Sapphire Energy : un carburant algal dans 18 mois ?
Publié par 3B Conseils, cabinet conseils en communication scientifique et bureau d’études le 24 novembre 2010.
SAN FRANCISCO – (Etats-Unis) – A en croire le vice-président de Sapphire Energy, Mike Mendez, dans une récente interview, l’heure du test grandeur nature approche pour Sapphire Energy.
Je rappelle que cette compagnie, dont j’ai déjà longuement parlé, espère produire du carburant algal à partir d’algues génétiquement modifiées, cultivées en bassins ouverts, et ceci à un prix économiquement attrayant, contrairement à la plupart de ses concurrents.
Cela devrait donc être bientôt prouvé, puisque la construction d’une installation de 100 acres (40 ha) au Nouveau-Mexique, devrait être achevée d’ici 18 mois (mi-2012 donc ! ). Ce sera l’occasion de vérifier si la technologie originale de Sapphire Energy, qui consiste à ajouter des micro-organismes cannibales à des algues génétiquement modifiées, accélère de façon significative le processus habituel de croissance et de transformation des algues en carburant. Ce premier étang-test prévu par Sapphire ne sera pas optimisé pour la production commerciale, mais permettra de tester les promesses et les limites de l’innovation.
Le caractère novateur des produits proposés par Sapphire Energy et sa maîtrise des organismes génétiquement modifiés dans le processus de production ont toujours placé la compagnie en tête des entreprises américaines agissant dans le domaine des biocarburants algaux… avec une bonne longueur d’avance sur ses concurrents, Solazyme ou Solix Biofuels par exemple.On verra donc sous peu si tout cela est justifié ou si ça n’était que bluff et approximations, comme certains le prétendent.
Pour l’heure, les conditions du marché des carburants sont à nouveau favorables aux biocarburants, puisque les prix du pétrole sont à nouveau à la hausse et que le gouvernement américain maintient son objectif de produire 36 milliards de gallons de biocarburant d’ici 2022. La future ferme de Sapphire Energy au Nouveau-Mexique sera composée de trois sites de 100 acres (40 hectares) composés chacun de dix bassins de 10 acres (4 ha). Le premier servira de banc d’essai pour le second, et le second servira de banc d’essai pour le troisième. C’est sur le troisième site que Sapphire espère être en mesure d’améliorer ses processus de production commerciale à grande échelle. Ces superficies cumulées de 120 hectares de bassin au Nouveau-Mexique seront capables de générer un million de gallons (plus de 3,7 millions de litres) de carburant par an. La croissance des algues en bassins ouverts pourrait être assez semblable à celle du riz, mais cette culture en bassin ouvert d’algues comportant des modifications génétiques et un micro-organisme cannibale assez semblable à ceux à l’œuvre dans le processus du retraitement des eaux usées, pose de nombreux problèmes en termes de contaminations écologiques. Solix et Solazyme – qui cultivent leurs algues en containers fermés – ne manquent jamais de souligner ce point. Mais Sapphire Energy qui a commencé a joué les « apprentis sorciers » ne compte pas s’arrêter en chemin.
Pour toutes ces raisons, contrairement aux autres compagnies, Sapphire Energy ne pourra pas revendre les produits dérivés des protéines (« modifiées ») tirés du traitement habituel des algues sur le marché alimentaire ou sur celui des cosmétiques. Sapphire compte réutiliser ses protéines comme nutriments pour ses propres algues. On est cannibale ou on ne l’est pas ! En clair : Sapphire Energy n’a pas d’autres débouchés commerciaux que celui de se consacrer exclusivement à la production d’algo-carburant ! Et il se trouve que le Ministère de la Défense américain, avec ses besoins accrus en carburant « indépendant » de tous troubles ou fluctuations internationales pour les armées de l’air, de terre et navale, fournit l’argument de la nécessité stratégique à un producteur tout à fait décidé à en faire son client n°1… et peut-être même, selon certains – mais j’en doute – son client exclusif !
Article : Francis ROUSSEAU
Source: Blog des énergies renouvelables de la mer, 24 novembre 2010