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La chaudière à lit fluidisé bouillonnant de la chaufferie biomasse de Saint-Denis

Article paru dans le bioénergie International n°66 de juin 2020

La chaufferie du Fort de l’Est à Saint-Denis avec ses 26,5 MW bois, photo ENGIE ®GREG

Le Syndicat Mixte des Réseaux d’Energie Calorifique gère les réseaux de chaleur des communes de Saint-Denis, Stains, l’Île-Saint-Denis, Pierrefitte et La Courneuve, plus une extension en cours de 9 km sur Aubervilliers qui a rejoint le SMIREC en 2018. Au début des années 2000, les élus ont souhaité augmenter la part d’énergie renouvelable afin de réduire la facture pour les abonnés et de répondre aux politiques environnementales des communes adhérentes.

Le lit fluidisé de la chaudière biomasse du Fort de l’Est avec à droite les volutes de sable, photo Bassir SUFYAR, ENGIE Solutions

Après la mise en place d’une première chaufferie à bois de 16 MW en 2011 à Stains, ils ont souhaité porter le mix au-delà des 50 % d’EnR&R pour faire bénéficier les abonnés du taux réduit de TVA. En 2014, à l’occasion du renouvellement de la Délégation de Service Public pour 25 ans, les élus ont missionné le délégataire Plaine Commune Énergie, filiale d’ENGIE Solutions, pour construire une deuxième chaufferie bois située à la chaufferie de Fort de l’Est à Saint-Denis. Avec la mise en service de cette chaudière de 26,5 MW en octobre 2016, le mix énergétique du réseau Plaine Commune Energie a atteint les 53 % d’énergies renouvelables, le reste provenant à 42 % du gaz et à 5 % de la vapeur du réseau CPCU.

Le troisième plus grand réseau de chaleur de France

Créé en 1957 par la Société de Chaleur de Saint-Denis, le réseau alimente aujourd’hui l’équivalent de 40 000 logements. Avec 70 km de canalisations et plus de 600 sous-stations d’ici à 2024, c’est le troisième plus grand réseau de France après ceux de Paris et Grenoble.

Depuis sa création, le réseau n’a eu de cesse de s’adapter aux besoins en utilisant successivement le charbon, le fioul, le gaz naturel et aujourd’hui les énergies renouvelables comme la géothermie, le bois, le biogaz et bientôt la géothermie.

Le réseau est alimenté par cinq chaufferies à flammes : une à Stains avec ses 16 MW bois et quatre à Saint-Denis : Fabien, Urbaparc, le Landy et Fort de l’Est. Notons que la chaufferie d’Urbaparc brûle du méthane avec garantie d’origine bio dans une chaudière de 2,67 MW. Nous citerons aussi la chaudière à biométhane de 8 MW qui a été installée afin de garantir l’approvisionnement en énergie renouvelable pour le secteur de Saint-Denis Confluence à l’ouest du centre-ville.

Livraison de bois à la chaufferie bois du Fort de l’Est, avec au centre le silo à cendres, photo Frédéric Douard

Dans le cadre de la DSP de 2014, l’installation de la nouvelle chaufferie biomasse s’accompagne d’extensions mais aussi de la réalisation d’une connexion entre les deux réseaux de chaleur existants au nord et au sud de la ville, le tout dans le but d’utiliser le plus possible les sources renouvelables.

Le réseau, toutes chaufferies confondues, délivre un total de 350 GWh/an, sachant que des extensions à hauteur de 50 GWh sont envisagées à moyen terme. La production est assurée par avec un parc d’équipements totalisant 175 MW, même si la puissance maximale appelée n’excède pas les 140 MW en plein hiver. Le talon de la courbe de chauffage est assuré par la chaufferie bois de Stains, qui fonctionne 8000 heures par an. Ensuite la couverture est assurée par la chaufferie bois de Fort de l’est, qui grossièrement fonctionne de septembre à mai. Le reste est assuré par le gaz et la vapeur de la CPCU.

