ONF, une garantie royale pour le bois-énergie
Article paru dans le Magazine Bioénergie International n°14 – Mai 2011
L’Office national des forêts est un établissement public créé en 1964 pour gérer les presque 10 millions ha de forêts et d’espaces boisés publics du territoire français. Son histoire s’inscrit dans la droite ligne du service forestier public français puisqu’il a en partie succédé à l’Administration des Eaux et Forêts créée en 1291 par le roi Philippe le Bel. Cette noble institution a joué durant des siècles un rôle stratégique de premier plan, à des époques par exemple où le bois de marine était le garant de la force navale du royaume, ou plus tard jusqu’au 18ème siècle quand le bois fournit le combustible indispensable à l’essor industriel. Par la suite, avec l’utilisation des énergies fossiles, l’institution s’est recentrée sur la production du bois d’œuvre (construction et mobilier) et d’industrie (mines, papier et panneaux), puis sur la gestion des espaces naturels depuis quelques décennies. En 2006, la forte demande des populations en énergies renouvelables a amené l’établissement à se positionner à nouveau comme acteur de la filière bois combustible, et en la matière les atouts de l’Office national des forêts sont considérables.
Un repositionnement obligatoire
Pour le plus important sylviculteur de France, ce repositionnement apparaît des plus naturels et des plus importants, certains diront même qu’il a mis du temps à s’opérer. Car le débouché de l’énergie consomme déjà à lui seul plus de la moitié des volumes de bois exploités dans le pays et car ce débouché est désormais et à nouveau promis à un avenir ¨royal¨ de par son rôle environnemental contre le changement climatique. La forêt publique ne pouvait pas rester en retrait d’une telle tendance lourde du marché, n’en déplaise désormais aux industries de la trituration qui ont bénéficié durant plus de 50 ans de prix de bois très bas, du fait du manque de débouché, une situation qui a contribué à appauvrir la propriété forestière par manque de recettes significatives.
Car la forêt publique se doit comme tout gestionnaire, de couvrir ses charges par des recettes, et pour financer ne serait-ce que la sylviculture des 4,6 millions ha de sa partie européenne, l’ONF doit compter plus qu’avant sur les ventes de bois et sur la facturation de ses prestations aux collectivités forestières soumises. Or, les ventes de bois d’œuvre ne croissent que lentement et les recettes des bois de trituration, déjà financièrement peu significatives, s’affaiblissent inexorablement. Ainsi depuis 2005 et le décollage des énergies renouvelables, comme de nombreux forestiers privés, le forestier public français compte sur le renforcement du marché commercial du bois-énergie pour commencer à recouvrer un équilibre financier global. Et même si aujourd’hui les niveaux de recettes ne sont pas encore comparables entre énergie et matériau, tout sylviculteur éclairé sait déjà fort bien que la vente de bois-énergie est un moyen efficace de financer sa sylviculture.
La valorisation des bois de faible valeur de sciage est en effet le moyen de pouvoir continuer à produire du bois d’œuvre de qualité, une perspective qui avait été rendue encore plus difficile depuis le 1er janvier 2000 avec la suppression du Fonds Forestier National, à la demande de l’industrie du bois. L’atout de la proximité Implanté sur l’ensemble du territoire national, l’Office national des forêts gère un potentiel considérable de ressources forestières en bois-énergie. Depuis 2004, avec les coopératives forestières pour la forêt privée, il a été le garant des contrats d’approvisionnement des grands projets de bois-énergie.
