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La récupération de chaleur sur les fumées de la chaufferie bois de Soissons

Article de Dominique Plumail du BET CEDEN, de Rémy Aubry de WEISS France et de Yann Rogaume du LERMAB, paru dans le Bioénergie International n°45 d’octobre-novembre 2016

La chaufferie bois de Presle à Soissons, photo Cofely

La chaufferie bois de Presle à Soissons, photo Cofely

À l’occasion du renouvellement du contrat de concession du réseau de chaleur de Soissons, COFELY Service a été retenu en proposant d’installer, en complément de la chaufferie gaz/fioul, une chaufferie biomasse. Le constructeur, WEISS France, a proposé un ensemble « chaudière et condenseur » d’une puissance totale de 5,33 MW pour un combustible bois à 45% d’humidité. L’installation mise en service en mars 2012 comporte une chaudière bois Weiss de 4,5 MW et un condenseur de 0,83 MW (+18,4%), puissance annoncée par le constructeur pour une température de retour du réseau de 50°C.

Le réseau a été étendu au quartier de Chevreuse, dont les logements sont équipés de planchers chauffants. À terme, un centre aquatique y sera également raccordé. Ces éléments ont permis de mettre en œuvre une boucle plus froide qui permet de recourir à la condensation.

Schéma de principe des équipements thermiques à la chaufferie de Soissons, photo Cofely

Schéma de principe des équipements thermiques à la chaufferie de Soissons, photo Cofely

Le condenseur de Soissons, photo Weiss France

Le condenseur de Soissons, photo Weiss France

Le choix de la biomasse poursuivait plusieurs objectifs : diminution des émissions de gaz à effet de serre, augmentation du taux de couverture des besoins énergétiques par une énergie renouvelable et obtention d’une TVA à taux réduit sur l’ensemble de la facture pour les usagers… Praticien hospitalier en exercice, le maire a également entériné ce choix en raison de l’amélioration des émissions atmosphériques permise par cette technologie (abattement accru des particules, captation des acides volatiles).

Après une année complète de fonctionnement, de premiers enseignements peuvent être tirés.

Premiers enseignements

1/ Le condenseur compense la perte de puissance des générateurs, sous réserve que la température de retour du réseau soit inférieure à 55 °C

Le constructeur donne en général la puissance de la chaudière pour une humidité du combustible bois de 45%. Mais une humidité plus élevée dégrade fortement la puissance du générateur de chaleur (4.000 kW à 55% d’humidité, contre 4.500 kW à 45%). Pour un bois très humide (55%), la puissance du condenseur peut atteindre le seuil de 1.000 kW (soit 25% de la puissance de la chaudière) pour peu que la température du retour du réseau soit au minimum de 50°C. Le condenseur permet donc de maintenir la puissance du générateur de chaleur malgré une augmentation sensible de l’humidité du combustible, voire d’envisager le déploiement du service de distribution de la chaleur.

Figure 1 - Évolution de la puissance du condenseur en fonction de l’humidité du bois et de la température de retour du réseau

Figure 1 – Évolution de la puissance du condenseur en fonction de l’humidité du bois et de la température de retour du réseau

Figure 2 - Évolution de la puissance de la chaudière au bois sans et avec condenseur en fonction de l’humidité du bois à Soissons pour 3 températures différentes de retour réseau

Figure 2 – Évolution de la puissance de la chaudière au bois sans et avec condenseur en fonction de l’humidité du bois à Soissons pour 3 températures différentes de retour réseau

2/ Les températures de retour du réseau

La température de retour du réseau en chaufferie centrale résulte, au niveau de chaque poste de livraison de la chaleur, du couple « température / débit « . Certains bâtiments sont équipés de planchers chauffants (quartier de Chevreuse) ; d’autres ne sont pas isolés et équipés de radiateurs classiques (loi d’eau 80°C/60°C pour une température extérieure de -7°C).

À partir du mois de mai jusqu’au mois d’octobre, les besoins d’eau chaude sanitaire sont prépondérants ; durant la demi-saison et en été, le condenseur est ainsi à l’arrêt.

Figure 3 - Puissances moyenne et maximale du condenseur (en kW) à Soissons

Figure 3 – Puissances moyenne et maximale du condenseur (en kW) à Soissons

Un suivi du fonctionnement du condenseur de Soissons a été entrepris sur une période de trois mois, du 15 janvier au 15 avril 2014. Les résultats suivants s’appuient sur les relevés d’exploitation communiqués par COFELY Service (concessionnaire du service public de la chaleur).

