Saretco, l’entreprise de pièces de fonderie pour la combustion, a 40 ans
Article paru dans le Bioénergie International n°95 de février 2025
La région du Nord-Pas-de-Calais comptait au 20è siècle des dizaines et des dizaines de fonderies, de toutes tailles et pour toutes sortes de métaux et applications. De cette activité industrielle intense, il en reste de nos jours une petite vingtaine encore en service dont deux dans le domaine du bois-énergie et des déchets et dont la fonderie d’Anor, récemment rachetée par la société Saretco. Cette entreprise, basée à Marquise près de Boulogne-sur-Mer, est l’un des principaux fournisseurs français de pièces de fonderie pour la combustion. Elle conçoit et fabrique des barreaux et plaques pour grilles mobiles de chaudières industrielles pour l’incinération des déchets et la combustion de la biomasse solide. Elle produit également des injecteurs pour foyers à lit fluidisé, des cônes de filtres multicyclones pour le dépoussiérage des gaz de combustion et des outils de coupe pour broyeurs. À l’occasion de ses 40 ans, revenons sur l’histoire de cette entreprise nordiste, spécialisée dans les superalliages résistants aux températures élevées, à la corrosion, à l’oxydation et à l’abrasion.
Un long parcours initiatique
André Simper, le créateur de Saretco, est né en 1947 à Wimereux, à côté de Boulogne-sur-Mer, face au détroit du Pas-de-Calais. Un Certificat d’Aptitude Professionnelle de dessinateur industriel et de fraiseur et un Brevet d’Enseignement Industriel de dessinateur en charpente métallique en poche, il débute sa carrière en 1966 près de chez lui, à la fonderie Générale Hydraulique de Marquise, une petite ville industrielle située à mi-chemin entre Boulogne-sur-Mer et Calais.
En 1969, il est repéré par ce qui allait devenir l’année suivante le groupe Creusot-Loire (fusion entre la Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire, filiale du groupe Marine-Firminy, et de la Société des Forges et Ateliers du Creusot, filiale du groupe Schneider) et intègre le poste de responsable commercial de la fonderie de Pamiers en Ariège, très loin de ses terres boulonnaises. Dans le même temps, il s’inscrit aux cours du soir du Conservatoire National des Arts et Métiers de Toulouse où il décrochera le titre d’ingénieur en management. En 1973, sa mission est terminée à Pamiers et il est nommé à Paris en tant que directeur des ventes.
Il profite alors de l’opportunité parisienne pour s’inscrire à l’École Supérieure de la Fonderie et de la Forge à Sèvres, une école d’ingénieurs spécialisée dans la mise en forme des matériaux métalliques. En 1977, il est embauché par le groupe sidérurgique Manoir Industrie, dont le siège social est à Paris, et intègre l’usine de Pîtres dans l’Eure pour occuper le poste d’ingénieur commercial et technique du département Nucléaire, à une époque où la France construisait cinq réacteurs par an. À ce moment, le Groupe Manoir rachète la fonderie historique de Mazière à Bourges pour créer Manoir Faser Bourges, une fonderie d’aciers spéciaux et réfractaires dont il confie la direction commerciale et technique de l’usine de Bourges, forte de 600 personnes, à André Simper. En 1981, la nouvelle entité est sur les rails et on lui propose de prendre la direction commerciale de six usines : la Fonderie de Pîtres dans l’Eure, la Fonderie de Bourges dans le Cher, l’Aciérie d’Outreau dans le Pas-de-Calais, la Société Bar-Laforge à Custines en Meurthe-et-Moselle, la Forge de Bouzonville en Moselle et les Forges de Bar-sur-Aube dans l’Aube. La concentration industrielle la plus importante, et donc la clientèle, étant dans le Nord et en Belgique, il décide de créer son bureau à Lille et rentre dans sa région.
Un savoir-faire ancestral au service des métiers de l’environnement
Désormais, homme de fonderie, André Simper aime à dire que le métier de fondeur n’est pas une science exacte, et que l’implication et l’expérience des personnes qui y travaillent sont tout aussi importantes que les fondamentaux techniques qu’on ne saurait bien entendu ignorer.
Et en 1985, après deux décennies de travail pour les autres, il décide de travailler à son compte et créé SARETCO pour Simper André Réalisations Études Techniques et Combustion Optimisation. L’idée est de mettre à profit, pour lui cette fois, tous le savoir accumulé, notamment dans le domaine des applications mettant en œuvre les aciers spéciaux et réfractaires pour la combustion.
Il revient alors en terre natale, à Marquise, et tout autour de lui, dans ces régions très peuplées du Nord de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Angleterre, fourmille un grand nombre d’usines d’incinération qui deviendront sa clientèle presque exclusive durant 25 ans, en maintenance, revamping, et bien sûr fourniture de pièces de fonderie.
Son premier contrat sera celui de la remise en état de la grille de l’incinérateur de déchets ménagers de l’agglomération de Béthune-Bruay-en-Artois en 1985, dans le Pas-de-Calais. Par la suite, grâce au réseau commercial qu’il va bâtir avec une douzaine d’agents, suivront de nombreux contrats avec des sites d’incinération en France et dans 25 autres pays avant que l’entreprise ne se diversifie en plus vers la combustion de la biomasse qui utilise des grilles de conception très proche. Et le premier contrat pour la remise en état d’une grille biomasse date de 2005 pour la coopérative laitière Isigny Sainte-Mère, à Isigny-sur-Mer dans le Calvados.