Cette couverture du territoire rappelle aussi que le bois est une source d’énergie locale, décentralisée, ce qui constitue l’une des différences les plus importantes avec les énergies fossiles. Le bois-énergie est disponible tout autour des usagers eux-mêmes, alors que pour les fossiles, il est nécessaire de les exploiter en un point puis de les redistribuer sur le territoire. La distribution du bois-énergie est en ce sens et par nature avantagée car déjà en grande partie réalisée à la source. Ceci n’empêche pas que la mobilisation du bois à l’échelle industrielle soit possible, preuve en sont les usines de pâte à papier ou les très grosses centrales à bois scandinaves, mais cela signifie que les filières locales sont naturellement favorisées dans le cadre d’un contexte économique et écologique où les coûts de transport commencent à devenir significatifs, financièrement et écologiquement. La règle industrielle de l’économie d’échelle ne vaut donc plus automatiquement avec un transport onéreux et un produit pondéreux. Bien sûr, chaque outil industriel exige un seuil minimum de concentration pour être investi, et des scieries, des papeteries voire même des chaufferies peuvent absorber économiquement des centaines de milliers de m3 de bois, mais plus le rayon d’approvisionnement est grand plus le prix de revient est élevé. Ainsi, la filière locale, souvent moins productive car plus petite, peut se trouver tout aussi compétitive que la filière centralisée, par le simple fait du transport évité. L’exemple des usines de granulés le montre bien aujourd’hui puisque le modèle économique se situe entre 10 et 100 000 tonnes par an, c’est-à-dire 10 fois moins que les papeteries, tout simplement car au-delà, il devient financièrement compliqué de transporter d’abord la matière première puis ensuite le produit à distribuer sur de grandes distances. Le grand atout de l’ONF, comme celui des coopératives forestières d’ailleurs, est donc de pouvoir garantir de grandes quantités sur la durée un peu partout sur le territoire avec une compétitivité optimale. Les partenariats locaux Au fait même que l’ONF ait en gestion une majorité de forêts qui ne lui appartiennent pas, celles des collectivités, et que l’avis de ces milliers de propriétaires publics compte, vient s’ajouter une conviction profonde de l’établissement que le développement de la filière bois-énergie doit être maîtrisé par les producteurs pour garantir une gestion durable des forêts et la pérennité de la ressource. C’est dans cette logique que l’Office a défini une stratégie ¨énergie¨ qui se résume dans les termes mêmes du développement durable : environnement, emploi et économie locale.
Grâce à deux filiales créés en 2006, ONF Energie et ONF Participations, l’Office a ainsi pu structurer sur le territoire des offres consolidées avec des spécialistes de chaque filière : bûches, granulés et plaquettes.
Pour le marché des chaufferies alimentées en plaquette forestière, l’ONF a mis en place une organisation basée sur des partenariats locaux, d’une part avec la Fédération Nationale des Communes Forestières (qui est entrée dans le capital de ONF Energie en novembre 2006), et d’autre part avec le Groupe Coopération Forestières (Les coopératives de la forêt privée). Avec les communes forestières, il a ainsi déjà mis en place 25 plateformes de séchage et de stockage gérées de différentes manières : propriété, location, partenariat ou prestation. Cette démarche, marquetée ONF ENERGIE BOIS®, a pour but de constituer un réseau de partenaires régionaux, qui adhérent aux objectifs, et qui garantissent ensemble la disponibilité des combustibles bois (bûche, granulé ou plaquette forestière) en minimisant les coûts de transport. Le maintien ou la création d’emplois en zones rurales, un argument cher aux collectivités forestières rurales, fait également partie des objectifs de la démarche, et le développement du marché du bois-énergie sous toutes ses formes en France offre des perspectives encourageantes puisque l’on compte par exemple 1 emploi créé pour 2000 tonnes de marché en plaquettes forestières. Produire et distribuer Dès sa création, la filiale ONF Energie a mis en place une offre en plaquettes forestières vers les collectivités et les industriels. A peine deux ans plus tard, elle faisait émerger également des offres en granulés et en bûches en direction du marché des particuliers. Pour cela, elle a mis en place trois marques : Grain de feu® pour les granulés, Bois de feu® pour les bûches et Forêt Energie® pour les plaquettes. Concernant les filières domestiques, 11 entreprises ont déjà rejoint le réseau ONF Energie Bois®.
Dans la filière granulés de bois :
- BOI’SUP en juillet 2008;
- EO2 en juillet 2009.
Dans la filière bois bûche :
- ONF Molinario – Bois Bûche Île-de-France en avril 2009
- ONF CORBIN – Bois Bûche Nord Atlantique en septembre 2009
- ONF LHERMITTE, Bois Bûche Picardie en janvier 2010
- ONF BARRAQUAND, bois bûche en Rhône-Alpes en février 2010
- ONF Bois Bûche Normandie en avril 2010
- Bois Bûche Centre Atlantique en juin 2010
- ONF BOISSEC, Bois Bûche Nord Pas-de-Calais en août 2010
- Bois Bûche Languedoc-Roussillon en septembre 2010
- ONF TSC, Bois Bûche Jura en mars 2011.
Tout comme pour la plaquette, les filières granulés et bûches intègrent toute la chaîne de production jusqu’à la distribution, afin de garantir l’intégrité des objectifs de la forêt au client.
