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FBE : le bois-énergie ne met pas en péril l’industrie du bois en France

Production de granulés dans une grande scierie française, photo Frédéric Douard

La filière bois-énergie fait actuellement l’objet d’attaques de la part de l’industrie des panneaux de particules et de fibres. Il est reproché aux acteurs de la filière bois-énergie de mettre à mal l’activité économique des fabricants de panneaux en captant la ressource en bois au détriment de ces derniers. Un tel reproche est inexact, comme l’attestent les éléments d’informations suivants.

1/ Bois-énergie : des volumes de bois stables depuis une vingtaine d’années

La consommation de bois pour produire de l’énergie est restée stable en France sur les deux dernières décennies, qu’il s’agisse du bois destiné aux chaufferies industrielles ou collectives, ou du bois utilisé pour le chauffage domestique. Deux catégories de bois sont concernées : le bois rond (grume, bille, rondin ou bûche) et les plaquettes forestières.

► Bois rond : le volume commercialisé à des fins énergétiques a peu varié depuis 1990
Les exploitations forestières ont commercialisé annuellement entre 2,5 et 3 millions de m3 de bois rond destiné à produire de l’énergie sur les deux dernières décennies, essentiellement sous forme de bois bûche. Le secteur d’activité du bois industrie n’a donc pas eu à pâtir au cours de cette période d’une pression particulière sur ses volumes traditionnels d’approvisionnement.


A titre d’illustration, les volumes de réception des seuls rondins pour l’industrie de la trituration, qui étaient de 8,7 Mm3 en 1999, se sont élevés à 9,6 Mm3 en 2006, soit une augmentation limitée à 1,5% par an.

► Plaquettes forestières : une production encore faible

Plaquettes forestières, photo Frédéric Douard

Les professionnels évaluent à 300 000 tonnes/an la production de plaquettes forestières commercialisées actuellement en France pour l’énergie, soit un volume particulièrement faible à l’échelle globale du marché français du bois. Si le volume de production de plaquettes est appelé à croître de manière importante dans les prochaines années, cette hausse se fera essentiellement à partir des « menus bois », c’est-à-dire de petits bois (branches, houppiers…) valorisables en énergie. Le développement des chaufferies bois ne viendra donc pas capter une ressource destinée jusqu’ici à l’industrie du panneau.

► Bois bûche : une consommation énergétique de plus en plus performante

Bûches sciées au séchage, photo Frédéric Douard

La consommation de bois pour le chauffage domestique est une activité qui échappe pour partie aux statistiques. La commercialisation du bois bûche emprunte en effet souvent des circuits de proximité qui ne font pas l’objet d’une facturation ou d’une saisie fiscale. Ainsi, on considère que la moitié du bois de feu est autoconsommée par des familles rurales et 40 % font l’objet de transactions de proximité (économie grise). Seulement 10% du bois bûche consommé en France seraient commercialisés par des professionnels déclarés pour cette activité. Au global, l’auto-consommation est estimée à 33 Mm3, dont 24 Mm3 récoltés dans les forêts de production, hors haies et bosquets (cf. Observatoire de l’énergie 2006).
Cette consommation de bois bûche est appelée à rester stable. En effet, le Grenelle de l’environnement a fixé l’objectif de faire passer de 6 à 9 millions le nombre de foyers équipés en appareils de chauffage au bois d’ici 2020, ceci à consommation de bois constante, grâce à l’amélioration des performances énergétique des appareils de chauffage au bois. Actuellement, 80% des appareils domestiques de chauffage au bois vendus en France sont labellisés « Flamme Verte », label de qualité du chauffage au bois qui exige un rendement énergétique minimum de 70%. Il y a 10 ans, la moyenne des rendements des appareils mis sur le marché était de 50%. Or, le passage d’un rendement de 50 à 70% fait économiser 30% de combustible.
Le développement du chauffage au bois domestique ne prélèvera donc pas davantage de bois.

