La brasserie Goudale s’associe à Agriopale pour valoriser ses eaux usées en biométhane
Article paru dans le Bioénergie International n°95 de février 2025

La brasserie Goudale à Arques photo Goudale
La Brasserie Goudale est l’héritière de la Grande Brasserie des Enfants de Gayant créée en 1919 à Douai dans le département du Nord. Cette entreprise familiale réalise aujourd’hui 200 millions € de chiffre d’affaires par an et emploie 180 collaborateurs. Elle est la plus importante brasserie française de bières de spécialités et en produit deux millions d’hectolitres par an. Cette production est réalisée dans une usine ultra moderne construite en 2017 à Arques dans l’Audomarois, un espace naturel exceptionnel de zones humides situé autour de la ville de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, au sein du Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale. La ville d’Arques est également mondialement connue pour la Verrerie et Cristallerie d’Arques, leader mondial des verres de table, implantée dans la ville depuis 1825, il y a exactement deux siècles.
Une politique entrepreneuriale responsable
Dans sa gouvernance, l’entreprise est très attachée à des valeurs ancrées dans le tissu industriel nordiste : pas de réussite sans travail, promotion interne au mérite, intéressement aux résultats, réactivité et aussi bien sûr convivialité, parole de ch’ti. Ses résultats d’exploitation sont intégralement réinvestis dans l’entreprise, ce qui est une grande source de motivation pour les collaborateurs.

L’usine Goudale avec ses silos à grains et ses cuves à bière, photo Frédéric Douard
La Brasserie est également engagée au niveau environnemental avec une maîtrise rigoureuse de ses consommations d’énergie et d’eau. Elle est aussi totalement autonome en gaz carbonique. Le dioxyde de carbone de la fermentation des bières est en effet capté, stocké sous forme liquide et réutilisé dans la saturation des bouteilles au conditionnement. De ce fait la brasserie n’achète pas de CO₂ industriel et n’utilise que son propre CO₂ biogénique ou bioCO₂. Et pour continuer dans les gaz verts, l’entreprise épure ses eaux usées en produisant du biogaz en amont de sa station d’épuration.
Un traitement des eaux usées par méthanisation
Pour l’épuration des eaux usées de sa nouvelle usine, de par le volume à traiter, la brasserie n’a pas pu avoir recours à la station d’épuration municipale. Elle a donc fait appel à la société Pantarein, spécialiste de l’épuration des eaux en Belgique toute proche, pour la construction de sa propre station d’épuration. Les eaux usées sont ici des eaux de lavage des installations et contiennent moins de 1 % de matière sèche, mais de la bonne matière : des sucres et de l’alcool. La société Pantarein a proposé un traitement en trois étapes : tamisage, digestion anaérobie et filtration membranaire. Cette solution a été retenue par la brasserie car économe en électricité, trois fois moins qu’un traitement par aération, qui de surcroît ne récupère pas de biogaz. L’inconvénient est que le processus n’élimine pas les nutriments, ni tous les composés organiques. Par conséquent, une épuration aérobie ultérieure reste nécessaire.

La station d’épuration Goudale, photo Goudale
Mais à peine un an après le démarrage de l’installation, la capacité de brassage de l’usine a doublé et le traitement de l’eau a dû être étendu en conséquence pour un volume quotidien de presque 1000 m³ et qui est stocké dans une cuve tampon de tampon 2000 m³. Les installations ont dû être doublées, et une filtration membranaire a été ajoutée à la phase aérobie, ce qui a permis de doubler la capacité sans nécessiter de bassin supplémentaire. L’ensemble des deux séries d’investissements se monte à 6 M€.
Le prétraitement
Les eaux usées sont collectées dans un puits de pompage et transférées vers les deux tamis rotatifs et deux clarificateurs primaires. Avec une maille de 1 mm, les tamis vont ôter les particules solides qui sont récupérées dans un bac collecteur. Les clarificateurs primaires vont ensuite assurer la séparation des matières en suspension, les matières solides accumulées dans leurs fonds étant évacuées vers un bassin pour les boues.

