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Trois nouveaux projets d’algocarburants en Espagne

Bassin de culture de micro-algues, photo Frédéric Douard

Après l‘usine BFS de Alicante dont nous vous parlions en janvier, ce mois-ci encore, plusieurs expériences sur les microalgues ont été relevées par la presse espagnole, preuve d’un intérêt accru pour cette prometteuse source d’énergie dans laquelle l’Espagne s’implique de plus en plus. Parmi les récentes initiatives, on peut noter la création d’une plateforme expérimentale sur l’aéroport de Barajas, l’adaptation de la centrale thermique de Carboneras ou encore le projet européen EnerBioAlgae développé conjointement par des scientifiques français, espagnols et portugais en Galice et au Portugal. Dans ces trois cas détaillés ci-dessous, l’objectif est double : capturer du CO2 et produire du biocarburant.

=> Une plateforme expérimentale installée sur l’aéroport de Madrid

600.000 euros seront consacrés au projet de production de biocarburant à partir de microalgues, qui devrait démarrer à l’aéroport de Madrid au mois de juin 2011. L’initiative présentée par l’Institut de Biochimie Végétale et Photosynthèse de Séville a été soutenue par le secrétaire d’état aux transports ainsi que les présidents d’Aena (aéroports espagnols et navigation aérienne, d’Ibéria et d’AlgaEnergy [1].

Ce centre d’expérimentation situé au terminal T4 et géré par AlgaEnergy, se consacrera à l’amélioration des technologies de capture de CO2 provenant des installations aéroportuaires dans le but de cultiver des microalgues destinées à la production de biomasse. Repsol, en tant qu’actionnaire et membre technique d’AlgaEnergy se chargera de la transformation de ces algues en biocarburant.

La plateforme technologique sera approvisionnée avec de l’eau distillée en provenance de l’épurateur d’Iberia et utilisera le CO2 provenant des installations d’Aena et du banc d’essais de moteurs d’Ibéria. Elle servira de fournisseur de biomasse aux membres du programme CENIT-VIDA « Valorización Integral de micro Algas » mené par Iberdrola et permettra aussi de développer les brevets des procédés biologiques qu’AlgaEnergy a obtenu du CSIC (équivalent du CNRS français). Les universités de Séville et d’Almeria, pionnières mondiales dans ce domaine participeront aux expériences et processus d’obtention des objectifs de la plateforme.

=> Lancement de la seconde phase de développement pour l’usine pilote de microalgues au sein de la centrale thermique de Carboneras appartenant à Endesa

Sur une surface de 1.000 m2 autour de la centrale thermique à charbon du village côtier de Carboneras, dans la région d’Alméria, Endesa a installé une usine pilote de microalgues, cultivées avec le CO2 généré par la combustion du charbon de la centrale.

Commencé en 2006, le projet baptisé CenitCO2, est mené par Endesa, grande entreprise espagnole de distribution d’électricité et de gaz, et soutenu par le ministère de la science et de l’innovation, et compte avec la participation de l’université d’Alméria ainsi que les centres de développement technologique Leia de Navarre et Aitemin de Madrid (Association pour la recherche et le développement industriel des ressources naturels) [3]. Une partie du projet est financé par le CDTI (Centre pour le développement technologique industriel).

L’usine utilise une technologie brevetée par Endesa concernant l’apport de CO2 en milieu aqueux. En effet, les algues sont nourries par plusieurs tubes leur apportant chacun les éléments nécessaires à leur croissance : nutriments, air atmosphérique, eau et CO2. Dans le cas de la centrale thermique de Carboneras, le CO2, directement prélevé à la zone de combustion de la centrale est injecté dans la zone de culture avec de l’eau de mer. La première phase de développement du projet consistait notamment, outre le fait de mettre en marche l’usine et de sélectionner des microorganismes d’eau salée, à démontrer le potentiel de survie des algues sans présence d’eau purifiée.

L’injection du gaz en milieu aqueux augmenterait même la voracité des algues. Toute la production est automatisée. Sur les 15 bioréacteurs actuellement en fonction, un panneau de contrôle mesure, tous les 3 réacteurs, le pH et la température au sein de ceux-ci pour contrôler l’arriver des nutriments. Quand le pH de l’eau augmente, cela signifie que les plantes ont faim et ont consommé tout le CO2. La température de croissance optimale est de 30 degrés.

Dans la seconde phase initiée mi mai, de nouvelles zones de cultures mais aussi une bioraffinerie vont s’implanter sur 1.000 m2 supplémentaires autour de la centrale pour permettre la production de biodiesel, de bioéthanol, de fertilisants et autres produits dérivés. En laboratoire, il a déjà été démontré qu’il est possible d’obtenir de chaque type d’algue un composé chimique déterminé et un produit final différent.

L’objectif est de trouver l’algue, qui, capture la plus grande quantité de CO2 par unité de surface: entre 300 et 600 tonnes de CO2 par hectare et par jour. L’usine de Carboneras produit 32.000 MWh et émet 850 kg de CO2 par MWh. Sur cette installation pilote, chaque kg de microalgues coûte 5 centimes et il faudrait atteindre un coût de 0.5 centimes/kg pour qu’elle soit rentable.

Selon les estimations d’Endesa, l’Espagne, et plus particulièrement la région d’Alméria possèdent un grand potentiel pour la culture de microalgues. Il serait possible de produire entre 130 et 300 kg d’huile de biodiesel par hectare et par jour.

=> Le projet EnerBioAlgae promeut la culture de microalgues en eaux contaminées

Des scientifiques espagnols, français et portugais collaborent sur le projet EnerBioAlguae [4] qui prétend renforcer le rendement énergétique des territoires en résolvant la problématique environnementale liée aux ressources en eau dégradée.

Le projet EnerBioAlgae représente une proposition intégrant la protection et la conservation de l’environnement, la lutte contre le changement climatique, la diversification des sources de ravitaillement énergétique, le développement ainsi que l’exploitation d’énergies alternatives et la protection de la biodiversité.

Lancé en janvier 2011, le projet devrait s’achever en décembre 2012 et compte sur un budget de 600.000 euros financés à 75% par des fonds communautaires.

Ce projet auquel participent des chercheurs des universités de Vigo et d’Alméria pour l’Espagne, de l’université d’Aveiro pour le Portugal et de Pau et du Pays de l’Adour pour la France, ainsi que l’Institut énergétique Inega de Galice, consiste en :

  • Affiner le système de production de biomasse algal à des fins énergétiques pour améliorer le rendement de la productivité des cultures.
  • Identifier et exploiter des ressources en eau dégradée avec une charge inorganique élevée ainsi qu’un fort potentiel énergétique. La zone d’action sera concentrée sur la Galice (Espagne) et Aveiro (Portugal).
  • Développer des technologies d’instrumentation pour le suivi et le contrôle en ligne des cultures énergétiques.
  • Optimiser la qualité du biodiesel à base de microalgues (en respectant la réglementation européenne) pour stimuler les investissements publics et privés.
  • Évaluer et démontrer la viabilité technique, économique et environnementale des technologies développées et du procédé mis à point.

Grâce à ce projet, des espaces dégradés pourront être revalorisés par la culture d’algues à but énergétique.

[1] AlgaEnergy : Compagnie du secteur des biotechnologies des microalgues créées en 2007, dont les deux principaux actionnaires et membres technologiques sont Repsol (principale entreprise pétrolière d’Espagne et Iberdrola (électricien, leader mondial en énergie éolienne et premier groupe d’énergie en Espagne) www.algaenergy.es