Forêt résineuse, France, photo Frédéric Douard

2/ Un gisement forestier à fort potentiel

La France est un grand pays forestier : 28% du territoire métropolitain est couvert par la forêt, soit plus de 16 millions d’hectares. Cette surface a été multipliée par deux en 150 ans et l’exploitation des forêts françaises est partielle au regard de sa croissance biologique et de ses disponibilités de récolte. Selon une étude publiée par l’ADEME en février 2010, les volumes de bois disponibles pour l’industrie et l’énergie sont évalués à 46,1 Mm3 (cf. tableau ci-dessous) dans les conditions économiques, techniques et environnementales actuelles.

En outre, s’ajoute à cet important volume exploitable (46,1 Mm3), l’ensemble des menus bois valorisables uniquement en énergie (bois de diamètre inférieur à 7 cm). Le volume supplémentaire de menus bois pour l’énergie est évalué à près de 7 millions de m3 par an, dans les conditions techniques et économiques actuelles (cf. ADEME – étude précitée).

3/ Bois-énergie : une filière encadrée par les pouvoirs publics

Le Grenelle de l’environnement a défini des objectifs de développement du bois-énergie à l’horizon 2020. Ce développement est strictement encadré et contrôlé par les pouvoirs publics, en particulier au niveau de la ressource bois.

► Production d’électricité : quatre appels d’offre ont été lancés depuis 2004 pour développer la production d’électricité à partir de bois/biomasse. Les cahiers des charges des appels d’offre exigent ainsi un plan d’approvisionnement validé depuis 2007 par les préfectures de région. L’avis motivé du Préfet sur la pertinence du plan d’approvisionnement est impérativement joint au dossier de candidature à l’appel d’offres. A défaut, la candidature est rejetée (cf. encadré n°1). Les pouvoirs publics ont ainsi une vision claire et précise de la mobilisation en bois générée par les projets énergétiques.

► Production de chaleur : parent pauvre des énergies renouvelables pendant des décennies, la production de chaleur bénéficie depuis 2009 d’un outil de développement puissant : le Fonds Chaleur. Ce fonds, géré par l’ADEME, co-finance essentiellement des projets de chaufferies bois/biomasse. Là encore, les exigences requises pour concourir aux appels à projets sont fortes : les dossiers présentant des risques importants de conflits d’usages de la ressource sont écartés (cf. encadré n°2).

4/ Une industrie du panneau en pleine restructuration

Les enjeux économiques des filières industrielles des panneaux de bois sont essentiellement des enjeux de restructuration et de modernisation de leurs outils de production, et non des enjeux liés au développement souhaité et attendu de la filière bois énergie. Les quelques exemples cités ci-dessous et relatifs à ces derniers mois le démontrent en tant que de besoin :

  • Octobre 2010 : Le fabricant de panneaux en contreplaqué Plysorol, en liquidation judiciaire, est repris par le groupe libanais Ghassan Bitar. L’offre comporte la reprise des 3 sites de Lisieux (Calvados), Epernay (Marne) et Fontenay-le-Comte (Vendée), mais prévoit 151 suppressions de poste sur 432 en France, en majorité au siège social de Lisieux.
  • Septembre 2010 : Le fabricant de panneaux agglomérés en bois et lin Linex Panneaux investit 40 millions d’euros sur son site d’Allouville-Bellefosse (Seine-Maritime). Le projet vise à remplacer la ligne de production en discontinu par une ligne en continu et automatisée. Elle permettra de fabriquer des panneaux de petites épaisseurs, en plus de ceux de grosses épaisseurs fabriqués actuellement, et d’augmenter la production de 25%.
  • Mai 2010 : Le fabricant de panneaux Egger Panneaux & Décors va investir 15 millions d’euros pour moderniser son usine de Rion-des-Landes (Landes). Il va notamment améliorer le traitement des copeaux de bois servant à la fabrication, ainsi que la logistique grâce au raccordement du site à la voie ferrée.
  • Mai 2010 : Swedspan (groupe Ingka) ouvre une filiale en France en rachetant à Sonae l’usine Isoroy de Lure (Haute-Saône) qui emploie 145 salariés. Swedspan fabrique des panneaux en particules pour les meubles vendus par l’enseigne Ikea, détenue aussi par Ingka.
  • Avril 2010 : Le papetier canadien Tembec décide de vendre ses usines de papier kraft de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) et de Tarascon (Bouches-du-Rhône), ainsi que sa filiale Sebso d’approvisionnement en bois, à la holding Paper Excellence.

