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Les objectifs français pour le bois-énergie en 2020 seront-ils atteints ?

Jean-Louis Bal en ouverture du colloque, Président du SER, photo Frédéric Douard

La première édition du Colloque national biomasse, organisée le 30 juin 2011 à Paris-La-Défense par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a réuni plus de 300 participants : gestionnaires et exploitants forestiers, industriels, énergéticiens, pouvoirs publics, parlementaires et élus locaux, associations environnementales…

Parmi les informations à souligner, rappelons que l’objectif de la France est de tripler le recours au bois en matière de chauffage collectif et industriel. Sur ce point, les informations communiquées sur la ressource disponible par l’Inventaire Forestier National (IFN) ont été de nature à calmer les inquiétudes au niveau des quantités, la ressource nationale disponible est de nature à couvrir totalement les besoins liés aux objectifs de 2020…. il faudra juste que les acteurs apprennent à payer « un peu » le bois pour que celui-ci soit effectivement disponible.

En matière de chauffage domestique, les ambitions à 2020 sont de maintenir la consommation actuelle mais d’essayer de la répartir sur 50% d’utilisateurs en plus, 9 millions au lieu de 6 millions actuellement, en jouant sur l’amélioration de l’efficacité des nouveaux appareils de chauffage. Le crédit d’impôt avec exigence de rendement minimum a sur ce point depuis 2005 montré son efficacité. Mais pour atteindre cet objectif de +50% d’utilisateurs, il est évident que l’on ne pourra pas faire l’impasse de ce type de mesure choc durant les 10 prochaines années, et nous attendons 2012 avec impatience pour voir la confirmation de la poursuite du dispositif au delà des présidentielles, ou de son évolution vers des mesures similaires comme la prime à la casse.

Sébastien Elissalde, AIRBUS, présentant son projet de chaufferie de 12 MW, photo Frédéric Douard

Le coup d’accélérateur en matière de consommation de bois vient surtout du Fonds Chaleur renouvelable mis en place en janvier 2009. Ce dispositif financier alloue des aides aux collectivités comme aux entreprises.

Doté d’une première enveloppe financière de 1,2 milliard d’euros sur 5 ans (2009-2013), il doit permettre la production 5,47 Mtep d’ici 2020. Sur ce point, le SER, en la personne de son Président Jean-Louis Bal a déclaré haut et fort que l’enveloppe ne suffirait pas à atteindre l’objectif et qu’il fallait déjà au moins prévoir de la doubler.

Un bémol récurrent est venu de la salle pour rappeler que le Fonds chaleur n’intervient que pour les gros projets (> 100 tep de consommation, soit environ 500 kW de puissance) et que par conséquent une grande partie de l’objectif en particulier lié à l’économie locale et rurale pour les communes petites et moyennes allait passer à la trappe (Voir article sur la fin des aides régionales). Saluons quand même cette belle réussite du dispositif vers les industriels qui avaient été fort rares jusque là à se lancer dans la biomasse en dehors des industriels eux-mêmes producteurs de déchets (bois, agro-alimentaire). Et il faut en effet reconnaitre qu’au delà des chiffres de consommation induits par ces industriels, il est fort plaisant de pouvoir dire aujourd’hui que des industriels comme Airbus, Nestlé, Yves Rocher ou encore Michelin font confiance au bois-énergie !

Sur la question de l’électricité biomasse, nulle allusion n’ a été faite de l’efficacité du tarif d’obligation d’achat révisé à la hausse en janvier 2011 : 4,34c€/kWh + prime de 7,7 à 10,12cts/kWh (2 projets seulement depuis 2001 : Felletin et Bar sur Aube). Sur le dispositif des appels d’offres, conformation a été officiellement donnée par l’ADEME que 16% seulement des projets reçus lors des CRE1, CRE2 et CRE3 seront en fonctionnement fin 2011 (11 sur 68).

En conclusion, et c’était l’objet de la première diapositive du colloque, le chemin qui reste à parcourir est gigantesque, il ne reste plus que 9 ans avant 2020, certains dispositifs mis en œuvre sont insuffisants ou non garantis dans le temps voire totalement inefficaces et le doute plane quand à la réelle volonté d’atteindre effectivement les objectifs affichés.

Sur le chauffage domestique, la réussite dépendra de la poursuite ou non au delà des présidentielles de 2012 de dispositifs incitatifs comme un crédit d’impôt attractif ou une prime à la casse pour le remplacement des appareils vétustes.

Sur le chauffage collectif et industriel, l’enveloppe actuelle du fonds chaleur est clairement insuffisante pour approcher l’objectif impressionnant de 300% d’augmentation de la consommation dans les collectivités et l’industrie.

Sur la cogénération, rien de significatif  n’ayant commencé à se profiler jusqu’à aujourd’hui, les plus grands doutes sont légitimes pour une quelconque réalisation d’objectif, et le manque de volonté d’appliquer des recettes qui marchent bien, en Allemagne par exemple (seuils de puissance plus bas et tarifs plus élevés – Rappelons que les tarifs d’achat de l’électricité biomasse sont les plus bas de toutes les énergies renouvelables) démontre un manque de volonté politique manifeste d’avancer dans cette voie. Pourtant Fukushima est passé par là, de nombreux pays en tirent les conséquences en diversifiant leur mix énergétique, et il est peut-être temps d’avoir aussi en France plusieurs priorités en matière d’électricité et de ne pas continuer à mettre tous ses œufs dans le même panier comme cela est fait depuis plus de 50 ans.

Frédéric Douard, Bioénergie International, 21 juillet 2011.

1 réponse
  1. Simon Gaillard dit :

    Donc il va falloir produire de la TEP à enveloppe constante, donc aider les projets les plus rentables selon ce seul critère de production, donc les petits projets, qui atteignent rarement les 2 000 h/an, ne risquent pas de voir les aides revenir.
    Il existe pourtant d’autres critères aussi défendables que le nombre de TEP produites par milliers d’€ d’argent publique investit, par exemple: le nombre d’emplois créés ou reconvertis, à l’inverse : le nombre de kilomètres parcouru/TEP par les camions alimentant la chaufferie ; le nombre de MAP consommé par MWh sortie chaudière, bien plus important pour les grosses chaufferies qui brulent du bois frais au PCI jusqu’à deux fois plus faible que ce que brule une petite chaudière …

    Mais les petits projets ne vont pas se rendre sans combattre: les optimisations peuvent être nombreuses: pour les réseaux de chaleur : travaux communs avec un autre réseau ( enfouissement de l’éclairage public par ex. ) plus difficile pour les gros projets car ils concernent plus facilement plusieurs rues, silo préfabriqué standard du matériel agricole, chaufferie préfabriquée elle aussi, en container, auto-construction, maitrise d’ouvrage (et maitrise d’oeuvre) croupée, il y a maintes façon de réduire les couts des petits projets.

    simon.gaillard@gmail.com
    un thermicien disponible, « fan » de bois énergie mais débutant, qui aimerait bien pouvoir commencer sa carrière sur des petits projets.