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Les premières Rencontres françaises du Bioéthanol

De gauche à droite : Hervé Guyomard, INRA - Jacques Matillon, Véritas - Éric Lainé, Confédération Générale des Planteurs de Betteraves - Yves Lemaire, Direction Générale de l'Énergie et du Climat - MEEDDM - Charles de Courson, Député de la Marne - Valérie Corre, ePure - Kathrine Vad, e4tech - Kristell Guizouarn, Diester® Industrie, photo P. Hugonnard

« LE BIOÉTHANOL, COMMENT AUJOURD’HUI ? POURQUOI DEMAIN ? » tel était le titre de ces premières rencontres organisées à Paris ce 9 novembre 2010 par la Collective du bioéthanol, une rencontre bien entendu fortement concernée par les critiques virulentes sur la question de la durabilité des biocarburants.

Les rencontres ont rassemblé tout ce que compte d’organisations de planteurs, d’organismes stockeurs et transformateurs en France. Stéphane Demilly, Député de la Somme et Président du Groupe d’Etudes parlementaires sur les Biocarburants, a résumé cette journée dans son allocution de clôture :

« La plupart des automobilistes ont oublié que les premiers moteurs ont été conçus pour tourner à l’alcool et aux huiles végétales. En 1925, Henry FORD déclarait au New York Times, je le cite : « L’alcool éthylique est le carburant du futur », tandis que Rudolf DIESEL affirmait dès 1912, « À l’avenir, ces huiles végétales pourraient devenir aussi importantes que le pétrole ou le charbon aujourd’hui ». Pourtant on le sait, c’est l’or noir, apparemment d’une abondance sans limite et moins cher à produire, qu’il a remporté la première manche. Cependant ces dernières années, plusieurs facteurs ont redonné une nouvelle actualité aux biocarburants.

  • raréfaction des ressources en pétrole, avec le débat sur le fameux « peak oil », et tendance structurelle à la hausse du prix du baril
  • émergence d’une conscience environnementale planétaire et notamment de la nécessité de lutter
  • contre le réchauffement climatique et donc contre les gaz à effet de serre
  • prise de conscience, également, des opportunités économiques nouvelles offertes par ces carburants d’origine végétale en termes de croissance verte, et des nouvelles perspectives d’avenir qu’ils apportent au monde agricole dans un contexte difficile pour ce dernier
  • et enfin, volonté des Etats de réduire leur dépendance vis-à-vis du pétrole par le biais d’un nouveau bouquet énergétique, dans un contexte d’instabilité géopolitique croissante sur le plan planétaire.

Stéphane Demilly, Député de la Somme et Président du Groupe d'études sur les biocarburants à l'Assemblée nationale, photo P. Hugonnard

C’est donc convaincu du caractère irrémédiable de ces différents facteurs, qu’avec mes collègues du groupe d’études biocarburants, je me suis efforcé ces dernières années d’oeuvrer en faveur d’un cadre politique, fiscal et réglementaire favorable à la structuration de véritables filières industrielles françaises dédiées aux biocarburants.
Face aux pressions d’un certain lobby pétrolier, face aux réticences comptables inscrites dans les gènes de l’administration de Bercy, ou encore face aux critiques parfois pertinentes mais aussi trop souvent réductrices et démagogiques de certaines ONG,…

Nous n’avons pas que des amis… y compris dans les hautes sphères du Ministère de l’environnement… et y compris chez les constructeurs français. Quand j’entends le représentant de Renault dire « On a une gamme complète. Le client achète ce qu’il veut »…, je ne peux que réagir en disant que ces propos sont théoriques mais très éloignés de la réalité. En tant que maire, et soucieux de mettre en application mes convictions, j’ai dû batailler ferme pour que Renault accepte de nous vendre un Kangoo flex-fuel. Je l’ai obtenu uniquement quand j’ai menacé le concessionnaire d’aller ailleurs ! Si Renault et Peugeot avaient eu dès le début la même volonté que Saab et Ford, le paysage des flex-fuel en France serait différent aujourd’hui… En ce cens, ces premières rencontres du bioéthanol sont véritablement une initiative utile.

En conclusion de ces rencontres, je souhaiterais me concentrer sur deux messages très simples :

  • pourquoi il est important de continuer, pierre après pierre, à bâtir des filières biocarburants françaises et européennes performantes
  • et quelles sont les conditions pour y parvenir

Le développement de la filière bioéthanol et des biocarburants en général est un mouvement mondial. Que ce développement se fasse dans le respect de critères de durabilité, comme c’est le cas en France et en Europe, ou qu’il se fasse à certains endroits de la planète dans des conditions critiquables voire choquantes, que ce développement soit motivé par des considérations environnementales ou par des considérations purement économiques,…il faut avoir conscience qu’il s’agit d’une tendance lourde.

