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Marche arrière pour la transition énergétique avec le retour du chauffage électrique !

Pour relancer la filière nucléaire, le gouvernement français est prêt à dévoyer la transition énergétique, photo Frédéric Douard

En France, deux événements récents mettent en évidence l’incohérence des politiques publiques et particulièrement celle de Mme Élisabeth Borne, Ministre de la transition écologique :

  • d’un  côté le Ministère promeut, sous l’influence du groupe ex- EDF, une RE 2020 qui remet en selle le chauffage électrique direct, en manipulant des coefficients énergétiques qui pourtant étaient admis par tous les professionnels sérieux, à l’échelle européenne comme nationale ;
  • de l’autre le même Ministère et RTE,  ce pratiquement dans le même pas de temps, alertent sur les risques d’un black out électrique en 2020/2021 en cas de forte rigueur climatique, alors que chacun sait que les pics d’appel de puissance sont le fait du  chauffage électrique, au demeurant très carboné (fortes importations en hiver de pays tiers ).

Dans les années 80, nous étions nombreux à dénoncer le développement massif du chauffage électrique : hérésie thermodynamique (gaspillage énorme de chaleur à la source), aberration économique (transfert de charges patrimoniales vers du fonctionnement) et  désastre social (coût très élevé pour les familles, avec recours fréquent aux aides «  précarité – pauvreté «,  pour un confort très relatif).

Un éminent membre du corps des Mines, Jean SYROTA, alors patron de la DGEMP au Ministère de l’Industrie (et qui n’est pas suspect d’être anti-nucléaire !) avait rédigé  en 1988 un rapport très critique  sur « le chauffage électrique : une particularité française ». Il s’opposait ainsi fortement à la dérive d’EDF,  soulignant que le parc nucléaire peu flexible n’était pas adapté  à la satisfaction d’appels de puissance ponctuels (deux tranches nécessaires par degré supplémentaire à couvrir).   Il avait parfaitement raison et la suite l’a démontré : désormais on envisage de délester les industriels ou de demander aux particuliers de réduire à la baisse leur température de consigne !

Pour le futur, on sait que l’on n’ atteindra pas un mixte  électrique,  avec un maximum de 50% nucléaire , en conservant plus de 100 TWh/an de chauffage électrique, a fortiori si on continue à le promouvoir.

Malheureusement cette question semble être devenue quasiment taboue et on n’en parle pratiquement plus jamais dans la presse professionnelle. On peut aussi s’étonner  que de grandes organisations professionnelles n’aient pas signé la lettre au Premier Ministre pour l’alerter des conséquences de la RE 2020 sur la réhabilitation des logements et les filières renouvelables, lettre que lui ont adressée 18 autres organismes et associations, dont le CIBE.

L’ADEME demande  à juste titre de densifier les réseaux de chaleur. Comment fait-on alors faute de moyens d’accompagnement financier pour intervenir sur les secondaires, lorsque le réseau passe au pied d’immeuble en « tout électrique » ? Les collectivités et les bailleurs HLM qui,  sur  les conseils de leur AMO ou de leur exploitant,  décident de convertir leurs immeubles « à l’eau chaude » pour les rendre compatibles avec le réseau le font à leurs frais sans aucune aide de type subvention ou CEE.

Au-delà des aides au verdissement et à la création de réseaux de chaleur ENR et R (ou de leur extension),  qui au demeurant sont insuffisantes dans le présent contexte énergétique pour assurer leur compétitivité, il faut aussi les moyens pour intervenir et transformer les réseaux secondaires des bâtiments « tout électrique », vu le coût des travaux en cause (plus de 10 000 € par logement). Des moyens devraient être également disponibles pour raccorder des immeubles en  individuels  gaz (création de  colonnes montantes, de gaines palières et de modules thermiques d’appartements).

Serge DEFAYE, Président d’honneur du CIBEDEBAT – 06 72 76 47 99 – s.defaye.debat@orange.fr

1 réponse
  1. TF dit :

    Bonjour,
    J’ai comme l’impression que l’on oublie trop vite à quoi sert la transition énergétique. Dans un monde où le réchauffement climatique est la menace n°1, conclure un article critique de la RE 2020 par « Des moyens devraient être également disponibles pour raccorder des immeubles en individuels gaz » est très problématique. Il faudrait tout de même rappeler que les chauffages fonctionnant au gaz sont de forts émetteurs de CO2, alimentant ainsi le réchauffement. Dire du mal de l’électricité pour ensuite proposer de développer le gaz, ce n’est pas très écolo…
    Si le tout électrique a des défauts certains, ces derniers ne sont pas d’ordre climatique ou environnemental. Or il s’agit bien d’une RE (« E » pour « environnementale »). L’électricité décarbonée, tout comme la biomasse sont des solutions à la dérive climatique. C’est donc normal de les soutenir. Et au passage, de remettre de l’ordre dans les priorités de la transition.
    Bien à vous.