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L’approvisionnement des chaufferies à énergie renouvelable par voie d’eau, une solution expérimentée sur la Seine

Le transport de bois-énergie par voie d’eau, une solution vertueuse mais contraignante, photo ENGIE

L’alimentation des chaufferies biomasse passe par le transport d’un combustible pondéreux. La compétitivité même du bois-énergie, mais aussi l’impact environnemental de son transport, poussent à toujours rechercher les matières les plus proches possibles des lieux de consommation. Néanmoins, pour les chaufferies des grands centres urbains qui concentrent la demande, les lieux de production sont inévitablement d’autant plus éloignés que les volumes à fournir sont importants. Pour réduire au maximum la congestion des axes routiers des agglomérations,  la consommation de gazole fossile, l’émission de particules fines et anticiper la mise en place des ZFE, plusieurs pistes sont envisagées mais elles dépendent toujours du contexte local : l’utilisation de carburants décarbonés comme le bioGNV, le biodiesel ou l’hydrogène, le fret ferroviaire pour des distances de plusieurs centaines de kilomètres ou encore les voies d’eau lorsqu’elles existent, ce qui est précisément le cas en Île-de-France, Normandie et Hauts-de-France.

Transport de bois-énergie sur la Seine, photo ENGIE

Chargement de la barge sur le quai d’Oissel, photo ENGIE

C’est dans cette optique que Fibois Île-de-France, lauréat de l’Appel à Manifestation d’Intérêt « Logistique Urbaine Fluviale » de la Métropole du Grand Paris, travaille sur des expérimentations de transport fluvial de bois-énergie sur l’axe Seine, avec un groupe de pilotage composé des entreprises suivantes : 

  • Nord Seine Forêt 2A, la coopérative forestière qui fédère des propriétaires forestiers de Normandie, des Hauts-de-France et d’Île-de-France. Elle a pour vocation de soutenir ses associés-coopérateurs dans leur besoin de gestion, en privilégiant la transparence et l’égalité entre tous ;
  • Sylvo Watts, union composée de quatre coopératives forestières. Elle produit et commercialise des plaquettes forestières pour de nombreuses chaufferies et centrales de cogénération situées dans le Centre, le Nord et l’Est de la France. Les bois proviennent des forêts appartenant aux adhérents des coopératives ;
  • INOE, une plateforme de transformation biomasse située en Île-de-France ;
  • ENGIE Solutions, Dalkia, Coriance et Idex, les quatre principaux énergéticiens d’Île-de-France ;
  • Voies Navigables de France et Haropa Port, opérateurs fluviaux.

Le consortium a comme objectif de conduire ces expérimentations afin de mettre en évidence les limites et les obstacles à cette solution, et de les chiffrer. C’est ainsi que du 20 au 27 février 2024, le groupe de travail a expérimenté un premier affrètement d’une barge de près de 1000 tonnes de plaquettes forestières pour alimenter ponctuellement plusieurs chaufferies bois proches de Paris. La chaîne logistique était la suivante :

  • Chantier forestier en Seine-Maritime à 30 km au sud d’Oissel (NSF2A et Sylvo Watts) ;
  • Pré-acheminement routier vers le quai d’Oissel, en amont de Rouen ;
  • Chargement, transfert d’Oissel à Gennevilliers et déchargement de la barge (Cemex) ;
  • Post-acheminement routier depuis le port de Gennevilliers :
    • vers les chaufferies de Gennevilliers, Stains, Saint-Denis et Franconville, exploitées par les équipes d’ENGIE Solutions,
    • de Colombes, Argentueil et Saint-Germain-en-Laye, exploitées par les équipes par Dalkia.

Arrivée au port de Gennevilliers, photo ENGIE

Avant même de connaitre les résultats précis de cette expérimentation, il reste évident que, malgré ses multiples avantages théoriques, l’approvisionnement fluvial suppose un coût financier qu’il faut justifier sur la distance, mais aussi une complexité logistique à optimiser. Cette solution, comparée au seul fret routier, ajoute en effet des ruptures de charges dans la chaîne logistique (chargement et déchargement des barges).

Déchargement au port de Gennevilliers, photo ENGIE

Il est aussi question d’équipements, mais aussi de méthodes à redécouvrir et à adapter à la plaquette forestière. L’utilisation de barges de faibles capacités (1000 tonnes) semble déjà a priori peu économique. La facturation elle-même du transport au mètre cube pose problème pour les bois secs ou foisonnants. Il convient aussi d’éviter les opérations couteuses et risquées pour la qualité du produit comme les reprises au sol. Enfin, le déchargement d’une barge directement dans les camions mobilise un nombre important de véhicules (200 FMA pour une barge de 5000 tonnes)… une affaire à suivre !

Frédéric Douard