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La France invente une loi pour accélérer la production d’électricité intermittente

Editorial du Bioénergie International n°83 de février 2023

Parc éolien en Champagne, photo Frédéric Douard

En France, en ce début 2023, une loi est en discussions officiellement pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Ce projet de loi prend racine dans un sursaut très récent du chef de l’État qui a découvert fin 2021, que la France était le seul pays de l’union européenne qui n’avait pas atteint ses objectifs en matière d’énergie renouvelable à 2020. En réalité, nous savons tous qu’il n’en est rien et que ce qui a motivé le chef de l’État, c’est la dérive du système de production électrique français, et que pour faire accepter un nouveau grand programme nucléaire, il devait donner quelques gages au secteur du renouvelable.

Ce sursaut, il l’a officialisé dans une allocution dont il a le secret, à Belfort le 10 février 20221. Outre le re-développement massif du nucléaire, il a annoncé, sans aucune concertation, qu’il fallait aussi développer massivement les énergies renouvelables, sauf que dans son vocabulaire, énergie veut dire électricité. Et son discours s’est borné à parler d’éolien, de solaire (photovoltaïque uniquement bien sûr) et d’hydrogène, car l’électricité se stocke très difficilement, y compris celle du nucléaire.

Et aujourd’hui dans le projet de loi, on retrouve exactement les mêmes objectifs, habillés de bonnes intentions, mais qui excluent les deux tiers des énergies renouvelables de France. Car celles-ci, faut-il le rappeler, ont été produites à 53 % par la biomasse en 20212 : bois-énergie 36 %, biocarburants 6 %, biogaz 5 %, déchets renouvelables 4 %, agrocombustibles 2 %. Or dans le projet de loi, pas une seule disposition pour les biomasses solides et liquides, tout juste quelques aménagements en faveur du biogaz, la guerre en Ukraine ne permettant pas d’afficher qu’on ignore la première alternative au gaz fossile.

Dans le projet de loi, rien par exemple pour accompagner l’explosion de demande en bois-énergie depuis la mi-2021 pour lutter contre l’explosion des prix des énergies. Là, existe un besoin considérable pour construire rapidement de nouvelle usines de granulés, mais aussi pour aider les producteurs de bois bûches à produire un combustible sec, en les aidant à investir dans des séchoirs et des bâtiments de stockage… pas un mot pour la première énergie renouvelable de France, la moins chère de toutes et la plus sociale ! Pas un mot non plus sur les biocarburants, production nationale, une filière qui aurait bien besoin elle aussi d’un coup de pouce pour atteindre un niveau écologique irréprochable, par exemple l’aider à n’utiliser que des énergies renouvelables pour les produire.

Le texte du projet de loi adopté le 24 janvier 20233, c’est 118 pages, 32 articles, 37 694 mots. Le mot bois n’est pas cité une seule fois, le mot biocarburant est cité une fois et le mot biomasse 4 fois pour dire qu’elle n’est pas oubliée.

On voit clairement que seules les énergies ne faisant aucune ombre au nucléaire sont admises à être promues, et c’est encore mieux si elles ne peuvent se passer de lui, cqfd. Cette loi n’est qu’un cache-sexe pour faire avaler la couleuvre du nucléaire aux Français, et ça n’est pas avec cela que la France va rattraper son retard en matière d’énergie renouvelable, l’électricité n’en représentant qu’un tiers4.

Frédéric Douard, rédacteur en chef

Sources : 

  1. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/02/10/reprendre-en-main-notre-destin-energetique
  2. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2022/1-les-energies-renouvelables-en-france
  3. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0761_texte-adopte-commission
  4. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2022/2-bilan-energetique-des-energies-renouvelables
4 réponses
  1. M. Guay, merci de votre message ! Comme vous devez la savoir puisque vous me lisez depuis un moment, il est excessivement rare que je fasse un article dénigrant quelque chose. Si je l’ai fait suite à cette loi, c’est que j’ai trouvé les dispositions de ce texte totalement déséquilibrées, axant tout sur l’électrique, y compris pour le chauffage et la mobilité, une stratégie qui selon moi est dangereuse en termes de résilience au changement climatique, de bilan des ressources naturelles nécessaires et de fragilité face aux actions humaines violentes potentielles (guerre, terrorisme). En aucun cas, l’esprit de mon écrit était de critiquer l’accélération de la mise en place du solaire PV et de l’éolien, mais juste de de dire que mettre tous ses oeufs dans le même panier n’était pas très intelligent. Bien à vous.