Le silo à bois de la chaufferie du Fort de l’Est avec son convoyeur de remplissage à gauche et d’alimentation chaudière à droite, photo Frédéric Douard

Avec environ ses 3000 m³ d’eau dans les canalisations et ses nombreuses chaudières, le réseau ne possède pas de ballon de stockage d’eau, aussi le pic du matin, ici à 6h10, est anticipé et absorbé par une simple montée en température du réseau de 4 à 5 °C dès 4 heures du matin. Le régime des températures va de 100 °C l’été à 150 °C au plus fort de l’hiver pour le départ, et 70 °C pour le retour.

La chaufferie de Fort de l’Est

Située à Saint-Denis dans le quartier du Franc-Moisin, la chaufferie de Fort de l’Est est en service depuis 1963. Elle a fonctionné au départ avec du charbon et du fioul lourd, puis s’est convertie au gaz naturel. Une turbine de cogénération fonctionnant au gaz naturel y a été installée en 2001, avant d’être démantelée pour permettre la construction, en 2016, de la chaufferie biomasse.

Le convoyeur à bois en sortie de silo vers la chaufferie avec à droite le filtre à manches, photo Frédéric Douard

L’une des premières difficultés de cette modification, fut la faible surface disponible, un critère qui a lourdement influencé le choix d’une chaudière de type vertical. La chaudière de Fort de l’Est, qui utilise la technologie du lit fluidisé bouillonnant, n’a en effet qu’une emprise au sol de très réduite.

La vis d’extraction du silo à bois de la chaufferie du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

Pour maîtriser ses émissions atmosphériques, la chaudière, située en pleine zone d’habitations, est équipée d’un filtre à manches pour piéger les particules fines et d’un système DéNOx SNCR fonctionnant avec de l’ammoniaque à 20 % de NH3 pour réduire les oxydes d’azote. Les valeurs limites d’émissions sont de 15 mg/Nm³ de poussières à 6 % d’O2 et de 250 pour les NOx.

Après la combustion du bois, les cendres sous foyer sont récupérées en voie humide dans deux bennes et dirigées vers une valorisation en co-compostage. Les cendres captées par le filtre sont récupérées sèches, transférées pneumatiquement dans un silo vertical avant transport vers un centre d’enfouissement.

Le système de refoulement des cendres vers le silo aérien de la chaufferie bois du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

D’une puissance totale de 61,5 MW, la chaufferie biomasse du Fort de l’Est fonctionne de septembre à mai en eau surchauffée à 16 bar avec auto-contrôle de 72 heures. L’appoint/secours est assuré par des chaudières gaz. Le fonctionnement de la chaufferie est assuré par équipes travaillant en 3 × 8 heures la semaine.

Une chaufferie avec vue sur le stade de France, photo Frédéric Douard

Quarante millions d’euros ont été nécessaires pour l’ensemble des travaux de transition.

La technologie du lit fluidisé bouillonnant

Cette technologie consiste à introduire le combustible dans un lit de sable à haute capacité calorifique chauffé à au moins 850 °C et mis en suspension. Sous la pression de l’air à haute pression, le sable chaud bouillonne comme un liquide.

Les deux vis d’introduction du bois dans la chaudière de la chaufferie du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

La flamme au dessus du lit fluidisé bouillonnant de la chaudière bois du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

Cet environnement chaud et uniformément rayonnant permet notamment l’utilisation de combustibles dépassant les 50 % d’humidité. Le brassage du lit garantit en effet un excellent échange de chaleur offert par le sable en suspension, ce qui permet un séchage et une gazéification rapide et efficace du bois. Il permet aussi un excellent échange entre les gaz du bois et l’air comburant, le tout engendrant très logiquement un rendement supérieur à celui des chaudières à grille, pouvant aller assez facilement jusque 94 % sur PCI.
Par ailleurs, ce type de foyer permet de maintenir facilement des températures maîtrisées, ne crée pas de points chauds ou suroxygénés, et la production d’oxyde d’azote est naturellement inférieure à celle des chaudières à grille.

