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Entretien avec Jérémy Ravillion, futur producteur de biométhane

Article du cabinet de conseil SIA PARTNERS  publié danss son magazine Energie et Environnement.

Jérémy-Ravillion1Le cabinet de conseil Sia Partners est allé à la rencontre de Jérémy Ravillion, agriculteur et porteur d’un projet d’injection de biométhane à Pierre Morains dans la Marne, pour partager son expérience sur une technologie innovante et promise à un bel avenir en France.

Sia Partners : Vous êtes porteur d’un projet de production de biogaz, Metha Horizon. Pouvez-vous me présenter votre projet ?
Jérémy Ravillion : Le projet de méthanisation Metha Horizon fédère 37 agriculteurs qui apportent de la matière et récupèrent le digestat : nous faisons un échange avec les agriculteurs.
Les 40 000 tonnes de matières entrantes viennent des exploitations agricoles à 80% : de la paille, du lisier, du fumier ou des cultures dérobées (cultures secondaires qui sont plantées après la moisson de la culture principale, comme du sorgho ou de l’avoine). Le reste provient de coopératives (des issus de silo et de la pulpe de betterave). Nous avons écartés les autres types de déchets, de l’industrie agroalimentaire ou ménagers, pour des soucis de régularité des entrants.
Le biogaz produit doit être valorisé sous forme de biométhane : nous prévoyons d’injecter 250 Nm3/h dans le réseau GRTgaz. L’investissement global s’élève à 9 à 10 millions d’euro.

Sia Partners : A quel stade du projet êtes-vous ? Quand avez-vous lancé le projet et quand prévoyez-vous de mettre en service votre installation ?
Jérémy Ravillion : Le projet a démarré en 2009 et nous pouvons envisager le début des travaux pour fin 2015 : le permis de construire a été accordé et les démarches pour obtenir l’autorisation d’exploiter sont en cours. Ce qui ralentit le projet, c’est l’ensemble des démarches administratives qui ont débutées il y a 2 ans. La région fait partie de l’expérimentation sur l’autorisation simplifiée, qui doit permettre de mener l’ensemble des démarches administratives en 10 mois, mais le projet ayant déjà le permis de construire, il y a une incertitude sur la possibilité pour Metha Horizon de bénéficier de cette simplification.

Sia Partners : Quels sont les acteurs du projet ?
Jérémy Ravillion : Metha Horizon est constitué de la société Idex (49%) et de Jérémy Ravillion (51%). Les agriculteurs devraient rentrer au capital lorsque les autorisations seront données. Le projet doit rester porté globalement par les agriculteurs. Le développeur Idex accompagne le projet depuis 2 ans. Il est co-investisseur (à hauteur de 20%) et doit aussi être exploitant.

Sia Partners : L’injection de biométhane n’est autorisée que depuis 2011, et il y a encore peu de projets en fonctionnement. Pourquoi avoir choisi de vous tourner vers l’injection de biométhane ?
Jérémy Ravillion : Il n’y avait pas de valorisation thermique à proximité, et le terrain est à côté du réseau de gaz. D’autre part, il y a pas mal d’éoliennes dans la région donc les postes sources pour l’électricité sont assez saturés.

Sia Partners : Avez-vous bénéficié d’un accompagnement de la région, d’organismes, ou des gestionnaires de réseau ?
Jérémy Ravillion : Il n’y a pas eu de soutien particulier de la part de la région. GRTgaz était à l’écoute et les discussions avec eux ont commencé en 2010, avant même que le cadre réglementaire ne sorte. Le projet était dans les premiers : nous avons donc été invités aux groupes de travail avec GRTgaz pour élaborer les contrats de raccordement et les plannings.
Sur le plan d’épandage, la profession agricole a été moteur. La Chambre d’Agriculture de la Marne et la FDSEA de la Marne sont des soutiens auprès de la préfecture et des autorités compétentes.

Sia Partners : Pourquoi vous êtes-vous lancés dans ce projet ?
Jérémy Ravillion : Lancer ce projet permettait de gagner en valeur ajoutée sur les exploitations et de gérer plus durablement la fertilisation des parcelles agricoles.
En 2009, il était question de la réforme de la PAC. Je cherchais des moyens pour diversifier le revenu au niveau agricole. D’autre part, la méthanisation offre une voie pour être moins dépendant des fertilisants chimiques, issus d’énergie fossile. En effet, nous utilisons du compost venant de Belgique, issu notamment de la méthanisation, pourquoi donc ne pas valoriser nous-mêmes les déchets agricoles au travers de la méthanisation ? Les agriculteurs ont besoin du digestat sur place : l’objectif est de le faire homologuer pour le sortir du statut de déchet, mais il n’est pas question de le vendre ailleurs.

Sia Partners : Quelles principales difficultés avez-vous rencontrées ? 
Jérémy Ravillion : La première difficulté a été de former un groupe d’agriculteurs. En 2009, on parlait très peu du biogaz. Ce n’était pas connu comme aujourd’hui.
Ensuite, il a fallu trouver la meilleure valorisation du biogaz possible ainsi que l’emplacement.
Finalement, le projet était un peu trop en avance : les difficultés viennent de là, et nous avons subi le retard. Il n’y avait pas encore de cadre avec le gestionnaire de réseau de transport, et beaucoup de contraintes administratives.

Sia Partners : Suite à l’expérience de votre projet, conseillerez-vous l’injection ?
Jérémy Ravillion : Il faut voir la valorisation au cas par cas. On ne peut pas conseiller formellement un mode de valorisation.

Sia Partners : La double valorisation du biogaz pour produire de l’électricité et du biométhane a été autorisée début 2013. Vous semble-t-elle un élément propice au développement de l’injection ?
Jérémy Ravillion : Cela est peut-être intéressant pour certains projets mais la double valorisation implique un investissement beaucoup plus important puisqu’il faut investir dans deux processus. L’investissement pour l’injection de biométhane est déjà très important et impose un seuil sur la taille des projets.

Sia Partners : Comment gérer vous les baisses de capacités d’injection de biométhane ?
Jérémy Ravillion : Nous devons injecter sur le réseau de transport, il s’agit de grosses artères, et nos capacités sont déjà réservées.

Sia Partners : Quel retour pouvez-vous faire sur le soutien politique et notamment le plan EMAA (Energie Méthanisation Autonomie Azote) qui vise l’installation de 1 000 méthaniseurs à la ferme à l’horizon 2020 ?
Jérémy Ravillion : Il y a beaucoup de volonté politique affichée au niveau national, mais très peu de transcription au niveau régionale et départementale. Entre le national et ce qui se passe en région, on voit des résultats très hétérogènes suivant les régions. Il s’agit presque de distorsion de concurrence entre les projets. Dans certains cas, les études sont financées par les régions et les projets bénéficient de beaucoup de subventions, dans d’autres cas, c’est beaucoup moins vrai. Les aides locales sont très hétérogènes.

Jérémy Ravillion est agriculteur-viticulteur à Pierre-Morains, dans la Marne. Il s’est installé en 2009 sur l’exploitation familiale. A 28 ans, il est porteur du projet de méthanisation Metha Horizon et à la tête d’une entreprise de commercialisation de compost.

Sia PartnersC. de Lorgeril, V. de Font-Réaulx, SIA Partners

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Fondé en 1999, avec 300 consultants, le cabinet de conseil en management Sia Partners (initialement SIA-Conseil) est présent en France, Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, au Maroc et à Dubai. Il a développé un magazine internet « Energies et environnement« .