre à la fois la qualité du combustible à produire et la viabilité économique du projet.

La Fondation Rurale de Wallonie, Facilitateur Bois-énergie pour le Secteur Public

La Fondation rurale de Wallonie, accompagne le développement de la filière du bois-énergie depuis le début des années 2000. Sous son impulsion, le gouvernement wallon a initié le Plan Bois-Energie & Développement Rural, mis en œuvre par les Ministres de la Ruralité et de l’Energie.

Les objectifs de ce Plan sont parfaitement illustrés par ce projet de Malempré :

  • Créer des plus-values et des emplois locaux, décentralisés, pérennes et non délocalisables ;
  • Valoriser les sous-produits forestiers ou d’entretien du bocage ainsi que de la première transformation du bois ;
  • Réduire les factures énergétiques ;
  • Contribuer au développement durable… et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La chaudière bois à Malempré, photo CORETEC

Alors que début des années 2000, les installations publiques étaient quasi inexistantes, en 2015, en région wallonne, près de 70 installations publiques sont fonctionnelles. Cela représente une puissance installée de 15 MW (33600 map/an et 1535 tonnes de granulés), soit une économie de 3,5 millions de litres de mazout par an, 10680 tonnes de CO2 et 18 tonnes de SO2 évitées par an. La longueur cumulée des différents réseaux de chaleur dépasse maintenant les 12 km. Un nombre équivalent de projets est à l’étude, avec une part encore plus importante pour les réseaux de chaleur.

Rédactrice : Anne-Marie Reggers, Cellule bois-énergie de la Fédération Rurale de Wallonie – pbe@frw.be – +32 84 219 862 – www.frw.bewww.facebook.com/FondationRuraleWallonie

Voir aussi : www.malempre.be

Maître d’oeuvre : www.coretec.be – gregory.tack@coretec.be


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