Bassin clarificateur des eaux,, photo Frédéric Douard
Les eaux usées s’écoulent quant à elles par le haut des clarificateurs vers deux bassins tampons de 1600 m³, équipés d’un agitateur permettant de régulariser la composition du liquide. Le pH dans les bassins est mesuré en continu afin de pouvoir intervenir si nécessaire. Les bassins sont couverts et ventilés pour éviter l’émission d’odeurs. L’air évacué est traité dans le bioréacteur aérobie.
Le traitement anaérobie
Les eaux clarifiées sont transférées vers deux bassins de conditionnement de 45 m³ où elles subissent un réchauffage si nécessaire. Les bassins sont équipés d’un dispositif de mesure de pH et d’une pompe doseuse d’acide chlorhydrique pour l’ajustement. Les eaux conditionnées sont alors envoyées dans deux réacteurs UASB de 1080 m³ chacun via un système de vannes et de conduites de distribution disposées sur le fond de chaque réacteur.
Les réacteurs UASB, pour Upflow Anaerobic Sludge Blanket digestion, ou « technologie de la couche de boue granuleuse anaérobie à flux ascendant », sont des digesteurs relativement simples dans lesquels on trouve un lit de boue composé de micro-organismes anaérobies en granules ou flocs de moins de deux millimètres de diamètre. L’effluent à traiter est réparti de façon homogène au fond du réacteur par les tuyaux de distribution et remonte en traversant le lit de boue mise en suspension par le flux de liquide. Les granules sont obtenus par floculation de la boue microbienne, qui de par leur masse résistent au flux ascendant. La méthanogenèse y est très rapide, durant à un deux jours en moyenne, et fait tomber de manière efficace de 90 % le taux de charge organique. Le gaz est collecté dans la partie supérieure du réacteur.

Les installations de traitement des eaux usées de la brasserie Goudale, photo Frédéric Douard
Dans un réacteur à flux ascendant, plusieurs séparateurs triphasiques successifs (solide, liquide, gaz) garantissent une séparation idéale entre les boues, l’eau et le biogaz. Grâce à des taux de préacidification, de circulation et de remontée finement ajustés, le réacteur crée une grande masse de boues granuleuses et donc une production optimale de biogaz.
La vitesse d’ascension dans les réacteurs est lente, de l’ordre d’un demi-mètre par heure. Les matières solides qui atteignent le haut du réacteur repartent vers le bas sous l’action du flux. Les flocs bactériens restent dans les réacteurs et l’effluent clarifié est pompé en partie haute et dirigé vers le bioréacteur aérobie.
Le traitement aérobie
Le traitement aérobie est composé d’un seul bioréacteur de 1059 m³, converti en un bioréacteur à membrane (BRM) depuis mars 2019 au moment de l’agrandissement de l’installation. Le BRM est un système membranaire d’ultrafiltration qui permet de séparer les boues floculées des eaux traitées. De ce fait, la capacité du réacteur a été doublée puisque ce système permet de fonctionner à des concentrations de boues plus élevées. Ce réacteur est donc doté de deux unités BRM identiques, disposées en parallèle. La technologie des bioréacteurs à membranes est une solution économe en énergie et qui permet de maximiser la récupération des matières.

