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Entrave idéologique à la centrale biomasse de Gardanne, une attitude peu constructive

Vue aérienne de la Centrale de Provence, photo Uniper

Vue aérienne de la Centrale de Provence, photo Uniper

L’information a été largement diffusée dans la presse française dès le 9 juin 2017 :  le tribunal administratif de Marseille, suivant les conclusions du rapporteur public, a décidé le 8 juin d’annuler l’autorisation d’exploiter de la centrale de Provence signée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 29 novembre 2012. Le rapporteur a appuyé les demandes des plaignants et pointé l’insuffisance de l’étude d’impact notamment sur l’approvisionnement du projet et son incidence sur les forêts et zones Natura 2000 du sud de la France.

L’entreprise Uniper, propriétaire du site, qui vient, dans le cadre de la transition énergétique voulue par la France, d’investir 300 millions d’euros pour convertir sa tranche 4 du charbon au bois, qui vient de sauver les emplois du site sinon condamné à la fermeture, et qui vient d’enclencher une dynamique de création d’emplois dans une filière bois locale moribonde, a bien entendu annoncé son intention de faire appel de la décision. Et pour l’heure, tenant compte du contexte, le Préfet de la Région Provence Alpes Côte d’Azur a délivré dès le 9 juin une autorisation provisoire d’exploiter l’unité biomasse. Ainsi la poursuite de l’exploitation de la centrale de Provence à la biomasse est maintenue.

Rappelons quand même que la centrale sous le courroux de l’opinion publique remplace une production électrique à base de charbon polluant et importé de l’autre bout du monde, par une production à base d’une énergie renouvelable locale à 100% à terme et que cette production de 150 MWé réduit de 70% ses émissions de CO2.

Le mieux est le mortel ennemi du bien*

Dans tous les domaines, vouloir à tout prix faire mieux que bien conduit presque toujours à la pérennisation ou au développement de pratiques bien plus nuisibles encore que celles condamnées par les adeptes de cet absolu imaginaire. Mais pour ces idéologues, mieux vaut certainement rester inflexible (et inactif) sur ce principe de pureté que de se compromettre au pragmatisme de la responsabilité qui est pourtant le seul moyen de progresser en société.

Dans le cas de la centrale de Gardanne, refuser cette centrale imparfaite reviendrait aussi à poursuivre l’exploitation des centrales à gaz naturel non renouvelable ou du nucléaire couteux et dangereux, tout en continuant à laisser brûler les forêts, non pas dans une chaudière avec un bon rendement et peu de pollution, mais à l’air libre avec beaucoup de dommages et une pollution au centuple. Et si le modèle de production électrique pure n’est certes pas le plus vertueux de par son rendement (mais personne ne parle des centrales nucléaires et à gaz qui sont dans ce même cas), si la centrale de Gardanne ne devrait effectivement guère dépasser le rendement de 40%, dans le cas particulier de cette région, c’est toujours beaucoup mieux qu’un rendement de zéro dans le cas où le bois est laissé à brûler ou à pourrir sur pied comme c’est aujourd’hui pour 40% de la production forestière française.

Rappelons aussi que la centrale de Gardanne est un équipement régional stratégique car c’est la seule centrale électrique de taille industrielle en région PACA, que la seule tranche biomasse est appelée à fournir non moins de 6% des besoins électriques de toute la région PACA. Alors en attendant d’avoir mieux, cette solution qui n’est souscrite que pour 20 ans, constitue une phase transitoire très honorable, d’autant que les volumes de bois qui seront consommés ne manqueront à personne !

Des croyances qui mettent la forêt méditerranéenne en grand danger

Là où les opposants au projet sont très mal informés, c’est sur la question de la ressource. En se positionnant par principe, sans regarder les chiffres, contre les quelques grands projets de bois-énergie, au prétexte qu’ils nuiraient à la forêt, c’est bien mal connaitre la problématique forestière dans cette région pratiquement sans débouché pour le bois hors énergie, dans cette région à fort risque de feu et dans cette région où moins de 25% de l’accroissement annuel est récolté. Les opposants ignorent certainement en effet que pour produire du bois de qualité et faire vivre la forêt  il faut procéder à une sylviculture qui va écarter toutes les qualités qui ne conviennent pas à l’usage matériau (très prisé des écologistes) mais dont se satisfait très bien l’énergie. Le débouché énergie est donc aujourd’hui indispensable aux propriétaires forestiers qui ont besoin des recettes apportées par l’énergie pour financer une sylviculture de long terme.

Et concernant la soi-disant démesure du projet, soyons sérieux, la centrale de Gardanne, qui va consommer 50% de bois déchets (bois de recyclage et déchets verts notamment de lutte contre les incendies), va consommer deux à trois fois moins de bois forestier (450 000 tonnes) que n’importe quelle usine de pâte à papier en France, des usines qui jusqu’à aujourd’hui n’ont pas vidé la France de ses forêts, bien au contraire, au grand dam des propriétaires forestières qui aimeraient que cette centrale consommât plus de sous-produits de sylviculture.

De plus, le projet Gardanne est un CDD et la centrale ne consommera au plus que 10% de le ressource non collectée dans la région pendant 20 ans. Ce prélèvement, s’il était réalisé à 100% sur la région PACA, ce qui ne sera pas le cas puisque d’autres région sont mises à contribution, porterait théoriquement le taux de prélèvement de 25 à moins de 35%, soit un taux excessivement bas.

Où est-donc le péril pour la forêt méditerranéenne ? Pas dans cette chaudière pour sûr ! Il réside a contrario dans le fait de ne pas exploiter la forêt, qui dans ce cas brûlera obligatoirement sur pied un jour faute de prélèvement. Et ce jour-là, tous les principes défendus par les soi-disant puristes de l’environnement seront réduits en cendres : CO2 relargué en pure perte, taux de pollution maximum, biodiversité dévastée et paysages ravagés pour de nombreuses années. Si c’est ce que veut l’opinion publique, alors j’appelle cela de l’inconséquence collective au regard des motivations défendues, de l’irresponsabilité sociétale au regard de la transition énergétique à conduire et de la lutte pour l’emploi local, et au global un crime par incompétence contre l’environnement quand la forêt aura brûlé, et dans cette région elle brûlera forcément si elle est laissée ainsi avec des taux de biomasse à l’hectare aussi conséquents !

Frédéric Douard, rédacteur en chef de Bioénergie International, magazine de la pratique écologique et concrète, libre et indépendant.

*citation attribuée à Montesquieu, philosophe et écrivain français des Lumières (1689-1755).

Pour en savoir plus, lire :

1 réponse
  1. Vanmeulebroucke Guy dit :

    Bonjour,

    Autant il est vrai que certains projets peuvent présenter des lacunes et jeter le doute,autant une exploitation raisonnée et durable du domaine forestier est un atout important parmi d’autres branches des énergies renouvelables.

    Malheureusement les incendies en PACA et autres qui sont une véritable catastrophe environnementale démontre comme dit dans l’article que beaucoup reste à faire dans ce domaine.