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Russie, le retour en grâce d’une énergie renouvelable : la tourbe

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/66936.htm

Chantier d'exploitation de tourbe, photo Valtra

Les spécialistes russes sont sur le point de trouver la clé du problème de la production de tourbe (matière combustible en général noirâtre formée à la suite de l’accumulation sur de longues périodes de temps de matière organique morte, essentiellement des végétaux, dans un milieu saturé en eau) tout au long de l’année. Aucun des pays producteur de ce type de combustible n’est encore parvenu à le résoudre. Les scientifiques ont proposé de nouvelles approches lors du Forum de la tourbe qui s’est déroulé dans la région de Tver les 27 et 28 avril 2011.

« Le problème est que l’extraction de la tourbe dépend directement du temps », explique Vadim Selennov, directeur de l’Institut de l’industrie de la tourbe à Saint-Pétersbourg. « Nous sommes en train d’y réfléchir et essayons de mettre au point des technologies nouvelles qui rendraient possible l’extraction de la tourbe au long de l’année. Certes, l’énergie solaire est gratuite mais de grandes surfaces s’imposent pour sécher la tourbe produite. Comme on extrait entre 13 et 20 millimètres de couche de tourbe par campagne, il faut dès le début penser à prolonger les délais de production ».

L’expert a refusé de donner plus de détail sur la technologie d’extraction. Le monde s’intéresse de plus en plus à la production de ce combustible. La Finlande a commencé par un million de tonnes et en produit maintenant douze. L’Irlande et le Canada augment également leurs rythmes de production. Quant à la Russie, la production a baissé depuis vingt ans mais la situation est en train de changer parce que les besoins en tourbe progressent très rapidement. Or, pour relancer ce secteur, il faut la rendre intéressante du point de vue économique et faire des investissements importants dans son renouvellement technologique. « Les tendances positives se manifestent déjà », note Vadim Selennov.

« Il faut évidemment alléger les charges fiscales parce qu’il nous faut de très grandes surfaces de l’ordre de centaines d’hectares. Les étrangers proposent leur matériel et autres technologies et construisent même des ateliers de transformation. Je pense surtout aux Canadiens qui sont moins chers que les Finlandais. Ils se tiennent prêts à faire des projets d’après les normes russes. C’est ainsi qu’ils ont réalisé deux ateliers dans la région de Novgorod et aux environs de Saint-Pétersbourg », reprend M.Selennov.

La Russie recèle environ un tiers des réserves mondiales de tourbe. Les tourbières sont principalement concentrées en Sibérie mais l’assèchement des marais pose de graves problèmes au Nord de cette région. En revanche, c’est parfaitement faisable dans la partie Sud de la Sibérie Occidentale. « Il y a aussi des réserves considérables dans la région d’Oural », précise l’expert. S’agissant de la partie européenne de la Russie, les réserves en partie épuisées sont concentrées au Nord-Ouest et dans la partie centrale. La tourbe a l’avantage d’être une ressource renouvelable. L’épaisseur de toutes les tourbières russes augmente tous les ans de l’ordre de 1 à 20 mm, ce qui représente une production potentielle de 250 millions de tonnes. La tourbe a toujours servi le pays surtout dans les moments difficiles de son histoire. C’est ainsi qu’elle fut extraite dans les environs de Leningrad même durant le blocus de la ville.

L’utilisation de la tourbe présente de grands avantages en qualité de combustible dans les régions qui ne sont pas approvisionnés en pétrole et en gaz, notamment dans les petites chaufferies au niveau municipal et local. D’ailleurs, la tourbe est parfaitement compétitive par rapport au pétrole et au charbon. Une tonne de tourbe, c’est l’équivalent de 300 litres de pétrole sauf qu’il faut encore l’apporter au consommateur et c’est l’argent investi dans la construction du pipeline. En revanche, la tourbe en briquettes se rapproche du charbon du point de vue de son pouvoir calorifère. Elle sert en Finlande à produire un cinquième de l’énergie thermique. La production de tourbe végétale utilisée comme fertilisant en serre s’est rapidement développé dans le monde, en particulier au Canada.

La Russie devrait opérer une véritable révolution dans l’utilisation de la tourbe d’autant plus qu’il lui reste des acquis technologiques. Selon les estimations de Vadim Selennov, il est peu probable que d’autres pays aient pu la laisser loin en arrière. Malheureusement, beaucoup de Russes affichent une attitude négative envers la tourbe et son exploitation. Cela s’explique en grande partie par les feux très violents qui se sont déchaînés l’été dernier sur les anciens sites de production de tourbe. Pourtant, le danger disparaîtrait si la Russie relançait la production. Le forum de Tver permet de rendre la production de la tourbe plus intéressante aux yeux des investisseurs et de rétablir sa bonne réputation en qualité de combustible nécessaire et sécuritaire.

Origine : BE Russie numéro 41 (3/06/2011) – Ambassade de France en Russie / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/66936.htm

2 réponses
  1. CUBIZOLLE dit :

    S’il est vrai que la tourbe se renouvelle le processus est très lent si bien que la reconstitution d’une tourbière de plusieurs mètres d’épaisseurs prend plusieurs millénaires. Par ailleurs la régénération d’un site d’extraction n’est possible que si les travaux ont été réalisés de façon à pouvoir reconstituer le fonctionnement hydro-écologique après la période d’exploitation ce qui est rarement le cas, le respect de ces conditions impliquant des coûts supplémentaires que les carriers rechignent à assumer. Aussi la vitesse d’extraction étant incomparablement plus rapide que la vitesse d’accumulation les écosystèmes tourbeux disparaissent peu à peu. L’Irlande qui possède moins de 10% de ses tourbières bombées originelles est un bon exemple de gaspillage de la ressource.
    A l’échelle planétaire la superficie des tourbières ne cesse de se réduire. Il est vrai que d’autres causes entre en ligne de compte et notamment le drainage et la conversion en terres agricoles ou plantations.
    En conséquence le laisser faire en matière d’extraction amènerait à un épuisement rapide de la ressource, y compris au Canada et en Sibérie qui demeurent des espaces finis avec des volumes de tourbe certes importants mais forcément limités.
    On peut certes envisager des techniques d’extraction qui intègrent la restauration du site et la conservation des capacités de l’écosystème tourbeux à se régénérer. Des expériences concluantes existent, notamment en Finlande et au Canada. Mais on voit mal comment de telles pratiques pourraient être adoptées par un pays comme la Russie où l’intérêt financier à court terme de quelques sociétés proches du pouvoir passent très largement avant le respect de l’environnement et le souci des générations futures.

  2. cotens dit :

    Bonjour,

    Je me demandais si le bilan carbone était pris en compte dans cette analyse et notamment les émissions de Carbone envoyées dans l’atmosphère….