Média utilsé dans les réacteurs pour fixer les colonies bactériennes, photo Frédéric Douard
La matière organique résiduelle, l’excès d’azote et une partie du phosphore sont éliminés dans le bioréacteur par l’action de différents dispositifs chimique et mécaniques qu’il n’est pas utile de détailler ici. En sortie du réacteur aérobie, un clarificateur secondaire et deux filtres à sable présents initialement restent opérationnels afin de fournir une capacité hydraulique supplémentaire ou si l’une des filtrations membranaires n’est pas opérationnelle. L’eau épurée, sortant des MBR et des filtres à sable, arrive ensuite dans un bassin d’effluent de 10 m³ et cette eau est utilisée comme eau de lavage pour nettoyer les filtres à sable, les tamis, les centrifugeuses et d’autres équipements. Le nettoyage de la filtration membranaire s’effectue quant à elle à l’acide citrique, à l’hypochlorite de soude et à l’hydroxyde de sodium.
Les eaux traitées s’écoulent enfin par gravité via le trop-plein du bassin d’effluents vers le milieu naturel. À la sortie du bassin d’effluents sont réalisées régulièrement des mesures de phosphates, nitrates, d’ammonium, de débit, de température et de pH.

Les bennes d’évacuation des boues centrifugées, photo Frédéric Douard
Les boues sédimentées sont recirculées en majeure partie vers le compartiment interne du bioréacteur. Mais afin de maintenir une concentration constante des boues dans le bioréacteur, le surplus de boue est évacué à intervalles réguliers et transféré vers un bassin de boue de 120 m³. De là, la boue est envoyée vers deux centrifugeuses avec injection de polymère, stockée dans deux bennes puis évacuée vers une filière compostage. Le filtrat est évacué vers le bioréacteur et la boucle est bouclée.

Les deux centrifugeuses de boue, photo Frédéric Douard
La valorisation du biogaz en biométhane par Agriopale
Agriopale est une entreprise fondée en 1999 par six agriculteurs de la Côte d’Opale souhaitant ramener de la matière organique sur leurs terres. D’abord spécialisée dans la valorisation des sous-produits de l’industrie agroalimentaire, des déchets verts et des boues de stations d’épuration pour la production de composts agricoles, ce qu’elle réalise sur onze plateformes dans les Hauts-de-France, ses activités ont ensuite évolué vers le bois-énergie avec la production de bois déchiqueté, de bois de chauffage et de bûches densifiées. Elle a également acquis un savoir-faire dans la méthanisation et exploite à ce jour neuf sites en partenariat avec d’autres agriculteurs ; les déchets organiques agricoles et agroalimentaires y sont valorisés en digestat sur les terres des associés et en biométhane injecté dans le réseau.

Gazomètre tampon pour le biogaz à la brasserie Goudale, photo Frédéric Douard
En 2019, alors qu’elle était en train de monter son unité de méthanisation de Quelmes, à 15 km d’Arques, Agriopale était à la recherche de matières et a contacté la brasserie Goudale. Elle y a découvert que l’établissement produisait du biogaz mais ne le valorisait pas encore. Proposition a été faite par Agriopale de s’en occuper et un contrat de 15 ans a été conclu pour le rachat du biogaz.

La filtration membranaire du biométhane, photo Frédéric Douard

La désulfuration du biogaz, photo Frédéric Douard
Depuis le 22 juin 2020, Agriopale fait donc son affaire de l’épuration et de l’injection du biométhane, à raison de 80 Nm³/h. Le biogaz est acheté brut à la brasserie sur la base du nombre de Nm³ de biométhane injectés correspondants, sachant qu’ici, le taux de méthane tourne autour des 70 %, les résidus de sucre et d’alcool étant très méthanogènes ! Il est donc séché et désulfuré avant de rejoindre le module de purification à technologie membranaire, puis injecté dans le réseau GRDF.
Contacts :
- La brasserie : 03 66 10 01 60 – www.brasserie-goudale.com
- Agriopale : 03 21 90 11 11 – contact@agriopale.fr – www.agriopale.fr
- Les méthaniseurs UASB : www.pantareinwater.be
- Le bioréacteur BRM : www.alfalaval.fr
- La désulfuration du biogaz : www.desotec.com
- La purification membranaire du biométhane : www.pentair.eu
Frédéric Douard, en reportage à Arques
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