  2. GUAY François dit :

    Monsieur Choppin, en plus de deux dernières phrases de mon commentaire à M. Douard de ce jour, je suis surpris par votre critique à l’encontre des énergies intermittentes. Elles ont effectivement le tort d’être intermittentes mais, elles existent et demandent beaucoup plus de pilotage à EDF. Les énergies « continues » ne sont pas sans défauts: concurrence avec l’alimentation pour les biocarburants, concurrence avec le bois construction et la biodiversité pour le bois énergie (notons en passant qu’il faudra quand même laisser un peu d’humus dans les forêts pour ne pas ajouter d’engrais…). Il reste le biogaz (en développement accéléré et à priori, je ne connais pas de défaut même s’il y a des critiques en Allemagne) ET le nucléaire. Certes, la gestion de cette dernière ressource a été calamiteuse ces dernières années (pour faire plaisir aux critiques écologistes semble-t’il). Sur le papier, il semble préférable de s’en passer mais, bizarrement, de plus en plus de pays y reviennent. La crise de l’énergie de cet hiver montre que l’on ne peut pas s’en passer pour l’instant. Faisons confiance à nos gouvernement et à nos députés.

  3. GUAY François dit :

    Monsieur Douard, j’apprécie depuis quelques années votre revue même si depuis quelques temps les articles ne sont pas tous lisibles sans abonnement (pour des raisons que je peux comprendre). Mais je suis déçu par votre éditorial de ce mois qui n’est pas ni neutre ni constructif. Vous devriez au contraire vous réjouir de cette accélération sur une partie du renouvelable. Même s’il y a des efforts à faire sur d’autres secteurs, ce n’est pas une loi bâclée fourre-tout qui va faire avancer le problème mais au minimum le retarder. Par ailleurs, le bois-énergie, le biogaz et les biocarburants sont déjà en grand développement voire trop développés (concurrence alimentation, ressources limitées). Enfin, si elle est souhaitable, une loi sur le bois énergie ne peut pas à mon avis être dissociée de la gestion des forêts et de son utilisation pour la construction: cela représentera une autre grosse loi à elle-seule. Il est plus facile de critiquer négativement que positivement. Et pour vivre ensemble, on a besoin de construire, pas de détruire.

  4. Non seulement la France de l’energie n’a jamais été aussi nulle, mais en plus on a un président qui intervient n’importe comment à tout bout de champ pour faire à peu près le contraire que ce qu’il conviendrait faire. Soutenir la production d’energie renouvelable intermittente, c’est effectivement ce qu’il faut lire en creux, c’est de la provocation pure et dure et une prime donnée à la connerie et un tres mauvais signal envoyé à la vertu de la production d’energie pilotable qui n’a pas besoin de stockage puisque son combustible est son propre stockage. Si nous devons parce que nous sommes bien élevès le respect à notre Président, cette ogligation saute dés lors que ce même président se fout de la gueule des energéticiens qui n’en peuvent plus d’attendre vainement que l’intelligence l’emporte. Le jour où il n’y aura plus un g d’uranium sur la planète il y aura toujours des déchets de biomasse et nous irons s’il le faut déterrer les combustibles renouvelables non putrescibles que l’on enterre aujourd’hui à un cout qui entraine la dépense d’ « un pognon de dingue ». Il faut que je me reprenne, voilà que je parle comme notre Président ! Sans mauvais jeu de mot, les Bornes sont dépassées mais je n’ai pas commencé.