Il faut arrêter de déformer la réalité : 80 % de la production d’énergie renouvelable n’est pas intermittente
Editorial du Bioénergie International n°65 – janvier 2020
On lit et on entend tous les jours que l’intermittence et la difficulté de stocker les énergies renouvelables sont les freins majeurs à leur développement. Pourtant cette affirmation ne concerne que 20 % des énergies renouvelables en Europe, tout comme en France : l’éolien et le solaire (sources : Eurostat et SDES). Eh oui, 80 % de la production d’énergie renouvelable de l’UE28, et de la France, est parfaitement stockable et non intermittente : le bois-énergie, les biocarburants, le biogaz, les déchets renouvelables, l’hydraulique et la géothermie. Et parmi les filières de la bioénergie, deux sont de plus utilisables dans les transports en liquide ou en gaz.
À côté de cela, il y a l’urgence de la crise environnementale, climatique, mais aussi sociale tant l’énergie est aujourd’hui détenue par si peu de gens. À ces problèmes, il existe des remèdes parfaitement identifiés depuis de nombreuses années : les économies d’énergie comme on les appelait dans les années 80, l’efficacité énergétique, la démocratie participative et une production assurée à 100 % par les énergies renouvelables, ce qu’on sait aujourd’hui parfaitement réalisable à moyen terme. Il faut en particulier réorienter les investissements énergétiques vers ces solutions autrement plus créatrices d’emplois que les vieilles énergies hyper concentrées. C’est par cette mutation que passera également un rééquilibrage des richesses vers des millions de nouveaux acteurs et une diminution des inégalités d’accès à l’énergie, source d’accès à tout le reste.
Alors pourquoi fournir des informations partielles, pourquoi filtrer les chiffres par pays et par filière sans jamais vraiment les comparer, pourquoi toujours employer le mot énergie lorsqu’on parle seulement d’électricité, pourquoi parler de MW installés plutôt que de MWh produits, pourquoi ne jamais parler ou si peu de la chaleur ? La réponse est simple : pour brouiller la compréhension des choses et faire croire qu’au vu des coûts astronomiques, financiers et environnementaux pour résoudre ces questions d’intermittence et de stockage, on est obligé de continuer un temps certain avec les vieilles énergies, celles qui rapportent beaucoup aux actionnaires et aux banques, celles qui polluent la terre, l’eau et l’atmosphère, celles qui bouleversent le climat et la vie des gens, et celles qui produisent des déchets pour des millions d’années.
Il faut donc arrêter de faire croire que les énergies renouvelables souffrent de handicaps, cela ne concerne que 20 % de la production, et en aucun cas la bioénergie. C’est certainement pour cela que l’éolien et le solaire monopolisent si fortement la communication et les efforts politiques au niveau mondial, c’est car ce sont des énergies si faciles à mettre en défaut de disponibilité et donc si pratiques pour les intérêts en place. Ce petit jeu est très clair pour les citoyens désormais, il ne tient plus qu’à eux, en votant notamment, de réclamer que la voie des solutions soit empruntée au plus vite.
Pour en savoir plus sur les chiffres consulter les excellents rapports de bioenergyeurope.org/statistical-report
Frédéric Douard, rédacteur en chef
Bonjour,
Il est amusant encore aujourd’hui de comparer les actionnaires et les banque comme de vilains êtres cupides (même s’il y en a comme dans tout troupeau, il a des brebis galeuses). L’actionnaire peut influencer voir modifier la stratégie d’une société au travers des décisions prises en assemblée générale. Il suffit de s’informer sur les raids mené par des fonds appelés « activistes » ou les changement de stratégies de certaines banques sous la pression de leurs actionnaires de ne plus financer les énergies fossiles.
Pour le reste de l’article, je suis d’accord avec vous. C’est en suivant l’argent (au sens large) qu’on arrive à mettre en évidence ce qui se cache sous la surface (ex. c’est ce que font les équipes de « cash investigations » ou de « thema ») et les raisons profondes des décisions prises par nos « décideurs » de tout bord.
Seul bémol : il faut faire attention à ce que les technologies utilisées pour la prod d’énergies renouvelables ne viennent pas créer d’autres nuisances (intégration paysagère, réutilisation/recyclage des infrastructures déjà existantes, etc). Je préfère largement voir un champ ou ne poussent que de blé plutôt qu’un champ couvert d’éolienne et/ou de panneaux solaires.
Dans tous les cas, continuez votre travail d’investigations et de promotion. C’est toujours un plaisir de vous lire.
Cordialement,