La France, un pays qui ignore royalement la première de ses énergies renouvelables : la biomasse
Editorial du Bioénergie International n°82 de décembre 2022
En ces temps de troubles énergétiques, où toute l’intelligence humaine devrait être mobilisée pour trouver des solutions pérennes, je suis navré de constater, qu’en France, la société continue à regarder désespérément le sujet des énergies par le petit bout de la lorgnette : celui de l’électricité. Or, ce vecteur ne couvre que 25 % de nos besoins énergétiques. Malgré cela, des visionnaires appellent de leurs vœux une prise de pouvoir prochaine de la fée électricité sur tous les secteurs du monde moderne. Ils voient dans les électrons la solution à tous les problèmes de mobilité, de communication, de gestion à distance, de décarbonation des productions et même de chauffage.
Sur la question du chauffage, je ne peux m’empêcher de m’insurger, après l’aventure socialement désastreuse du chauffage tout électrique par effet Joule menée à la fin du vingtième siècle, du fait qu’on dispense aujourd’hui massivement une croyance sans nuance selon laquelle les pompes à chaleur aérothermiques produiraient une énergie renouvelable et économique. Or, l’électricité qu’elles utilisent est encore très peu renouvelable, surtout en hiver, et sera de moins en moins économique. Et leur efficacité n’est quasiment jamais exprimée selon leur coefficient annuel d’exploitation pour un lieu et une condition d’utilisation donné, alors que c’est le seul indice qui renseignerait sur l’efficacité de ces équipements en conditions réelles. Ainsi, les PAC air-air, tels les grille-pain au siècle dernier, se multiplient dans un océan vide de données sur ses bilans d’exploitation.
Cependant, cette vision idyllique du tout électrique, tous usages confondus, devrait se heurter aux risques déstabilisateurs pour la société auxquels s’expose un tel système centralisé et interdépendant : phénomènes naturels extrêmes de plus en plus fréquents (tempêtes, inondations, feux de forêts…), terrorisme ou guerres comme celle de l’Ukraine plongée dans le noir et le froid. Alors pourquoi risquer de s’exposer à la fragilité d’un tel système énergétique, aussi performant et pratique soit-il quand tout va bien ? Le bon sens paysan rappelle qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, or, en matière d’énergie en France, c’est précisément l’inverse que promeut la majorité des pouvoirs politiques, encouragée par certaines écoles de pensée centralistes et par les nouveaux industriels de l’instantané : une pure folie ! Comment un pays entièrement dépendant d’une prise électrique pour ses communications, sa mobilité, sa sûreté, son eau, son alimentation, son énergie, sa santé, pourrait-il résister au chaos le jour où quelqu’un ou quelque chose coupera le courant ?
Face à ces errements dans la stratégie, nous ne sommes heureusement pas démunis. En dehors des énergies renouvelables électriques intermittentes et difficilement stockables, il existe une large palette de solutions éprouvées, toutes stockables ou pilotables, mais très insuffisamment mises en œuvre en cette période de transition, comme le solaire thermique, le bois-énergie, les gaz renouvelables, les biocarburants écoproduits, la petite hydro-électricité, la géothermie profonde ou les pompes à chaleur eau-eau. La biomasse-énergie représente à elle-seule les deux tiers de la consommation d’énergie renouvelable de l’Union européenne, et elle conserve une part très importante dans tous les scénarios de mix 100 % renouvelable à 2050. Alors pourquoi en France :
- ne parle-t-on quasiment jamais de chaleur renouvelable alors que la chaleur représente 50 % de nos besoins ?
- a-t-on abandonné tout développement de la cogénération ?
- l’outil français le plus efficace en termes de politique renouvelable, le Fonds chaleur, est-il maintenu à un niveau budgétaire anecdotique, alors qu’en parallèle on dépense des dizaines de milliards € pour baisser le prix des énergies fossiles importées ?
- a-t-on mis autant d’années à reconnaître la pertinence d’un combustible aussi performant et vertueux que le granulé de bois ?
- a-t-on condamné la mobilité par combustion de carburants largement neutres en CO2 comme le biométhane ?
- n’a-t-on pas encouragé le verdissement des biocarburants de première génération et n’a-t-on pas développé ceux de seconde génération ?
- et la liste est encore longue.
Alors, à la question inéluctable « à qui profite le crime ? », la réponse n’échappe pas à l’évidence qu’il profite à un mode de pensée unique, centralisée, non-démocratique : le tout-quelque chose, une solution présomptueuse, simpliste, non-professionnelle et donc scabreuse, tout droit héritée de l’époque monarchique où un seul homme régissait tout, une attitude si verticale qu’elle ne peut satisfaire que quelques-uns.
