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En Suisse, la ressource de bois-énergie plus importante que prévu

Les forêts produisent nettement plus de bois que ce qui est prélevé, photo Christoph Rutschmann

Les chauffages au bois installés en Suisse permettent déjà d’économiser près d’un million de tonnes de mazout par an. Et le pays est loin d’avoir atteint le maximum de ce potentiel : les forêts produisent nettement plus de bois que ce qui est utilisé. Pour en déterminer les chiffres exacts, le canton de Soleure a fait analyser le potentiel du bois-énergie supplémentaire exploitable.

Bellach, commune soleuroise, a bien fait ses devoirs. La forêt de la bourgeoisie couvre une surface d’environ 160 hectares et offre à la commune, dans le cadre d’une gestion durable, non seulement un bois de qualité pour la construction, l’ameublement et d’autres applications matérielles, mais aussi près de 350 m3 de bois-énergie pour produire environ 1000 m3 de plaquettes forestières. Pour se chauffer, les citoyens de Bellach préfèrent investir leur argent dans l’industrie locale ou régionale et leur garde forestier plutôt que dans des énergies d’importation. Ils ont donc construit un chauffage aux plaquettes et un réseau de chaleur qui leur permettent de fournir une chaleur climatiquement neutre aux bâtiments publics et privés. L’évolution du prix du mazout et du gaz justifie leur choix : leur bois-énergie est une garantie de stabilité et de sécurité au lieu de la dépendance et de la spéculation.

Le canton de Soleure a l’intention d’imiter Bellach et sa réalisation exemplaire. Ayant élaboré son premier concept bois-énergie dès 1986, il l’a fait compléter par un concept de promotion en 1991. En 1996, un bilan a été réalisé pour évaluer l’atteinte des objectifs. Le concept bois-énergie a été mis à jour ensuite en 2009 et en 2021.

Un potentiel bois-énergie plus important que prévu

En 1986, l’exploitation moderne du bois-énergie n’en était qu’à ses tout débuts. On utilisait peu les plaquettes forestières comme combustible pour les chauffages automatiques au bois et les systèmes à pellets n’existaient pas. Le bois-énergie prédominait dans les régions rurales, surtout sous forme de bûches dans des poêles à bûches, en faïence, des cuisinières et des poêles d’habitat à alimentation manuelle. Le mazout et le gaz avaient supplanté le bois-énergie pendant plusieurs décennies. Mais un revirement s’annonçait : en effet, la possibilité de brûler du bois dans des chaudières automatiques a créé de nouveaux débouchés. A l’époque, les promoteurs du bois-énergie vantaient déjà ses atouts, tels que le bilan climatiquement neutre, le caractère renouvelable et la création de valeur régionale. Les experts avaient alors calculé une consommation de bois d’environ 46 000 mètres cubes pleins (1 m3p = 1 m3 de masse de bois solide) et avaient comparé ce chiffre à un potentiel encore disponible de près de 130 000 m3p. En 1991, ils sont revenus à la charge en créant un concept d’encouragement qui a formulé l’objectif d’utiliser la moitié du potentiel supplémentaire exploitable dans des chauffages aux plaquettes d’une puissance totalisant 60 MW (installations existantes comprises).

Un bilan intermédiaire établi en 1996 a révélé qu’une puissance totale de 17 MW avait été installée sur une période de dix ans, la majorité (12 MW) cinq ans après l’entrée en vigueur du concept de promotion de 1991. On a renoncé, en 1996, à réévaluer le potentiel inexploité.

En 2009, le canton de Soleure a fait mettre à jour la version 1986 de son concept bois-énergie. Le besoin actuel a été estimé à 76 000 m3p en 2009, le potentiel supplémentaire exploitable à près de 110 000 m3p.

Actualisé une nouvelle fois en 2021, le concept* sert de base décisionnelle aux bureaux cantonaux compétents pour définir la future politique de promotion. L’objectif consiste à exploiter aussi pleinement que possible le potentiel supplémentaire exploitable en tenant compte de toutes les prestations forestières et en respectant les principes d’une gestion forestière durable.

« A long terme, le bois-énergie devrait constituer une part importante du mix énergétique total et soutenir la réduction des émissions de gaz à effet de serre », telle est la conclusion des auteurs dans le résumé de l’étude.

Un gros potentiel jusqu’en 2036

Les auteurs du concept bois-énergie 2020* ont interrogé et consulté un grand nombre de sources afin de se procurer une vue d’ensemble aussi précise que possible de la consommation effective et du potentiel supplémentaire exploitable en bois-énergie. Cependant, il a été difficile d’émettre un énoncé précis : d’une part, certaines des données disponibles présentent un écart énorme, et d’autre part, le bois soleurois est transporté dans les cantons voisins… et vice versa.

