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Le bois-énergie, meilleur ami de la forêt contre les incendies

Editorial du Bioénergie International n°80 de septembre 2022

Forêt brûlée dans le sud de la France, photo Frédéric Douard

Conséquences concrètes du réchauffement climatique, les événements dramatiques de ces dernières années commencent à sensibiliser l’opinion publique au fait que le risque de feu de forêt, de végétation ou de tourbe, n’épargne aujourd’hui plus personne sur la planète. Ces événements sont pourtant parfois présentés comme une fatalité, voire comme un cycle normal de la nature, de nombreuses personnes pensent qu’on ne peut rien y faire et qu’il faut juste chercher à s’en protéger.

Pourtant, concernant la forêt, ces événements sont le fruit d’une situation bien connue et évitable : la présence de combustible en forêt. Car un feu ne se développe ni ne se propage sans trois conditions indispensables : de la chaleur, du vent et du combustible. Les grands arbres ne s’embrasent que s’ils sont chauffés par de plus petits, eux-mêmes chauffés par du petit bois sec qui brûle. Le feu de forêt est à son commencement un feu comme les autres, il faut un allume-feu pour le faire démarrer. Autrefois en Europe, ces petits bois étaient extraits de la forêt par la population pour cuisiner et se chauffer. Les broussailles étaient enlevées par le pâturage. Aujourd’hui que ces pratiques n’existent plus. Il faut donc retrouver un objectif économique à cette collecte et la production d’énergie renouvelable en est une. Cela ne résoudra pas la grande fragilité des plantations monospécifiques de résineux ou d’eucalyptus, et dans ce cas, c’est le modèle sylvicole lui-même qui sera à revoir.

Dans le nouveau contexte de températures élevées et récurrentes, les forêts dont le combustible d’allumage n’aura pas été récolté brûleront inévitablement dans les prochaines années. Et ceux qui militent encore pour laisser les petits bois en forêt pour « faire de l’humus », alors que l’humus est en réalité majoritairement fabriqué par la chute des feuilles et par les racines mortes, doivent bien considérer que le feu brûle tout, y compris l’humus profond, donc à trop vouloir, on risque de tout perdre, il faut du pragmatisme.

Dans la pratique, on parle de quoi ? D’une part, il faut exporter tout ce que l’on coupe (produits de dépressage, d’éclaircies, d’élagage ou de réalisation de cloisonnements) pour éviter que ces produits ne se transforment en quelques mois en combustible, c’est-à-dire en bombes à retardement. D’autre part, il faut entretenir les zones coupe-feu et celles à risque, les bords de chemin, de routes, d’habitations, d’activités, de voies ferrées en extrayant la broussaille qui elle aussi se transforme en combustible en périodes sèches, ou mieux en la faisant brouter par les animaux.

L’exportation pour l’énergie ou pour l’agriculture, est sans nul doute bien plus satisfaisante que d’autres pratiques comme le brûlage préventif, largement pratiqué en Amérique du Nord, une solution de facilité, très polluante, à chaque fois très impactante pour la biodiversité et qui n’apporte aucune solution à la transition énergétique.

Par ailleurs, dans la lutte pour désormais freiner le dérèglement climatique, l’idée répandue que l’électricité renouvelable ou même nucléaire peuvent à elles seules résoudre l’équation de la transition est erronée. Celle-ci a besoin de très grandes quantités de combustibles renouvelables, stockables, souples d’utilisation, comme les gaz renouvelables et la biomasse solide. Ces biocombustibles renouvelables disposent de gisements considérables, aujourd’hui fort peu exploités. Cette non-exploitation conduit à une perte de chances, car la biomasse est un produit frais qui se dégrade aussi vite qu’il pousse, et tout ce qui n’est pas utilisé est rapidement perdu.

Le feu constitue le risque n°1 pour les forêts au 21éme siècle. Il est capable de ruiner des siècles de capitalisation, stock de carbone, biodiversité et revenus économiques. Le bois-énergie est une opportunité majeure pour limiter ce risque. Ne pas en profiter pour substituer les énergies fossiles, ne pas agir pour protéger la forêt du feu, conduirait à laisser survenir des émissions massives de carbone et de polluants, accélérant à leur tour le réchauffement climatique. Ces feux constitueraient également une perte inestimable de biodiversité, mais aussi de capacité à produire des nuages et donc de la pluie, contribuant au cercle vicieux sécheresse / incendies. Alors, la dernière utilisation possible du bois, comme aiment à le souligner ceux qui regardent par le petit bout de la lunette, ne pourrait-il pas constituer la meilleure solution pour préserver la forêt du feu. Et le bois-énergie est un ami qui ne coûte pas cher, ses services rendus se rémunérant par la vente de combustible. Quels signaux supplémentaires attendons-nous pour massifier l’usage énergétique de la biomasse, que les feux incontrôlables aient tout mangé ? Priver les incendies de leur combustible pour produire une énergie renouvelable, c’est prévenir les feux sauvages.

Frédéric Douard, rédacteur en chef