Une démarche durable et transparente
Cette offre, qui se veut durable, est structurée autour d’une charte de valeurs partagées par tous les partenaires producteurs et distributeurs, et qui vise un changement de perception du consommateur sur le bois-énergie en tant qu’énergie durable. L’ONF et ses partenaires se positionnent ainsi uniquement sur des produits de qualité, sur un approvisionnement régulier et national garanti, sur une approche environnementale claire et transparente qui veut démontrer la pertinence écologique, économique et sociale d’une solution de chauffage moderne. L’impact environnemental est systématiquement intégré lors du processus de production, avec notamment le recours aux énergies renouvelables et la priorité aux circuits courts. Les produits sont enfin issus de forêts gérées durablement et certifiées PEFC. Garantir la libre concurrence Le dernier atout de la démarche ONF en faveur de la filière bois-énergie, et le plus important, est liée à la non-centralisation de son offre ainsi qu’à son objet social. Que ce soit en amont de par la diversité de ses propriétaires forestiers ou en aval de par celle des entreprises partenaires, l’office n’a pas vocation à verrouiller une offre nationale à laquelle les fournisseurs et les clients n’auraient qu’à se plier pour avoir accès au bois-énergie public. L’organisation se contente, pour conforter son objet social, à savoir de gérer durablement les espaces forestiers publics, de fournir à ses partenaires la garantie de la ressource, un marketing et le soutien d’un investisseur minoritaire.
Car en matière forestière, la libre concurrence souffre d’une faiblesse récurrente du maillon local d’exploitation forestière et de la production du bois-énergie. Les entrepreneurs de travaux forestiers et les producteurs de bois-énergie ont été maintenus depuis des décennies dans une situation de grande fragilité par un marché des combustibles peu rémunérateur et par une situation générale de faible concurrence en matière de travaux forestiers. Pour le marché des bois d’industrie en particulier, cette situation remonte à la disparition des marchés des bois de mine et de chemin de fer qui a réduit fortement le nombre d’acheteurs de ces produits, et par voie de conséquence à une baisse des tarifs de prestations. Concernant le marché de l’énergie, avec les cours des matières fossiles depuis 1950, hormis durant deux courtes périodes (1973-1974 et 1978-1986), les opérateurs ont dû travailler le plus souvent sous les coûts de production pour résister aux prix du marché. C’est dans ce contexte de fragilité, qu’en 2005, le marché s’est réveillé et a demandé à ces très petites entreprises, privées de capacités réelles d’investissement, de passer d’une position de survie à une position de conquête. La politique de promotion du bois-énergie française ne s’étant pas préoccupée de la santé financière de ses chevilles ouvrières, la filière est apparue non structurée, car financièrement non réactive. Il a fallu attendre 2010 et les déboires des investisseurs, sur d’autres filières renouvelables momentanément fortement soutenues, pour que ces derniers commencent enfin à regarder vers le secteur de la biomasse, un secteur totalement inconnu, et qu’ils ont découvert à leur grande surprise fortement implanté sur le marché et ne présentant pas de déficit de rentabilité rédhibitoire. Malheureusement durant ces 5 premières années de forte croissance, de 2005 à 2010, pour les milliers d’opérateurs de terrain de la filière, et en particulier pour les fournisseurs de plaquettes, la déconvenue est grande. Leur manque de solidité financière ne leur a pas permis de répondre seuls à un marché pour lequel ils avaient travaillé pour certains depuis des décennies, et les grands acteurs de services, par le simple jeu de leur poids financier, ont presque seuls pu garantir les nouveaux contrats de fourniture, notamment aux collectivités. Résultat : aujourd’hui 90% du bois-énergie pour les chaufferies collectives est acheté par un nombre extrêmement restreint d’acheteurs, ce qui réduit considérablement les capacités de négociation des fournisseurs. Et la situation que les entreprises forestières connaissaient pour le marché de la trituration, s’est ainsi dupliquée pour le marché de l’énergie, limitant leur émancipation, réduisant aussi la concurrence et les marges de manœuvre pour le partage des bénéfices entre les acteurs de la forêt et les clients finaux.
Permettre l’équité Le positionnement de l’ONF en matière de garanties de ressources au niveau local et micro-économique est fondamental pour le respect des critères de durabilité de la filière bois-énergie française. Il ouvre en effet à nouveau la perspective d’une plus grande pluralité de l’offre en permettant à des opérateurs plus petits et donc nombreux de proposer leurs services, à partir d’une ressource garantie mais non verrouillée. Ceci permettra au final d’élargir le niveau de concurrence, de maintenir l’attractivité économique du secteur, et donc de conserver la perspective d’une plus grande valorisation des produits forestiers et de la forêt, tout en respectant le trépied ¨durable environnement, économie et social¨! Frédéric DOUARD
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