Frédéric Douard, rédacteur en chef
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Cet article relaie de façon opportune le discours que je tiens depuis …toujours, à savoir qu’en France on ignore du fait du Prince, la COGENERATION qui est à l’honneur dans tous les pays du monde adaptés à la diffusion sans limites de cette technologie. Au travers ce message, c’est donc aux pouvoirs publics que je m’adresse directement pour leur poser une question simple: pourquoi diable la cogénération qui est à l’évidence le meilleur moyen de suppléer aux carences graves des energies renouvelables intermittentes, mais y en a-t-il d’autres ? Non si on en croit la presse généraliste moutonnière, et OUI si on en croit les spécialistes professionnels de cette technologie qui a toutes les qualités du monde sauf celle de plaire effectivement au grand gourou Jancovici, qui ne répond jamais lorsqu’on l’interpelle sur ce sujet. Au dessus de mon propre message Gilbert Pajot, compagnon de route depuis plus environ 30 ans , expose les raisons supposées de JMJ, elles sont sérieuses et lourdes de conséquences d’où la discrétion de la personne visée. Une fois de plus, nous l’invitons à confirmer ou infirmer nos hypothèses, mais il va probablement utiliser la fuite (courage, fuyons !). Le plus ridicule dans cette situation étrange, est que lorsqu’on interroge Gibert Pajot sur le nucléaire il répond avec son humour habituel : « Ni pour ni contre bien au contraire ». Ma propre réponse est plus ferme: « Je suis cartésien , donc je ne peux en aucun cas être anti-nucléaire. J’en connais parfaitement les défauts, mais je ne connais pas de moyen de produire de l’electricité en masse, proprement, de façon pilotable mais une centrale nucléaire selon moi doit être en fonctionnement en permanence entre 80 et 100% de charge ou à l’arrêt. D’où la place pour différentes technos pour produire à la demande de l’electricité de façon décentralisée et pilotable évidemment et sous le meilleur rendement possible. S’il faut supprimer tout moyen d’évacuation de chaleur en excès pour prouver concrètement l’intérêt de la cogénération, pourquoi pas, mais c’est se couper d’un appoint d’energie électrique rapide à mettre en oeuvre, donc utile au pays et à EDF. La solution est plutôt dans un encadrement rigoureux du dimensionnement des installations de cogénération et dans leur capacité à réguler en puissance en fonction des besoins thermiques à satisfaire entre 50 et 100% de charge électrique et dans une gamme de puissance tres vaste, et ce pour des raisons mutiples et variées que H. Prevost , le même que celui cité par Gibert Pajot a rayé d’un trait de plume , en plus en se foutant ouvertement de la gueule des petits cons comme Gibert et moi-même avec leurs ridicules petits groupes électrogènes de 100 kWe biogaz ou autres syngas de biomasse lesquels n’ont jamais eu plus de sens qu’aujourd’hui. Et oui, la roue tourne, les paroles s’envolent , mais les écrits restent et les petits cons du début des années 2000 devraient normalement être au plus vite réhabilités si on analysait clairement les défis climatiques qui existaient déja au début de ce siècle, mais qui depuis se sont aggravés sensiblement. Refaire de la cogénération gaz naturel pourrait se justifier aussi bien aujourd’hui pour des « ridicules » questions de rendement ou d’efficience (donc de CO2), c’est comme vous voulez, mais faire de la cogénération avec des déchets de biomasse ou des déchets urbains secs et solides, pardonnez moi, mais continuer à ignorer TOTALEMENT cette solution, c’est une faute énergétique et politique majeure qui ne peut perdurer plus longtemps au moment où la pyrogazéïfication est à maturité totale contrairement à ce que laisse entendre l’ADEME qui s’est ridiculisée elle-même en soutenant financièrement des opérations lourdes (plus dure sera la chute !) dans le domaine sans prendre l’avis de gens compétents (j’en connais si vous voyez ce que je veux dire !) . Il est tant d’éradiquer définitivement l’amateurisme dans un domaine aussi énorme que l’energie, qui conditionne tout autre progrès. Et le raisonnement qui consiste à dire à quoi bon décarboner une électricité qui l’est déja, c’est faire semblant de ne pas voir que l’electricité est devenue un bien rare donc tres précieux, beaucoup plus précieux que la chaleur à considérer comme un sous-produit de la fabrication de l’electricité. Au temps du tout électrique, c’est tout simplement un slogan qui s’écroule de lui-même. COHERENCE, volià le titre de la pancarte que je brandirais lorsque tous les ingénieurs se lèveront et déciderons de protester dans la rue, comme tout le monde.
Bonjour monsieur ; Merci pour cet édito, et les messages qu’il porte. H. Prévot suggérait, en 2006, dans un rapport au Ministre de l’Industrie, à propos des UVED, d’oublier d’autres critères, comme l’efficacité énergétique. Son disciple, Jean-Marc Jancovici, à travers ses nombreux cours et conférences, ne prononce jamais le mot COGENERATION. oubliant, ainsi, les 700 TWh que le système nucléaire rejette dans l’eau et l’atmosphère (cela permettrait de chauffer tous nos logements, bureaux, hôpitaux…). Malgré nos petites divergences ponctuelles, je soutiens vos actions, sur le développement des bio-énergies. Merci. Gilbert Pajot, ingénieur conseil, le Mans.