On constate que les températures de retour ne sont jamais inférieures à 45°C, mais dépassent assez peu le seuil des 60°C (figures 4, 5 et 6). Globalement, elles sont inférieures à ce seuil pendant 4/5ème du temps. Elles évoluent en fonction de la température extérieure ; il est cependant difficile d’en déduire une règle mathématique. Lorsque celle-ci est inférieure à 5°C, la moyenne des températures de retour est de 52,7°C. En revanche, elle s’élève à 63,6°C lorsque la température extérieure excède 15°C (90% du temps seulement durant les 3 mois de suivi).

Figure 4 - Évolution de la température de retour du réseau en fonction de la température extérieure

Figure 4 – Évolution de la température de retour du réseau en fonction de la température extérieure

Figure 5 - Durée de fonctionnement du condenseur en fonction des températures de retour du réseau

Figure 5 – Durée de fonctionnement du condenseur en fonction des températures de retour du réseau

Figure 6 - Durée de fonctionnement du condenseur et températures moyennes de retour du réseau en fonction de la température extérieure

Figure 6 – Durée de fonctionnement du condenseur et températures moyennes de retour du réseau en fonction de la température extérieure

3/ 95% de l’énergie délivrée par le condenseur lorsque la température extérieure est inférieure à 15°C

La puissance moyenne développée par le condenseur est fonction de la rigueur climatique. Plus la température extérieure est faible, plus l’énergie fournie par le condenseur est importante. À titre d’illustration, 5% seulement de l’énergie durant les 3 mois de suivi ont été produits quand la température extérieure excédait le seuil des 15°C.

Lorsque la température de retour du réseau est supérieure à 60°C, le condenseur ne fonctionne pas. Lorsqu’elle est inférieure à 50°C, le condenseur développe une puissance supérieure à 660 kW en moyenne. A partir de la puissance moyenne du condenseur, on peut néanmoins en déduire que le bois présente une humidité moyenne entre 35 et 40%. Pour le moment, COFELY Service n’a communiqué aucune information sur la qualité du bois brûlé.

Figure 7 - Énergie produite et puissance moyenne développée par le condenseur en fonction de la température extérieure (période du 15 janvier au 15 avril 2014)

Figure 7 – Énergie produite et puissance moyenne développée par le condenseur en fonction de la température extérieure (période du 15 janvier au 15 avril 2014)

Figure 8 - Énergie produite et puissance moyenne développée par le condenseur en fonction de la température de retour du réseau (période du 15 janvier au 15 avril 2014)

Figure 8 – Énergie produite et puissance moyenne développée par le condenseur en fonction de la température de retour du réseau (période du 15 janvier au 15 avril 2014)

Sur l’ensemble de l’année, COFELY Service déclare avoir dépassé un rendement sur PCI de 100% à Soissons ; à Farébersviller (57), la société atteint le seuil de 103%.

Dans les 2 cas, les résultats ont dépassé les objectifs.

4/ Confirmation de l’intérêt environnemental de la condensation

En matière environnementale, le condenseur permet d’abattre une partie substantielle des particules et environ 1/5ème des éléments traces métalliques ; en revanche, l’effet sur les oxydes d’azote ou oxydes de soufre semble plus modestes, voire inexistant (tableau 1).

Tableau 1 - Mesures des émissions atmosphériques réalisées par l’APAVE (15 et 16 janvier 2014) à la chaufferie de Soissons. Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

Tableau 1 – Mesures des émissions atmosphériques réalisées par l’APAVE
(15 et 16 janvier 2014) à la chaufferie de Soissons. Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Cependant, les condensats contiennent une teneur relativement élevée de matières en suspension, ainsi que des sulfates (ce qui laisse supposer une captation, au moins partielle du soufre dans les rejets aqueux). Ces résultats analytiques confirment le caractère « épuratoire » de la condensation. Les rejets aqueux respectent les valeurs limites de rejet dans le réseau des eaux usées (tableau 2).

Tableau 2 - Analyse des rejets aqueux du condenseur. Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

Tableau 2 – Analyse des rejets aqueux du condenseur. Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Les facteurs d’optimisation

La température de la source froide constitue la contrainte la plus importante pour la condensation. Dans l’hypothèse où les températures de retour sont trop élevées, deux systèmes peuvent être envisagés en chaufferie centrale : l’humidification de l’air comburant et l’installation d’une pompe à chaleur.

