Innovations : méthanisation, méthanation et carbonisation des boues à la STEP de Lescar
Le 21 janvier 2022 a été posée la première pierre des futures unités de méthanisation et de méthanation de l’usine de dépollution des eaux usées de Lescar dans l’agglomération de Pau. Ces installations, couplées sur le même site de Cap Ecologia à l’unité de valorisation énergétique de Pau et à une centrale photovoltaïque de 12 000 m2 à construire, doivent permettre à la STEP de Lescar de réduire ses émissions de CO2 de 50 % d’ici deux ans.
Les boues autrefois incinérées serviront à produire du biométhane pour le gaz de ville mais aussi du biochar utilisé comme combustible dans le réseau de chaleur de l’agglomération ou dans l’agriculture. Le CO2 provenant de la purification du biogaz en biométhane, habituellement rejeté à l’atmosphère, sera combiné avec de l’hydrogène produit sur place à partir de l’électricité photovoltaïque, pour en faire du méthane de synthèse via le procédé de méthanation catalytique qui sera mise en place par Storengy. Ces installations permettront d’injecter à terme 13 GWh/an de biométhane dans le réseau exploité par GRDF, dont 4,4 GWh/an de biométhane de synthèse.
Parallèlement, l’oxygène, issu de l’électrolyse de l’eau qui servira à produire l’hydrogène renouvelable nécessaire pour la méthanation, sera utilisé dans l’usine de dépollution des eaux usées pour aérer les bassins biologiques. La réaction d’électrolyse produit également de la chaleur qui sera aussi valorisée dans le procédé de traitement de l’eau. Enfin, l’azote, contenu dans les boues digérées, sera extrait avant carbonisation sous forme de sulfate d’ammonium qui servira comme engrais, à hauteur de 320 tonnes par an.
Détails sur la méthanation catalytique
La méthanation est un processus qui consiste à convertir du monoxyde ou du dioxyde de carbone en méthane de synthèse et en eau, en les combinant avec de l’hydrogène. Pour le projet de l’Agglomération de Pau, la technologie retenue est la méthanation catalytique. Le CO2 émis par la méthanisation est dans un premier temps purifié afin de réduire tous les éléments pouvant impacter la réaction de méthanation : les métaux, l’H2S, l’eau et l’oxygène.
Ensuite le CO2 et l’H2 sont combinés par recours à des catalyseurs tels que le nickel pour amorcer la réaction. La réaction ne peut s’initier qu’à des températures de 250 à 400 °C et qu’à une pression allant jusqu’à 100 bars. La majorité de cette énergie thermique sera ici récupérée pour les usages de l’usine de dépollution des eaux usées.
La Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées a obtenu de la Commission de Régulation de l’Energie une partie des dérogations nécessaires à l’injection du méthane de synthèse dans le réseau de gaz naturel et a sollicité auprès du Ministère de la Transition Ecologique l’octroi des autorisations complémentaires. Cette expérimentation, dont le gestionnaire de réseau GRDF sera partenaire, doit permettre à terme de décliner un cadre technique, réglementaire et financier pour le développement de la filière Power-to-Gas.
Détails de la carbonisation hydrothermale des boues de la STEP
La technologie, mis en oeuvre par SUEZ, vise à diviser par quatre le volume de boues d’épuration, à consommer trois à quatre fois moins d’énergie et à produire une matière supplémentaire, le biochar.
Inspiré du procédé naturel de transformation de la matière organique en charbon, la carbonisation hydrothermale est un traitement thermique à haute pression qui utilisera ici la vapeur d’eau récupérée sur l’unité de valorisation des ordures ménagères située sur le site. Elle procède non seulement à la lyse des macromolécules organiques comme les carbohydrates mais également à la réorganisation des molécules. Elle va plus loin qu’une simple hydrolyse thermique. Le pouvoir calorifique de la matière s’en trouve accru par la concentration des atomes de carbone, ainsi que l’hydrophobicité de la matière, une grande part de l’eau liée de la boue devenant alors de l’eau libre.
L’hydrophobicité de la matière, combinée au couplage avec une presse à piston à l’aval pour la séparation liquide/solide permet d’obtenir un biochar à haute siccité, doté d’un pouvoir calorifique proche de celui des ordures ménagères, et sans polymère chimique : on parle d’ultra-déshydratation. Ce biochar est obtenu sans les inconvénients du séchage classique des boues, à savoir énergivore et contraignant en termes d’odeurs et de sécurité. Il est valorisable, soit en retour au sol (structuration des sols, capture de CO2 atmosphérique), soit en valorisation énergétique (en UVE ou cimenterie).
De plus, la réaction thermique permet la solubilisation d’une partie significative du carbone contenu dans les boues, partie qui est récupérée dans les filtrats. Ces derniers sont renvoyés en digestion afin de valoriser leur fort pouvoir méthanogène, donc d’augmenter sensiblement la production de biométhane.
Un investissement porté par la collectivité
L’opération de construction des installations de biométhanisation et de méthanation est portée par le budget annexe Assainissement de la Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées. L’investissement se monte à 33 M€ dont 23,9 M€ pour la méthanisation et 9,1 M€ pour la méthanation.
Le coût global de traitement des boues est amélioré par rapport à la filière précédente du fait des recettes générées par l’injection du biométhane dans le réseau de gaz de ville, estimées à environ 11 M€ sur les 15 premières années d’exploitation. Les recettes d’injection du méthane de synthèse pourraient représenter quant à elles environ 5 M€.
Les travaux démarreront effectivement le 1er février 2022 pour une réception au 31 octobre 2023.
Frédéric Douard