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La commune de Wallers-en-Fagne marie chauffage bois et pierre de taille

Article paru dans le magazine Bioénergie International n°57 de novembre 2018

La chaufferie communale de Wallers-en-Fagne avec ses inclusions de pierre bleue dans le bardage, photo Frédéric Douard

Wallers-en-Fagne est une jolie commune rurale de 300 habitants située dans le bocage de l’Avesnois à l’Est du département du Nord. Voisine de la renommée ville de Chimay en Wallonie, la commune est elle aussi renommée pour son activité autour de la pierre bleue des Ardennes. Ce village, qui possède un Centre Artisanal de la Pierre Bleue, affirme également son identité au travers de son adhésion au réseau des territoires à énergie positive et s’affiche fièrement comme Écovillage de la Pierre depuis qu’il a inauguré fin 2017 son réseau de chaleur au bois.

Un projet en harmonie avec le contexte naturel et historique local

Wallers-en-Fagne se trouve sur le territoire de l’ancienne et immense forêt charbonnière des Ardennes. Ancien territoire des Pays-Bas, rattaché à la France en 1678, elle conserve intact un style architectural propre à la Fagne wallonne et au Hainaut belge, avec son mélange de pierre bleue, de brique rouge et d’ardoise gris-bleutée.

Wallers-en-Fagne, écovillage de la pierre bleue, photo Frédéric Douard

Vers 1875, plus de 70 familles du village vivaient de l’extraction et du travail de la pierre bleue, un calcaire très dur de qualité marbrière. Et l’hiver, ces gens travaillaient en forêt pour exploiter le bois qui servait notamment à produire le charbon de bois pour les fours à chaux et les forges locales. Le sol de la commune détient en effet aussi du minerai de fer, mais cette activité forestière s’est brutalement effondrée à la fin du 19e siècle suite à la construction du chemin de fer Calais-Bâle passant à proximité et qui a inondé l’industrie locale de charbon de terre.

Aujourd’hui l’artisanat de la pierre a considérablement diminué avec seulement deux ateliers de taille décorative mais l’activité de la pierre emploie toujours plus de 80 salariés sur la commune pour la production de granulats pour les routes et le béton, près de deux millions de tonnes par an.

Un projet de développement durable

Quatre bâtiments communaux (mairie, école maternelle, école primaire, médiathèque et salle polyvalente) étaient jusque-là chauffés à l’électricité, au fioul et au gaz propane, trois énergies chères et non-renouvelables, même si l’électricité française l’est partiellement (18,4 % en 2017). La commune souhaitant consommer renouvelable et local, mais souhaitait aussi encourager l’entretien du bocage environnant par utilisation de plaquette bocagère. Elle a ainsi contacté le Parc Naturel Régional de l’Avesnois basé à Maroilles et qui a réalisé une étude de faisabilité.

La commune de Wallers-en-Fagne s’est voulue territoire à énergie positive, photo Frédéric Douard

La municipalité, et son maire, Bernard Navarre, connaissaient déjà le principe et les avantages du chauffage automatique au bois car deux chaudières Hargassner avaient déjà été installées sur la commune : l’une en 2008 pour un logement communal et l’autre en 2010 pour deux gîtes intercommunaux, des chaudières aujourd’hui entretenues par les Ets Willy Ferrier, chauffagiste à Limont-Fontaine. Par ailleurs, autour du village, des agriculteurs du bocage se sont équipés pour utiliser leur bois.

Intervention de maintenance du chauffagiste sur la chaudière à bois HARGASSNER du gîte communal, photo Frédéric Douard

L’étude a débouché sur la faisabilité d’une chaufferie centrale de 140 kW reliant les quatre bâtiments par trois branches de réseau de chaleur isolé et enterré sur une distance totale de 600 m.

L’étude a aussi montré une économie d’exploitation de 50 % par rapport à la situation initiale, et avec les aides que la municipalité a pu mobiliser (183 k€ sur 245 HT) le temps de retour brut sur investissement n’est que de cinq ans.