Le bois-énergie en Suisse permet d’économiser près d’un million de tonnes de mazout par an, photo Christoph Rutschmann

En 2019, on a chiffré à environ 104 000 m3p le besoin total du canton en bois-énergie. Si l’on tient compte des installations prévues jusqu’en l’an 2029 – d’une puissance nominale totale avoisinant les 30 MW –, le besoin passera à près de 128 000 m3p. Ces calculs n’incluent pas les grandes installations fonctionnant au bois usagé.

Il se pose la question de savoir combien de bois supplémentaire sera disponible une fois que les installations planifiées jusqu’en 2029 auront été réalisées. On pourrait en faire découler les stratégies d’encouragement et la contribution effectivement possible du bois-énergie à l’atteinte des objectifs climatiques pour les quinze prochaines années. Le potentiel disponible aujourd’hui est représenté dans ce tableau :

Assortiments Potentiel disponible en m3p
Bois forestier 45 000 – 156 000
Résidus de bois 5000
Bois paysager 7000
Total bois naturel 57 000 – 168 000
Bois usagé (Recyclage) 61 000
Total y compris bois usagé 118 000 – 229 000

Le besoin additionnel calculé pour 2029 exigera l’ajout de seulement une partie (+ 24 000 m3p) du potentiel en bois-énergie disponible. Le potentiel supplémentaire disponible au-delà de 2029 se situe entre 33 000 et 144 000 m3p (sans bois usagé) et permettrait d’exploiter des installations d’une puissance nominale entre 40 et 180 MW. Le bois forestier constitue le paramètre décisif. En effet, le potentiel varie d’un facteur supérieur à trois, en fonction du scénario envisagé pour l’exploitation des forêts. La gestion forestière fait une énorme différence selon qu’elle est modérée et durable (on ne récolte pas plus de bois qu’il n’en repousse) ou qu’elle implique la récolte de volumes dépassant ceux qui se renouvellent. Cette seconde option est possible, voire nécessaire lorsqu’il faut « surexploiter » la forêt suite à des sinistres (sécheresse, tempêtes, etc.) ou pour la restructurer à cause du changement climatique.

Les résidus de bois et le bois paysager représentent des quantités pratiquement négligeables par rapport au bois forestier. C’est le bois usagé, dont la majeure partie est aujourd’hui exportée, qui représente le deuxième potentiel le plus important. Il recèle une opportunité non négligeable : 60 000 m3p autoriseraient l’exploitation d’une ou de plusieurs grandes installations productrices d’électricité. Cette solution serait nettement plus intelligente qu’une exportation à l’étranger sans création de valeur nationale.

Beaucoup d’options d’application et de produits

Même face aux difficultés à obtenir les données nécessaires, le concept bois-énergie 2020 du canton de Soleure fait état d’un potentiel important. Si on réalise tous les projets planifiés et substitue les installations en place par des systèmes au bois en cas d’assainissement d’ici 2029, le potentiel qui sera encore disponible à ce moment-là permettra d’économiser entre 6600 et 28 800 tonnes de mazout chaque année (supposant qu’un m3p remplace 200 kg de mazout) et d’éviter ainsi l’émission annuelle de 20 700 à 90 500 tonnes de CO2.

Du point de vue de la politique énergétique et climatique, il conviendrait donc de tirer parti de la totalité du potentiel bois-énergie aussi rapidement que possible. Des programmes d’encouragement adaptés permettront d’accélérer sensiblement la mise en place de nouvelles installations axées sur ces technologies d’application bien établies que sont les bûches, les pellets et les plaquettes. Dans des conditions adéquates, il faudra également envisager la production d’électricité par des systèmes de cogénération, la production de charbon végétal et les applications liées à la chaleur à haute température pour les procédés industriels. Le bois-énergie se distingue notamment par sa grande gamme d’applications.

Il conviendrait de tirer parti de la totalité du potentiel bois-énergie aussi rapidement que possible, photo Christoph Rutschmann

Des recommandations au canton et à d’autres acteurs

Pour conclure, le concept bois-énergie 2020 formule les recommandations de renforcer le soutien financier aux projets bois-énergie, de poursuivre la fourniture de conseils gratuits en matière de chauffage, d’assumer le rôle de modèle pour les constructions publiques et de continuer à informer les acteurs importants. A long terme, le concept préconise une analyse du potentiel de la chaleur à distance et de la cogénération, une fourniture de conseils aux gros consommateurs, une valorisation plus poussée du bois usagé et la promotion des pellets soleurois.

* «Holzenergiekonzept 2020», sur mandat du Service des forêts, de la chasse et de la pêche (AWJF) et du Service énergétique du canton de Soleure. Auteurs: Büro Kaufmann + Bader GmbH, Soleure; Laura Ramstein, MSc en Sciences environnementales ETH, et Patrick von Däniken, ing. forestier dipl. ETH, 13.09.2021

Christoph Rutschmann, pour Energie-bois Suisse – 0041 44 250 88 11 – info@energie-bois.chwww.energie-bois.ch

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