Nouvelle vague de projets d’injection de biométhane en France en 2015 ?
Article du cabinet de conseil SIA PARTNERS publié sur son blog Energie et Environnement. |
Depuis 2011, le biométhane, gaz issu de la fermentation des déchets, peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel. Ce gaz renouvelable, neutre en CO2 , a été identifié comme un vecteur important de la transition énergétique lors du Grenelle 1 et le gouvernement a renouvelé son intérêt pour la filière biogaz et biométhane en 2013 en lançant le plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA)1. La cinquième installation injectant du biométhane dans les réseaux de gaz français a été mise en service en juillet 2014. Deux ans et demi après la publication de la loi autorisant l’injection, ce nombre peut paraître faible. Pourtant de nombreux indicateurs témoignent aujourd’hui d’un développement imminent de ce mode de valorisation.
Le territoire français, propice au développement de l’injection de biométhane
Tout d’abord, les 240 000 kilomètres de canalisations de gaz assurent un maillage particulièrement dense du territoire, ce qui augmente les possibilités de raccordement en limitant les surcoûts. Il faut également noter que les réseaux de gaz naturel disposent de nombreuses capacités de stockage (près de 300 TWh2) ce qui procure plus de flexibilité3 que la production d’électricité par cogénération. L’injection de biométhane serait donc un moyen de valoriser les infrastructures gazières au sein de la transition énergétique.
De plus, avec 60% de la surface de son territoire consacrée à l’agriculture, la France est le premier producteur agricole européen. Ce qui, de fait, assure un potentiel de matière méthanisable très important. A cela s’ajoute les déchets industriels et ménagers dont une grande partie peut être méthanisée. L’ADEME a évalué ce potentiel à 184 TWh, soit près de 35% du gaz consommé en France chaque année si la totalité des déchets méthanisables était mobilisée4.
Le démarrage timide s’explique facilement et la filière bénéficie désormais d’un cadre réglementaire plus complet
L’aboutissement de seulement 5 projets en deux ans et demi s’explique par 2 raisons. Premièrement, les délais pour monter les dossiers de telles unités, techniques mais surtout administratifs, sont particulièrement longs. Il faut compter au minimum 3 ans et il n’est pas rare que des projets s’étendent sur 4 ou 5 ans. Deuxièmement, malgré l’autorisation d’injecter dans les réseaux dès 2011, le cadre réglementaire a été progressivement complété jusqu’à encore très récemment : autorisation de la double valorisation en 2013 (injection dans les réseaux de gaz et d’électricité) et autorisation d’injecter le biométhane issu des stations d’épuration en juin 2014. De plus, les gestionnaires de réseaux ont dû construire et mettre en place les procédures nécessaires à la constitution du dossier et définir les exigences techniques des postes d’injection. Les projets qui voient le jour actuellement ont donc servi de « projets pilotes ».
Les démarches administratives doivent cependant encore être simplifiées
Malgré son potentiel important et son arrivée progressive à maturité, la filière souffre encore de certaines faiblesses : de nombreux projets ne survivent pas à la lourdeur et la complexité des démarches administratives. Les professionnels du secteur attendent beaucoup du « dossier unique » annoncé en septembre 2013 et expérimenté dans 7 régions françaises depuis mars 2014. Ce dossier doit permettre de regrouper au sein d’un dossier unique toutes les autorisations qui concernent le projet : ICPE, permis de construire, autorisation de défrichement, etc. En parallèle, afin de mieux accompagner les porteurs de projets dans ces « labyrinthes administratifs » les gestionnaires de réseaux se sont davantage impliqués dans la partie amont des projets en fournissant de l’information et des conseils : GrDF a lancé en 2012 avec l’ADEME le site www.injectionbiomethane.fr et GRTgaz propose l’outil Réso’Vert qui permet de visualiser la proximité des projets par rapport à son réseau.
La première vague de projets verra le jour en 2015 et 2016 mais l’injection restera plus adaptée aux unités de grande taille
Désormais, les conditions sont réunies pour que ce mode de valorisation soit compétitif par rapport à la cogénération seule : avec l’autorisation d’injecter le biométhane issu des stations d’épuration et la possibilité de pratiquer le double valorisation, le cadre réglementaire n’est désormais plus un obstacle. De plus, les démarches administratives sont en voie de simplification, les gestionnaires de réseaux s’impliquent davantage et les porteurs de projet sont de mieux en mieux accompagnés. Les bureaux d’études ont en effet laissé la place à des entreprises intégrées sur toute la chaîne de valeur, assurant les études techniques mais également le financement, la construction et l’exploitation tandis que les collectivités jouent un rôle grandissant. Étant donné les investissements importants, et comme en témoignent les premières installations, les projets d’injection sont en général des projets à l’échelle du territoire et de grande taille. Les professionnels du secteur attendent donc des pouvoirs publics qu’ils adoptent une stratégie claire et qu’ils jouent le rôle de facilitateur entre les différents acteurs concernés : producteurs de déchets, acteurs de la collecte, riverains, industriels, énergéticiens, etc.
A ce jour, force est de constater que les annonces politiques faites au national peinent à être déployées en région. Cependant, le nombre de dossiers déposés chez les gestionnaires de réseaux – près de 500 – témoigne de l’engouement que rencontre actuellement l’injection. On peut donc s’attendre à ce qu’une partie d’entre eux voit le jour dès 2015 et 2016. Avec le lancement, progressif, de mesures à l’échelle régionale favorisant la méthanisation et l’injection, la production de gaz « vert » pourrait bien atteindre 5 à 16 TWh d’ici 2020, ce qui permettrait d’alimenter 120 000 à 390 000 logements basse consommation5. Le biométhane circulant dans les réseaux de gaz est aujourd’hui issu de la méthanisation mais il pourrait aussi, à plus ou moins long terme, être produit par gazéification6 de biomasse ou valorisation de microalgues.
B. Hallo, V. de Font-Réaulx, SIA Partners
Sur le même sujet, retrouvez l’interview de Jérémy Ravillion, agriculteur porteur d’un projet d’injection de biométhane.
Cet article est extrait du magazine Sia Partners « Réinventer l’énergie, l’innovation au service des nouveaux usages »
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Notes :
(1) L’objectif du plan EMAA est d’avoir, en France, un parc de 1 000 méthaniseurs agricoles en 2020.
(2) Source : MEDDE, 2009.
(3) Remarque : seul le biométhane injecté sur le réseau de transport (GRTgaz et TIGF) peut être acheminé, si nécessaire, vers des capacités de stockage.
(4) Étude ADEME, avril 2013. Le chiffre de 184 TWh correspond à la quantité de matière méthanisable techniquement mobilisable dans le contexte français (pas de culture vivrière) et sans distinction du mode de valorisation (injection, cogénération, chaleur, carburant, etc.).
(5) Perspectives d’injection selon GrDF.
(6) Le projet GAYA, coordonné par GDF Suez, vise ainsi à mettre en place d’ici 2017 une filière de production de biométhane de 2ème génération (par gazéification de biomasse), transportable via les infrastructures gazières.
Fondé en 1999, avec 300 consultants, le cabinet de conseil en management Sia Partners (initialement SIA-Conseil) est présent en France, Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, au Maroc et à Dubai. Il a développé un magazine internet Energies et environnement. |