Grâce à la combustion sur lit, et donc sans grille, on peut également consommer des combustibles plus riches en minéraux que les plaquettes forestières ou le broyat de palettes tels que les souches broyées ou la fraction ligneuse des déchets verts, l’excédent de minéraux dans le lit étant purgé en permanence à la base du lit.

Les deux points de chute du bois dans la chaudière à lit fluidisé de la chaufferie du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

Cette technologie permet ainsi de pouvoir utiliser une biomasse assez variée avec comme contrainte de ne pas dépasser une granulométrie de 10 cm afin que le combustible puisse « voler » dans le lit ! De ce fait, le mix combustible peut aisément évoluer en fonction des disponibilités et/ou de la conjoncture économique.

Le silo à sable de la chaudière à lit fluidisé de la chaufferie du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

Mais la qualité la plus remarquable des foyers à lit fluidisé est leur grande flexibilité. Là où une chaudière à grille a forcement une inertie importante en puissance et en temps de réaction, de par la masse de combustible présente sur sa grille, le lit fluidisé n’a que très peu d’inertie. Il peut donc démarrer rapidement, s’arrêter aussi vite et moduler en puissance avec souplesse et précision. Et même après douze heures d’arrêt, un redémarrage rapide est possible sans assistance thermique, avec une remontée en puissance de 7 % par minute, soit moins d’un quart d’heure pour retrouver la puissance nominale ! La puissance minimale de la chaudière est de moins de 20 %, ceci dépendant de l’humidité du combustible injecté.

Autre avantage de la très faible inertie, c’est qu’en cas de panne de courant, il n’y a pas besoin d’alimentation électrique de secours, tout s’interrompant sans dommage.

Du côté des coûts de maintenance, l’absence de pièces mobiles à l’intérieur de la chaudière est bien entendu un atout.

En résumé, la technologie du lit fluidisé, si elle peut impressionner au premier abord, est simple à piloter, voire plaisante, et avec désormais presque 100 ans d’histoire, elle est parfaitement sûre et fiable.

L’approvisionnement en bois

La chaufferie de Fort de l’Est est alimentée actuellement par 40 000 tonnes de bois par an (33 000 à Stains), cette quantité étant en évolution permanente, le réseau évoluant sans cesse. Il s’agit pour 70 % de plaquettes forestières et pour 30 % de broyât de palettes, le tout originaire d’Île-de-France et des régions limitrophes. Cet approvisionnement est assuré par SOVEN, la filiale spécialisée d’ENGIE, à partir notamment de la plateforme Valobois située à Montereau-Fault-Yonne en Seine-et-Marne.

Déchiquetage en forêt, photo Soven

Le bois est livré en semi-remorques à fond mouvant dans deux trémies de dépotage, elles-mêmes à fond mouvant. Une seule d’entre elles permet d’évacuer 100 mètres cubes de combustibles vers le silo en vingt minutes, via un convoyeur à bande, ce qui oblige à programmer très précisément les arrivées de camions, une quarantaine par jour en hiver.

L’une des trémies de déchargement du bois à la chaufferie bois du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

L’autonomie du stockage de bois sur place est de 3 500 m³, ce qui représente trois jours de consommation à pleine puissance. Avant l’arrivée au bâtiment-silo, le bois passe dans un crible à disques qui permet d’évacuer à la fois les cailloux et les morceaux de bois de plus de 10 cm. Ensuite, le bois est extrait du silo par une vis tubée de la largeur du bâtiment et qui translate sur le fond du bâtiment, ramenant le produit sur un deuxième convoyeur à bande en direction de la chaufferie.

La cuve d’ammoniaque pour le traitement des NOx de la chaudière bois du Fort de l’Est, photo Frédéric Douard

Ce type de vis, enfermée dans un tube pour limiter la surface de frottement, avec des ouvertures pour collecter le produit, évite la plupart des problèmes de blocage et de casse. Avec une surface de brassage inférieure aux vis classiques, elles nécessitent moins de couple au démarrage et donc des moteurs moins puissants, et consomment moins d’électricité.

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Saint-Denis


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