Pour tout cela, il va bâtir des partenariats avec une fonderie en Turquie et une en Inde pour se fournir en pièce dans des conditions concurrentielles, car la guerre des prix les plus bas fait rage et tout le monde fait cela à l’époque. Les premières pièces qu’il fera fabriquer sont les pièces des fabricants de grilles sur lesquelles il intervient : Babcock, Von Roll, CNIM, Martin… Pour autant, la conception des barreaux constructeurs mérite parfois d’être adaptée, améliorée et le bureau de recherche Saretco en a fait sa spécialité.
Puis, dans les années 2010, c’est le grand boom de la biomasse en France avec le lancement du Fonds Chaleur Renouvelable. André Simper saisit l’occasion et propose ses services aux exploitants des chaufferies biomasse, dans l’industrie et dans les réseaux de chaleur. En 2015, il affiche un catalogue de 5000 références de pièces de fonderie pour une vingtaine de marques de chaudières. Et selon, l’emplacement ou le type du client, les pièces sont livrées depuis la Turquie ou depuis l’Inde. À Marquise, il entretient un stock stratégique pour l’Europe qui contient plus de 20 000 pièces. Accessoirement, il fait également produire et commercialise des outils de coupe spéciaux pour broyeurs.
Dans le même temps, avec son équipe basée à Marquise, il met au point des technologies propriétaires comme le barreau bimétal qui évite le refroidissement à l’eau, ou la grille Sar-3 pour la combustion des combustibles de récupération : la combustion y est réalisée en légère suspension au-dessus de la grille grâce à des buses d’injection d’air primaire sous pression, placées sur les rangées de barreaux fixes. Cette technologie de grille garantit une optimisation de la combustion en imposant à l’air primaire un débit constant quel que soit le produit et la température de la grille. La grille SAR-3 élimine au maximum les passages de fines d’aluminium sous les grilles réduisant ainsi les nettoyages fréquents des trémies. Ces barreaux, en forme de gouttières et avec des bossages, permettent de favoriser l’écoulement des liquides et de l’aluminium jusqu’aux puits à mâchefers.
La constante innovation de l’entreprise est basée sur une très forte présence de ses ingénieurs sur le terrain, ceux-ci intervenant personnellement chez les clients, et sur les échanges permanents avec les exploitants de sites.
La reprise d’une fonderie des Hauts-de-France
La crise du Covid 19 a joué le rôle d’électrochoc pour de nombreux industriels qui avaient délocalisé leur production loin de l’Europe : un tout petit microbe pouvait désormais enrailler toute la logistique ! À cause de cette pandémie, mais aussi à causes des incertitudes politiques grandissantes au niveau mondial, et pour garder de la souplesse et de la réactivité vis-à-vis de ses clients européens, André Simper a décidé de repositionner une production en Europe, et pourquoi pas dans sa propre région ?
Alors, sans tarder, en 2021, il reprend la Fonderie d’Anor, du nom d’une petite ville industrielle située aux confins sud-est du département du Nord, à la frontière de la Wallonie et de la région Grand-Est. Avec des coûts de production bien entendus plus élevés, il y relocalise la production des pièces spéciales, urgentes ou à réaliser en un petit nombre d’exemplaires. Et comme cette fonderie était spécialisée dans la production de pièce de broyage pour l’industrie papetière, il a ajouté une corde à son arc.
Une vie bien remplie
Aujourd’hui, l’activité de la société se partage à 60 % entre la production et la vente de pièces de rechange, ainsi que dans la maintenance de grandes installations de combustion, à 30 % dans l’amélioration de foyers et la conception de nouveaux barreaux, et à 10 % dans le renouvellement de grilles de combustion.
Au terme de son interview, le 16 décembre 2024 à Marquise, André Simper confiait : « Il est difficile de rester indépendant et libre, il faut travailler sans compter du lundi au vendredi, oublier les week-ends et préparer le programme de la semaine suivante, oublier d’être malade, il faut aimer bouger, beaucoup, de jour comme de nuit. On doit s’adapter à toutes sortes de pays, de coutumes. Pour moi ce fut en plus de mon pays et par ordre alphabétique : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la Hongrie, l’Inde l’Italie, le Japon, la Malaisie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Russie, Singapour, la Suède, la Suisse et la Turquie. C’est exaltant et on ne connaît pas la routine. Mais la roue tourne depuis déjà longtemps pour moi, aussi en 2025, pour les quarante ans de Saretco, et pour mes presque 60 ans de carrière, à l’âge de 77 ans, je vais poser mes valises et confier à mes fidèles collaborateurs la belle mission de pérenniser les entreprises. »

André Simper en 2024 dans la bibliothèque de moules de la Fonderie d’Anor, photo Frédéric Douard
Contact : 03 21 87 28 88 - info@saretco.com – www.saretco.com
Frédéric Douard, en reportages à Marquise et Anor
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