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Le mirage du tout-électrique, un abîme français dans lequel les énergies renouvelables ne doivent pas tomber

Editorial du Bioénergie International n°79 de juin 2022

Le tout-électrique, qu’il soit renouvelable ou nucléaire, conduit à un système énergétique fragile, photo Samuel Douard

Lorsqu’un scientifique cherche à résoudre un problème, il commence toujours par se référer aux fondamentaux. En matière de choix énergétique, il convient ainsi de ne pas oublier certaines notions de base :

  • L’énergie qu’on ne dépense pas est toujours la moins chère et la moins polluante ;
  • Plus on transforme, plus le rendement global chute et plus l’énergie est chère ;
  • L’électricité est un vecteur d’énergie dont le stockage coûte cher et affaiblit encore plus le rendement global de l’énergie finale.

Donc, pour répondre à un besoin énergétique, une fois que tous les efforts de maîtrise de ce besoin ont été épuisés, on doit essayer de couvrir le « reste à charge » en ayant recours à la source d’énergie la plus efficace, c’est-à-dire qui sera globalement la moins chère et la moins polluante au sens large, en fonction du type d’application (thermique, motricité, électrique).

Consommation finale d’énergie dans l’UE27 – Source RHC – First Timeline of Research Policy Inputs -2019

Pour chauffer, la combustion est le mode de production thermique le plus efficace. Son rendement global peut aujourd’hui dépasser les 90 %, énergie grise prise en compte. Aucun système de production d’énergie n’atteint un tel niveau d’efficacité ! Pour le climat et l’environnement, il convient alors de choisir parmi les combustibles renouvelables : biomasse solide (bois), liquide (biocarburants) ou gazeuse (biogaz). Pour ceux qui trouvent que les biocarburants ne sont pas assez bas-carbone, on pourra encore très sensiblement améliorer leur bilan carbone en ne les produisant et en ne les transportant qu’avec des énergies renouvelables.

Pour se déplacer deux options sont disponibles : le thermique, alimenté en biocarburant liquide ou en gaz renouvelable, ou l’électrique, de source éolienne, hydraulique, solaire ou biomasse. Les deux systèmes ont leur place et sont complémentaires. Là où l’électrique est très pertinent sur des trajets courts ou des véhicules légers, le thermique, faisant appel à des combustibles stockables, sera plus intéressant pour les longues distances et les grosses charges.

Répartition de la consommation finale d’énergie renouvelable en 2019 dans l’UE27

Pour faire fonctionner les appareils électriques, l’électricité solaire et éolienne ne peut se passer de sources non intermittentes et stockables. En renouvelable, la géothermie, l’hydraulique et la biomasse via la cogénération, complémentent efficacement l’intermittent, grâce à leur facilité de stockage.

Toutes les solutions techniques en renouvelable, complémentaires ou alternatives à l’électricité intermittente, existent déjà. Elles sont éprouvées depuis des décennies dans de nombreux pays dont la France, nulle personne de formation scientifique de haut niveau ne peut l’ignorer. Or, depuis le 16 mai 2022, la France est gouvernée par une première ministre de formation scientifique de haut niveau, à même d’appréhender elle-même et sans filtre les enjeux des choix énergétiques.

Souhaitons donc que la France ne réitère pas la folle politique du tout-électrique de ces 40 dernières années, où les moyens de production ont commandé les usages, alors que cela devrait être l’inverse. Cette politique justificative d’une concentration à outrance des moyens de production a conduit 7 millions de ménages à se chauffer avec l’énergie la plus chère du marché. Plus largement, elle est aussi la source la plus importante de la thermo-sensibilité du système électrique européen, et donc de sa fragilité. Le black-out énergétique total, accidentel ou malveillant, n’est possible que si toutes les applications énergétiques sont placées dans l’unique corbeille de la fée électricité. Dans la nature, l’agriculture, l’économie, la santé ou la vie en général, tout est question d’équilibre, le tout-quelque chose n’est pas viable. Souhaitons donc que Madame Elisabeth Borne saura raison garder dans la mise en oeuvre d’un mix énergétique renouvelable équilibré et sûr.

Frédéric Douard


1 réponse
  1. Francis MACHEFER dit :

    J’espère que vous serez entendu car je défends et j’adhère depuis très longtemps à cette vision stratégique. Cependant, ce n’est pas le sens des différents séminaires auquel je participe de temps à autres par manque d’une analyse stratégique et d’un égocentrisme « économique » de sa production d’énergie renouvelable.