Conclusions

  1. Le développement du bois-énergie s’appuiera majoritairement sur les menus bois, ces derniers n’étant pas en concurrence avec le bois de trituration traditionnellement utilisé par l’industrie ; pour ce qui concerne la valorisation des déchets de bois et des produits connexes de scierie dont la ressource est contrainte, le dispositif des plans d’approvisionnement doit permettre de gérer les éventuels conflits d’usage ;
  2. Le développement du bois énergie est appelé à dynamiser toute l’économie forestière en favorisant la réalisation des éclaircies, en mobilisant davantage de propriétaires forestiers et en générant davantage de bois d’oeuvre et d’industrie ;
  3. Les représentants des producteurs, membres de France Biomasse Energie (FBE), se déclarent prêts à examiner les besoins que pourraient exprimer les unités de fabrication de panneaux rencontrant des difficultés d’approvisionnement, afin d’engager avec elles un dialogue constructif qui se place dans une réelle logique économique et contractuelle ;
  4. Le développement du bois énergie contribue à la structuration des filières d’approvisionnement en bois et favorisera la création de plate-forme dédiées a la production de bois et susceptibles d’alimenter les besoins de l’industrie du bois, dont les panneauteurs ;
  5. Enfin, le développement du bois énergie est appelé à mettre à la disposition de l’industrie du bois une production de chaleur bon marché et intégrée à leur politique globale d’approvisionnement.

Les membres de FRANCE BIOMASSE ENERGIE, agissant en tant que commission Biomasse du Syndicat des énergies renouvelables (SER), rappellent que, pour répondre aux enjeux de la filière forêt-bois dans son ensemble et aux défis des engagements pris par la France en matière d’énergie renouvelables :

  • Une vraie politique de contractualisation des approvisionnements est nécessaire, afin d’assurer à tous les investisseurs une meilleure fiabilité et visibilité quant à la satisfaction de leurs besoins.
  • Le développement des investissements forestiers est indispensable pour garantir une ressource qui doit être régulièrement renouvelée. La baisse actuelle des plantations, faute de soutiens financiers suffisants pour les producteurs, constitue une menace sérieuse à l’horizon de 30 à 40 ans.
  • Des actions volontaristes de mobilisation de la biomasse en général sont nécessaires pour débloquer la situation de nombreux massifs peu ou pas exploités. Au-delà de la mise en œuvre des nouveaux dispositifs prévus dans le cadre de la LMA (loi de modernisation agricole), la mise en place d’un fond de mobilisation de la biomasse, doté d’environ 100 M€ par an pendant 5 ans est indispensable. Cette position, actée par les groupes de travail du Grenelle de l’Environnement, est également défendue par Hervé GAYMARD, président du conseil d’administration de l’ONF, dans son rapport remis le 15 octobre 2010 au Président de la République.
  • Une action également vigoureuse doit être menée par tous les acteurs de la filière pour soutenir et développer le secteur des scieries feuillues, dont les baisses constatées en termes de marché et de capacité de transformation (cf. scieries de hêtre notamment) pénalisent la valorisation des surfaces forestières concernées. Cette baisse de production induit un moindre intérêt des propriétaires forestiers pour la gestion de leur patrimoine et une baisse des volumes de ressources en produits connexes de scierie (PCS) feuillus, qui peuvent, à ce niveau, effectivement devenir préjudiciable.

Il est donc nécessaire de maintenir tous les dispositifs qui permettent de stimuler la demande en bois renouvelable, qu’il s’agisse de bois d’oeuvre (bois matériau), de bois industrie ou de bois énergie. Il est également impératif de mobiliser les disponibilités de récolte supplémentaire que permet la gestion durable de la forêt française, celle-ci disposant en effet des ressources forestières nécessaires au développement des divers usages du bois.
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Note aux pouvoirs publics du 2 novembre 2010

Contact :
Olivier BERTRAND
France Biomasse Energie
Syndicat des énergies renouvelables
13-15, rue de la Baume
75008 Paris
Tel : 01 48 78 70 87
olivier.bertrand@enr.fr
www.enr.fr