L’humidificateur de l’air comburant

La chaudière Weiss de la chaufferie de Soissons, photo Cofely

La chaudière Weiss de la chaufferie de Soissons, photo Cofely

La saturation en eau de l’air de combustion a pour effet d’élever le point de rosée des fumées, qui peut atteindre 70-72°C à l’aide d’un humidificateur. Ce système permet donc de condenser avec des retours réseau à plus haute température.

La saturation de l’air de combustion a néanmoins plusieurs incidences :

  • Une augmentation du débit massique dans la chaudière nécessitant une puissance de ventilation plus importante.
  • Le risque de condensation de la vapeur d’eau dans les ventilateurs d’air.
  • Un risque de corrosion lié à un changement de la qualité du combustible ou du mélange de combustibles.
  • La formation d’un panache de vapeur en sortie de cheminée en hiver pouvant entraîner des problèmes de gel.
  • Des vibrations au niveau des ventilateurs de fumées ou d’air, lorsqu’ils sont situés trop près de coudes.

Ce dispositif ne présente aucun risque d’altération de la puissance de la chaudière. En effet, l’eau contenue dans l’air comburant est à l’état de vapeur et ne peut se condenser dans la chaudière car l’atmosphère y est à plus de 100°C (à pression atmosphérique).

La rentabilité d’un humidificateur d’air est déterminée par la température de retour du réseau, humidité et le prix d’achat du bois, du prix de vente de la chaleur et de la durée de fonctionnement annuelle de la chaudière bois.

La pompe à chaleur (condensation active)

La pompe à chaleur (PAC) déplace la chaleur d’une source basse température vers une source froide grâce aux changements d’état d’un fluide caloporteur (souvent de l’eau). La PAC à compression ou absorption a pour objectif de capter la chaleur contenue dans les condensats et de réchauffer le fluide caloporteur. Réservée au condenseur-laveur, elle remplace l’échangeur condensats/eau du réseau : on parle de condensation active.

Conclusions

La chaufferie du réseau de chaleur de Soissons, photo Cofely

La chaufferie du réseau de chaleur de Soissons, photo Cofely

L’expérience de Soissons démontre l’intérêt de la condensation, y compris sur des réseaux anciens, L’isolation de vieux bâtiments constitue en effet une opportunité pour abaisser les températures de retour en chaufferie centrale. Simultanément, un aménagement des installations secondaires de distribution de la chaleur dans les logements, à la charge du bailleur social ou de la copropriété, doit cependant être entrepris, mais sa réalisation nécessite des investissements souvent non programmés.

Si la température de retour apparaît insuffisamment basse, des systèmes d’optimisation de la condensation (humidificateur d’air et pompe à chaleur), équipant notamment certaines chaufferies du Nord de l’Europe, peuvent être installés. Ces systèmes, qui renchérissent les coûts d’investissement, ne sont en revanche pas encore développés en France.

Par méconnaissance de l’efficacité sur l’épuration des fumées et par crainte d’un fonctionnement altéré par une température de retour trop élevée, les condenseurs sont installés en aval du filtre à manches ou de l’électrofiltre. La condensation ne modifie pas le dimensionnement de ces équipements. Or, ils pourraient être localisés en amont de ces équipements, et à ce titre, contribuer à en réduire le dimensionnement et les coûts d’investissement.

La cheminée de la chaufferie du réseau de chaleur de Soissons, photo Cofely

La cheminée de la chaufferie du réseau de chaleur de Soissons, sans panache de vapeur, photo Cofely

Économiquement, la condensation ne se justifie donc pas seulement par la réduction des consommations de combustible bois, dont les coûts, dans cette région, deviennent particulièrement élevés.

Écologiquement, le condenseur est un moyen d’améliorer un peu plus la qualité des émissions atmosphériques, voire de supprimer le panache de vapeur à la sortie de la cheminée d’une chaufferie au bois.

Sociologiquement, cette technologie peut contribuer à redresser l’image de services publics de la chaleur, dont la rentabilité est souvent associée au caractère énergivore des bâtiments raccordés.

Enfin, le développement de cette technologie reste timide à l’échelle de l’Hexagone. Pour faciliter son développement sur les chaufferies au bois existantes et en projet, des travaux de Recherche & Développement mériteraient d’être engagés avec le soutien des Pouvoirs publics pour approfondir l’efficacité de la condensation des fumées sur la qualité des émissions atmosphériques et pour estimer l’amélioration des performances techniques et économiques des réseaux de chaleur urbains.

Contacts des principaux équipementiers cités :

Auteurs :

Lire également sur le même sujet : La condensation, atout de taille pour les chaufferies à biomasse humide


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