Chantal Eyméoud, maire d’Embrun, engagée pour le bois-énergie depuis 20 ans
Article paru dans le Bioénergie International n°69 de novembre 2020
En 2020, le département des Hautes-Alpes, 140 000 habitants, comptait plus de 120 chaufferies à bois en fonctionnement, soit plus du tiers des installations de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette dynamique, lancée en 2001, doit beaucoup à Chantal Eyméoud, maire d’Embrun depuis cette date. Sa volonté, sa longévité politique et l’éventail de ses responsabilités, présidente de la Communauté de Communes de Serre-Ponçon et vice-présidente de la Région PACA, figurent parmi les clés de la réussite de la politique bois-énergie dans cette partie des Alpes du Sud.
Entretien accordé par Chantal Eyméoud au magazine Bioénergie International
Quelles motivations aviez-vous au départ pour ces projets de bois-énergie ?
De formation, je suis docteur en sciences économiques, donc l’économie est pour moi un pilier central de ma politique. À côté de cela, je suis aussi très sensible à l’environnement. J’ai donc marié les deux dans une vision qui pour moi avait du sens déjà il y a vingt ans. Comme je suis très déterminée, je m’y suis tenu durant toutes ces années et vous pouvez aujourd’hui voir les résultats. Et en tant que représentante d’une collectivité locale, mon action se devait exemplaire si je voulais emporter l’adhésion et notamment celle du monde économique.
Avec qui conduisez-vous ce projet ?
Le conseil municipal, les services de la mairie et moi n’avons bien entendu pas travaillé seuls. L’ADEME, la Région et le Département ont chacun selon leur calendrier apporté et apportent encore leur soutien.
Nous devons aussi remercier les opérateurs de terrain, ceux qui ont organisé les choses dans les détails, des détails qui comme chacun sait peuvent être déterminants et qu’il convient donc de traiter avec beaucoup d’attention et d’exigence : ceci est vrai pour la qualité du bois et son origine, pour la conception des installations, pour le choix des technologies, pour l’exigence du suivi, de l’exploitation et de l’entretien. Ces personnes sont les animateurs de l’association des Communes Forestières des Hautes-Alpes et ceux de la Mission Régionale Bois Énergie, le personnel technique de la ville, les bureaux d’études, les sylviculteurs, et toutes les entreprises de la forêt, du bois et de l’énergie qui sont intervenues.
Quant à la population, cela nous revenait de leur proposer un projet recueillant l’adhésion de tous. Nous avons donc beaucoup communiqué et continuons à le faire. Nous avons tenu plusieurs réunions publiques, car de nombreuses questions sur les fumées, les déperditions de chaleur du réseau, la circulation des camions, l’avenir de la forêt et bien d’autres encore, demandaient légitimement des réponses. Tous les deux ans par exemple, nous continuons à organiser des rencontres citoyennes où le sujet est abordé.
Aujourd’hui grâce à ce travail permanent, chez nous le bois-énergie n’est plus perçu comme source de nuisances mais comme un vecteur de développement économique, social et écologique.
Pourquoi pas une délégation de service public mais une régie plus complexe à gérer ?
Oui, plus complexe à gérer, mais indispensable pour conserver toute la plus-value économique de l’opération afin de pouvoir la réinvestir totalement vers l’atteinte des objectifs qui étaient et sont toujours de proposer une énergie à prix modéré, renouvelable et écologique, et de créer des emplois locaux en faisant vivre notre forêt.
Quels moyens avez-vous dû ou pu mobiliser ?
Pour nos trois réseaux, il a fallu mobiliser en hors taxes 550 000 € pour Delaroche en 2007, 2,9 M€ pour la première phase du réseau Gare en 2010, 470 000 € pour l’extension des réseaux Gare et Delaroche en 2014, 230 000 € pour les électrofiltres en 2017, 2,16 M€ pour le réseau ville basse en 2019 et en 2020/21 nous finançons une nouvelle extension de réseau pour 310 000 €, ce qui au total aura mobilisé à ce jour sur la commune 6,62 M€, à chaque fois avec un niveau d’aides publiques autour des 50 %.
Comment s’est dessiné le projet ?
Le réseau Delaroche fut le premier réseau de chaleur au bois de PACA, le réseau Gare fut, à sa mise en service, le plus gros réseau de chaleur au bois de PACA et nous sommes aujourd’hui certainement la ville avec la plus grosse couverture bois en PACA. Le projet s’est dessiné au fur et à mesure des opportunités, qu’il fallait ne pas laisser passer. Il s’est réalisé avec patience, une grande détermination et un objectif ambitieux et à la fois réaliste au regard de notre grande ressource forestière : chauffer le plus possible d’Embrunais à l’énergie renouvelable, locale et créatrice d’emplois. Il faut jouer avec les cartes que vous avez en main, en respectant les objectifs et l’éthique que vous vous êtes fixé.
Si c’était à refaire …
Notre rythme de développement a été le bon considérant l’obligation d’informer, de convaincre et de faire évoluer les mentalités sans les brusquer, sans quoi rien n’est possible ni pérenne.
Mon unique petit regret est technique : nous aurions dû prévoir des sections de tuyaux plus importantes sur le réseau gare, ce qui nous aurait permis d’aller encore plus vite dans le développement du réseau.
Quels projets maintenant ?
Notre prochain objectif est d’interconnecter nos trois réseaux en 2021/2022. Cela permettra de foisonner les moyens de productions et les besoins, ce qui va nous libérer de la puissance à la gare et nous permettra d’étendre vraiment le réseau vers le Nord.
L’objectif à dix ans, donc à 2030, car nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin, c’est d’alimenter la totalité des logements collectifs publics et privés de la ville. Et à cette occasion, si le succès reste au rendez-vous et que nous suscitons l’intérêt pour un nombre encore plus grand d’utilisateurs, alors une quatrième chaufferie n’est pas à exclure !
Entretien mené par Frédéric Douard, en reportage à Embrun
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