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La France fait le mauvais choix en poussant le nucléaire et en bridant la biomasse

Les 17 objectifs de développement durable de l’agenda 2030 des Nations-Unies (2015) – Cliquer sur le diagramme pour l’agrandir.

L’Association négaWatt rappelle que la France fête cette semaine le cinquième anniversaire des objectifs de développement durable instaurés par les Nations Unies, alors même que le gouvernement intensifie depuis plusieurs mois ses efforts à Bruxelles pour que le nucléaire soit reconnu comme une « énergie durable ». Pour l’association, il est donc légitime de se poser la question de la soutenabilité de cette source d’énergie, et plus largement de l’ensemble des options possibles.

Sur ces sujets, en dépassant certaines interprétations hâtives, l’analyse détaillée du Rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C publié par le GIEC en 2018 apporte de nouveaux enseignements. Tout d’abord, la réduction des consommations d’énergie et les renouvelables électriques sont les leviers de réduction des émissions de gaz à effet de serre les plus soutenables. De plus, toujours selon ce rapport, il est tout à fait possible de se passer d’énergie nucléaire tout en restant en-dessous de l’objectif +1,5 °C, alors qu’il est impossible de se passer des renouvelables et en particulier de la biomasse qui représente le plus gros morceau de la solution, et dont la mobilisation doit toutefois impérativement se faire de manière durable.

La réduction des consommations et les renouvelables électriques, options les plus soutenables

Le rapport spécial 1,5 °C publié fin 2018 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) propose une analyse de 23 leviers de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) au regard des ODD (qui visent à la bonne santé et au bien-être, à éliminer la pauvreté et la faim, à réduire les inégalités, à protéger l’environnement, etc.). Pour négaWatt, les conclusions que l’on peut en retirer sont très claires : les actions visant à réduire le niveau de consommation, à développer les énergies renouvelables électriques en remplacement d’énergies fossiles et à améliorer la gestion du bétail et du fumier sont les plus soutenables.

Bilan énergétique mondial en 2050 dans les quatre trajectoires types proposées par le GIEC (P1 à P4) et recombinaison de négaWatt (P5) – Source – Association négaWatt (2020), d’après GIEC (2018) – Cliquer sur le diagramme pour l’agrandir.

Le développement des énergies renouvelables issues de la biomasse et la séquestration de carbone dans les sols se situent en milieu de classement. En fonction de leur mise en œuvre (nature des sols concernés, techniques agricoles, etc.) leur score peut être très bon ou au contraire passablement mauvais. Une attention particulière doit donc être portée aux pratiques agricoles pour qu’elles puissent être qualifiées de soutenables.

En bas de classement figurent les options technologiques de capture et séquestration du carbone, la géo-ingénierie des océans, et enfin le remplacement du charbon par du nucléaire. À la lumière de ces résultats, ces leviers doivent donc être actionnés uniquement en dernier recours. Les conclusions qui suivent montrent que le nucléaire peut être écarté des trajectoires de décarbonation.

Le nucléaire est en diminution dans plusieurs scénarios 1,5 °C

Les quatre trajectoires P1 à P4 proposées dans le résumé pour décideurs du rapport spécial 1,5 °C du GIEC comportent toutes une hausse de la production nucléaire d’ici 2050. Une analyse plus fine du rapport complet montre cependant que ces quatre trajectoires sont issues de 90 scénarios respectant l’objectif 1,5 °C, et que parmi eux plusieurs envisagent une réduction de la puissance nucléaire installée au niveau mondial. Pour négaWatt, le recours au nucléaire n’a donc rien de systématique. De leur côté, les énergies renouvelables forment le socle de la grande majorité des scénarios ; elles sont très largement prépondérantes dès lors qu’une action ambitieuse de réduction des consommations est intégrée. C’est principalement lorsque la demande d’énergie croît que le recours au nucléaire et/ou à la capture-séquestration du carbone devient nécessaire.

Une combinaison 100 % renouvelable en 2050

Les quatre trajectoires principales proposées par le GIEC présentent des niveaux de réduction de consommation et de recours aux différentes sources d’énergie assez hétérogènes ; d’autres combinaisons auraient pu également être envisagées. Sans les mobiliser au maximum, les potentiels de réduction de la consommation et de développement des énergies renouvelables permettent d’imaginer une combinaison 100 % renouvelable en 2050, sans recourir ni au nucléaire ni à la capture et séquestration de carbone.

Une analyse approfondie des travaux du GIEC montre clairement que la priorité de l’action publique en faveur de la neutralité carbone doit aller vers des actions de sobriété et d’efficacité et vers l’accélération du développement des énergies renouvelables.

Alors que la France se classe en bas du tableau européen pour le respect de ses propres engagements dans ces deux domaines, le Gouvernement fait de mauvais choix en essayant à Bruxelles de faire entrer le nucléaire dans le champ de la taxonomie verte et en bridant le développement d’énergies renouvelables comme le biométhane. L’heure doit être à la mobilisation générale pour rattraper le retard et s’orienter vers la maîtrise des consommations et le développement des renouvelables qui représentent un enjeu d’emploi et de développement local important pour tous les territoires.

Pour en savoir plus, télécharger l’analyse de l’Association négaWatt, sur la base des travaux du GIEC.

Frédéric Douard

3 réponses
  1. luc dit :

    Sauf que l’Europe utilise de plus en plus de gaz pour produire de l’électricité.

    La consommation de gaz naturel dans les centrales électriques en Europe est passée 49 millions de TEP en 1990 à 108 millions de TEP en 2018.

    Ceci alors que portant, comme le montrent les tableaux suivant tirés du rapport Ecofys 2018 sur les centrales thermiques, le rendement des centrales au gaz a fortement augmenté depuis 1990 grâce à l’arrivée des centrales à cycles combinées.

    https://zupimages.net/up/20/40/k60r.jpg

    Ce qui veut signifie qu’avec la même quantité de gaz, l’Allemagne produit 48% d’électricité en plus.

    De plus, importer du gaz naturel cela coûte cher comme le rappelle Eurostat. Environ 75 milliards d’euros en 2019.

    Enfin, le gaz ne tombe pas du ciel, son importation émet, en amont, beaucoup gaz à effet de serre.

    Au final, malheuseument, les énergies renouvelables ne font pas de miracles.

  2. Certes les importations européennes de produits pétroliers et gaziers ne baissent pas, mais le débat abordé ici concerne surtout l’électricité, que l’Europe n’importe pas.

  3. luc dit :

    Il y a une grande différence entre la théorie et la réalité.

    Comme le montrent les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, le bilan des énergies renouvelables en Europe n’est pas brillant.

    https://zupimages.net/up/20/33/4thy.jpg

    Après avoir investi depuis 2006 plus de 1000 milliards de dollars principalement dans le solaire et l’éolien, l’Europe importe toujours autant d’énergie.

    Idem pour l’Allemagne.