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Biocarburants 2nd génération, avancées dans le Midwest

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65874.htm

Photo Brian Stauffer, Université de l'Illinois

L’atteinte des objectifs dans le secteur des biocarburants se mesure, principalement, en fonction des volumes produits. Cependant, certaines des plus grandes avancées du domaine sont d’abord réalisées à une bien plus petite échelle. Plusieurs équipes de recherche américaines concentrent leurs travaux sur les enzymes permettant de dégrader la biomasse cellulosique. Une des priorités de recherche dans le domaine est de faciliter la libération des glucides indispensables à la production de biocarburants dits de seconde génération.

On s’intéressera ici plus particulièrement à deux équipes regroupant des chercheurs du Midwest actuellement impliqués dans ces thématiques et qui ont récemment publié ou fait parler d’eux dans la presse. Il s’agit de :

  • l’équipe dirigée par Edward Rubin, du Joint Genome Institute du DOE, travaillant en partenariat avec le Lawrence Berkeley National Laboratory, l’équipe du professeur Roderick Mackie de l’University of Illinois (Urbana-Champaign) Institute for Genomic Biology et celle du professeur Matthias Hess de Washington State University ;
  • l’équipe de Jonathan Walton professeur de biologie végétale à Michigan State University (MSU) et directeur associé des activités de MSU au Great Lakes Bioenergy Research Center du DOE, basé à l’University of Wisconsin et à Michigan State University.

L’étude menée par le groupe du professeur Rubin, ayant fait l’objet d’une publication dans Science (28 janvier dernier), s’attaque à une des principales barrières limitant le développement de biocarburants de seconde génération : la libération des sucres fermentescibles solubles contenus dans la paroi cellulaire végétale [1]. La résolution de ce problème pourrait rendre les technologies associées économiquement viables, tout en s’inscrivant dans une approche de développement durable.

Les chercheurs se sont intéressés à une niche écologique animale rassemblant toute la machinerie métabolique nécessaire à la dégradation de la matière végétale et à sa conversion en énergie : à savoir l’appareil digestif des ruminants. Les chercheurs auraient caractérisé des douzaines d’enzymes microbiennes, jusqu’alors inconnues, présentes dans le rumen des bovins. Les travaux se sont concentrés sur le « switchgrass », ou Panic érigé, une culture prometteuse pour les biocarburants [2]. Après incubation du switchgrass pendant 72 heures dans le rumen, les chercheurs ont effectué une analyse génomique de tous les micro organismes ayant adhéré au switchgrass. Cette approche « métagénomique » a permis l’analyse de tous les gènes de l’ensemble des micro organismes présents dans l’échantillon.

Selon le Professeur Rubin, c’est ce « consortium », une contribution de plusieurs micro organismes, qui présente une propriété bien particulière, à savoir ici la dégradation enzymatique de la paroi végétale. Ils ont ainsi été en mesure d’identifier 27 755 gènes codant pour une catégorie spécifique d’enzymes dites glucidiquement actives : les CAZymes, capables de dégrader les polysaccharides végétaux (comme la cellulose) en sucres simples. Certains de ces gènes ont été clonés dans des bactéries, ce qui a permis de produire avec succès 90 protéines d’intérêt. Ils ont pu mettre en évidence que 57% de ces protéines présentaient une activité enzymatique sur substrat cellulosique.

Les chercheurs sont également parvenus à assembler les génomes de 15 micro organismes impliqués dans la dégradation des polysaccharides végétaux. Ces résultats ont été obtenus à partir de modèles informatiques et confirmés par une méthode ne nécessitant pas de cultures cellulaires préalables. Plusieurs techniques, incluant le séquençage des génomes de cellules individuelles et la comparaison des séquences avec celles des génomes rassemblés, a permis de valider cette approche.

Ces résultats suggèrent que l’extraction d’enzymes dans des habitats naturels contenant des micro organismes capables de dégrader la biomasse est une stratégie prometteuse pour l’identification de nouvelles enzymes capable de dégrader le matériel lignocellulosique là où d’autres approches montrent des limites. Par ailleurs, les chercheurs du Great Lakes Bioenergy Research Center de l’U.S. DOE sont engagés dans un projet de recherche sur 3 ans axé sur l’identification de nouvelles enzymes pour la production d’éthanol cellulosique et la création de cocktails enzymatiques permettant notamment la production d’éthanol à plus faibles coûts.

Dans le but d’identifier plus rapidement les enzymes les plus efficaces, l’équipe a tout d’abord développé un procédé automatisé capable d’évaluer les capacités hydrolytiques de différentes enzymes et de déterminer les conditions optimales pour la production d’éthanol cellulosique à partir d’échantillons de biomasse comme le fourrage de maïs, le switchgrass, le miscanthus et les graines distillées. L’équipe a mis au point la GLBRC Enzyme Platform, ou GENPLAT, capable de déterminer les proportions idéales d’enzymes dans les 48 heures après réception de l’échantillon. Jusqu’à 96 « glucose assays » peuvent être réalisés en même temps à l’aide de cette technologie. En effet, sa capacité à traiter l’information pourrait rapidement accélérer l’identification de protéines valorisables pour la production d’éthanol et aider les chercheurs à atteindre leurs objectifs de réduction des quantités d’enzymes nécessaires.

Pour l’instant, les chercheurs effectuent leurs travaux à l’échelle du milligramme, à partir de combinaisons d’enzymes pures et caractérisées. La prochaine étape sera d’élaborer des mixtures plus complexes incluant des protéines inconnues provenant de diverses sources microbiennes. Les combinaisons d’enzymes sont optimisées pour différentes sources de matière première et différents prétraitements. Selon le Pr. Walton, son équipe est parvenue à des rendements glucidiques de 85% avec leurs mixtures synthétiques. Mais, à terme, leur but est d’obtenir le même rendement en utilisant 10 fois moins de protéines. Ceci rendrait le coût des enzymes pour la conversion de la biomasse ligno-cellulosique économiquement réaliste. Pour ce faire, l’objectif à court-terme de l’équipe est de déterminer quelles enzymes sont indispensables à une transformation optimale.

L’approche métagénomique sur des échantillons d’ADN microbien du rumen bovin et le développement de plateformes de « screening » telles que le GENPLAT constituent des avancées indispensables pour le développement de procédés de production d’éthanol cellulosique économiquement viables en vue de leur application à une échelle industrielle.

Origine : BE Etats-Unis numéro 235 (11/02/2011) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65874.htm