La qualité de l’air dans l’environnement proche des unités de méthanisation
La filière méthanisation est en plein essor en France. Elle se structure fortement, dynamisée par les objectifs nationaux en matière de transition énergétique. L’expansion de la filière suscite néanmoins des interrogations d’ordre scientifique notamment concernant la (mé)connaissance des impacts sur l’atmosphère au niveau du digesteur (fuites de méthane) et de l’épandage (émissions de NH3 et de N2O) ; et dans certains cas, une réserve, des inquiétudes voire de l’hostilité de riverains et de collectifs par rapport à des paramètres plus locaux (odeurs, bruit, risques, préjudices). Cette perception peut être avérée ou supposée. Dans ce contexte, l’association Air Pays de la Loire a mis en place une étude pilote dans l’environnement d’unités de méthanisation de la région.
Les objectifs visés par cette étude sont multiples : consolider le socle des connaissances et des expériences sur ce sujet par la mise en place d’une évaluation normalisée ; à partir de cette approche, répondre aux questionnements des acteurs de la filière et du grand public et contribuer à objectiver le débat ; et en fonction des résultats obtenus, fournir des conseils techniques aux exploitants des unités investiguées.
Des méthodes normalisées et standardisées
La qualité de l’air prise en compte dans le projet d’Etude Pilote d’Investigation de la QUalitÉ de l’air de la Filière Méthanisation (EPIQUE-FM) couvre deux champs d’investigation : d’une part les nuisances olfactives, et d’autre part le suivi des concentrations atmosphériques de trois indicateurs spécifiques de l’activité de méthanisation : le méthane (CH4), le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3), les deux derniers étant également des composés odorants.
La première unité investiguée dans le cadre de cette étude pilote est AgriBioMéthane située à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée. Cette unité de méthanisation produit, depuis 2014, du biogaz qui est injecté dans le réseau de gaz de ville de la commune. Pour déterminer l’influence odorante du site, la méthode du Langage des Nez® a été utilisée lors des deux journées d’investigations, le 6 et 7 juillet 2021. Il s’agit d’une méthode standardisée de suivi olfactif reposant sur une structuration de l’espace odorant et l’utilisation d’une collection organisée de référents odorants objectifs.
Pour le suivi des concentrations atmosphériques, Air Pays de la Loire a installé, à Mortagne-sur-Sèvre, un laboratoire mobile équipé d’analyseurs automatiques pour le sulfure d’hydrogène (H2S) et le méthane (CH4), entre le 9 juillet et le 11 août 2021. Ces analyseurs prélèvent en permanence l’air extérieur et quantifient les concentrations en polluants sur un pas de temps de 15 minutes. Les niveaux moyens d’ammoniac (NH3), quant à eux, sont évalués par tubes à diffusion passive, entre le 22 juillet et le 5 août 2021. Cette méthode de prélèvement permet d’obtenir la moyenne des concentrations par semaine.
Une influence ponctuelle dans l’environnement
Au sein d’AgriBioMéthane, les secteurs ayant des intensités olfactives faibles sont le digesteur et post digesteur et la poche de digestat liquide du fait de leur couverture. A l’inverse, les secteurs de stockage et de gestion des intrants (ateliers, stockage sec, fosse tampon et fosse à graisse extérieure) ont des intensités fortes.
L’analyse olfactive a mis en avant quatre notes caractéristiques de la méthanisation : l’acide volatil, l’isobutylamine, le scatol et l’ammoniac. Il s’agit d’un résultat important pour l’étude pilote EPIQUE-FM puisqu’il permet de structurer le référentiel méthanisation du Langage des Nez® qui sera exploité pour les autres unités investiguées.
Dans l’environnement du site, les investigations ont mis en évidence qu’à 150 mètres de distance les intensités reviennent à un niveau faible ; elles ne sont quasiment plus perceptibles à une distance de 700 mètres.
Les concentrations des indicateurs dans l’air mesurées montrent une influence ponctuelle d’AgriBioMéthane sur les niveaux extérieurs de méthane et de sulfure d’hydrogène. Pour les niveaux d’ammoniac, une influence directe est mise en évidence en limite de propriété et potentiellement au niveau des premières habitations. Les seuils sanitaires de référence sont largement respectés.
Au regard de ces éléments, et pour améliorer la gestion de la qualité de l’air au niveau de l’unité de méthanisation, des premières préconisations sont proposées : minimiser les durées de stockage des matières odorantes, optimiser la fermeture des portes des ateliers lors de la réception d’intrants, limiter l’ouverture de la trappe de la fosse tampon et répartir les flux arrivant au bio-filtre sur l’ensemble de sa surface pour en optimiser l’efficacité.
>> Voir l’ensemble des résultats en téléchargeant le rapport d’étude
Frédéric Douard
Voir également les articles du magazine Bioénergie International sur l’unité AgriBioMéthane située à Mortagne-sur-Sèvre :
- AgriBioMéthane produit du gaz renouvelable à partir d’effluents d’élevage
- AgriBioMéthane, site d’injection à Mortagne-sur-Sèvre en Vendée
- Les plus belles histoires du biométhane pour véhicules en Pays de la Loire