Seul bâtiment récent du patrimoine communal, la salle polyvalente et cantine est néanmoins vêtue de brique, pierre bleu et ardoise comme tous les bâtiments de la commune, photo Frédéric Douard

Les travaux ont débuté en juin 2017 pour s’achever en novembre. La chaufferie est constituée de deux pièces maçonnées et accolées, l’une contenant les chaudières et l’hydraulique primaire, et l’autre le silo à bois.

Une chaufferie 100 % bois avec cascade de chaudières

Les deux chaudières HARGASSNER de 70 kW en cascade, photo Frédéric Douard

La chaufferie est équipée de deux chaudières Hargassner de 70 kW en cascade. Le fait d’avoir choisi deux chaudières de mi-puissance au lieu d’une seule plus grosse a de multiples avantages. D’abord, la combinaison de plusieurs générateurs permet de répondre de manière proportionnée aux besoins sans gaspillage de moyens. Ensuite, durant les périodes de faible besoin, la chaudière sollicitée, qui n’est donc pas surdimensionnée, fonctionne dans de bonnes conditions. En jouant successivement sur les deux chaudières, celles-ci vont s’user globalement moins vite. Enfin, doubler le nombre de générateurs divise par deux le risque de rupture de service en cas de panne.

La trémie de remplissage HARGASSNER avec vis verticale, photo Frédéric Douard

La proposition des Ets Ferrier, le chauffagiste retenu pour l’opération, a été faite avec le modèle EcoHK de Hargassner. Ce sont des chaudières mixtes pouvant utiliser, moyennant un simple changement de réglage, plusieurs types de biomasses (plaquette, granulé, miscanthus…) ce qui donne une grande souplesse d’approvisionnement au client qui va utiliser l’équipement pendant 25 ans ou plus, et qui ne connaît pas à l’avance l’évolution du marché et ses éventuelles opportunités.

Ces chaudières du renommé constructeur autrichien répondent de plus d’ores et déjà aux réglementations et normes d’émissions atmosphériques les plus sévères telles qu’elles sont déjà appliquées en Autriche ou en Suisse, ce qui veut dire que le client est déjà paré pour les futures évolutions de réglementation.

Pour garantir ces niveaux d’émissions très bas (20 mg/Nm³ à 11 % d’O2 sans filtre), ces chaudières utilisent, outre un foyer optimisé mais aussi un contrôle continu de la combustion par sonde à oxygène, ce qui leur confère un rendement supérieur à 90 %.

L’application HARGASSNER permet de suivre et piloter la chaufferie à distance, photo F. Douard

Pour leur entretien, hormis un nettoyage annuel, les chaudières EcoHK se décendrent automatiquement par grilles rotatives. L’échangeur et les trois parcours de fumée sont nettoyés automatiquement par des turbulateurs verticaux. La seule intervention manuelle est le vidage du cendrier une fois par mois en hiver, une opération qui prend plusieurs minutes.

Le pilotage de la distribution de chaleur dans les différents bâtiments est réalisé, grâce à l’application Hargassner, sur le téléphone portable de Bernard Navarre qui peut à tout instant savoir où en sont les chaudières et les températures de tous les bâtiments, et intervenir sur les réglages de température.

Enfin, les consommations de bois et d’électricité sont en permanence optimisées, car les chaudières ne fonctionnent que lorsque le besoin existe. Le reste du temps elles sont éteintes et se rallument automatiquement en quelques minutes en cas de demande de chaleur. La consommation électrique annuelle de l’EcoHK ne dépasse pas celle d’une ampoule de 40 W !

La gestion du combustible

Micro-caméra pour surveiller le niveau du silo à bois à la chaufferie communale de Wallers-en-Fagne, photo Frédéric Douard

La consommation est de 150 m³ de plaquettes bocagères par an. Elles sont fournies par des herbagers des environs qui valorisent ainsi leurs haies et préservent leur bocage, un milieu où la biodiversité est exceptionnelle. La quantité consommée annuellement par la chaufferie correspond à la production de 7,2 km de haie haute en rotation sur 15 ans.

Le bois est livré en moyenne cinq fois par an par tracteur agricole ou camion. Il est déversé dans une trémie Hargassner équipée d’une vis verticale qui remplit un silo vertical de 80 m³ dont on peut surveiller le niveau avec une micro-caméra.

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Wallers-en-Fagne