Il y a ainsi moins d’un mois, le 12 octobre dernier, le Ministre de l’Agriculture américain, Tom VILSACK, a annoncé au nom du Président OBAMA de nouvelles mesures fiscales extrêmement fortes et volontaristes pour stimuler la production et l’utilisation des biocarburants afin de diminuer la dépendance du pays envers le pétrole importé, créer de nouveaux emplois et réduire les émissions de gaz à effet de serre. À cette occasion, Tom VILSACK a déclaré, je le cite : « Aujourd’hui, nous dépensons un milliard de dollars par jour à l’extérieur, à aider les économies des autres pays à se développer alors que notre propre économie se relève d’une forte récession. La marée noire catastrophique du golfe du Mexique nous rappelle aussi que la mise en exploitation de nos propres ressources pétrolières n’est pas sans risque environnemental. Nous pouvons faire mieux, nous devons faire mieux ». Oui, c’est bien d’un mouvement mondial dont il s’agit.

Alors c’est simple : ce mouvement peut se faire avec nous ou il peut se faire sans nous, mais il se fera ! Personnellement, je préfère qu’il se fasse avec nous ! Pourquoi ?

Parce que si, soit par indifférence, soit par aveuglement, soit par manque de volonté, soit encore par les trois en même temps, nous renoncions à nous donner véritablement les moyens de produire nos propres biocarburants en France et en Europe, cela voudrait dire que nous ouvririons grand les bras aux importations en provenance de pays tiers. Certains pays gros producteurs, on le sait, ne demandent que cela…
Et alors ? Pourraient être tentés de dire certains… Alors, importer nos biocarburants c’est forcément renoncer à contrôler leur durabilité. C’est accepter de facto de mettre dans nos réservoirs du bioéthanol ou du biodiesel qui ont été parfois fabriqués dans des conditions douteuses voire inacceptables, ce que moi je ne veux pas car je suis un défenseur de biocarburants respectueux des hommes, des territoires et de l’environnement.
Vous le voyez, je ne suis pas un intégriste des biocarburants, je suis un défenseur des bons biocarburants… mais force est de constater que les opposants aux biocarburants sont souvent eux des intégristes !
Ce serait un gâchis et même, j’ose le mot, un scandale, car nous avons réussi en France et en Europe à avoir des biocarburants qui ont parfaitement prouvé leur durabilité, ce qui est loin d’être le cas partout ailleurs dans le monde ! Il faut tout de même dire qu’en France, on demande aux biocarburants de respecter une transparence et une durabilité qu’on n’exige d’aucune autre source d’énergie, renouvelable ou pas !
Mais importer nos biocarburants, c’est aussi renoncer à bâtir nos propres filières industrielles, c’est mettre à terre les énormes investissements qui ont d’ores et déjà été réalisés, c’est aussi fermer une voie d’avenir prometteuse pour nos agriculteurs. Voilà pourquoi je préfère de très loin que cela se fasse avec nous !

Alors maintenant, et très rapidement, quelles sont les conditions pour y parvenir ?
Elles tiennent selon moi en trois mots : cohérence, lisibilité, volontarisme.

La cohérence, tout d’abord, c’est admettre que la première et la deuxième génération de biocarburants sont totalement complémentaires et ne doivent pas être opposées l’une à l’autre.
On entend dire en effet très souvent qu’il faut attendre que la deuxième génération (voire pour certains la troisième génération !) soit au point avant de se lancer véritablement dans le développement des biocarburants.
Or, il est clair que la réussite de la deuxième génération passe d’abord nécessairement par la réussite de la première. En matière de biocarburants comme en toute chose, la procrastination n’est jamais une solution !
La cohérence, c’est aussi considérer que si nous voulons des biocarburants français et européens, alors il faut avoir un cadre fiscal et douanier qui préserve notre industrie en assurant sa compétitivité par rapport aux énergies fossiles et par rapport aux importations.
La lisibilité, ensuite, c’est tout simplement celle dont a besoin n’importe quelle filière industrielle : avoir un cadre fiscal et réglementaire clair, visible, et stable dans la durée, afin de pouvoir réaliser en confiance les investissements nécessaires. C’est donc particulièrement vrai en matière de défiscalisation, qui ne doit pas pouvoir être radicalement remise en cause à chaque Loi de finances. Le volontarisme, enfin, consiste à envoyer des signaux forts et clairs, comme on dit en termes militaires, qui sont autant d’impulsions pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixés.
Je pense ainsi plus particulièrement, concernant le bioéthanol, aux signaux forts que représenteraient :

  • l’éligibilité au bonus des voitures flex-fuel
  • la relance du comité de suivi de la charte pour le développement de la filière superéthanol E85 qui avait été signée en 2006 (et j’en ai marre du jeu de complicité « responsabilisante » que se livrent les constructeurs et les distributeurs…)
  • l’éligibilité au dispositif des certificats d’économie d’énergie des stations-service qui s’équipent de pompes E85
  • ou encore la définition d’un calendrier précis pour le passage à l’E15 puis à l’E20, outil qui serait je pense très précieux pour les constructeurs automobiles.

À propos de la collective du bioéthanol
La collective du bioéthanol a été créée en décembre 2007 par trois partenaires : France Betteraves, Passion Céréales et le Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole (SNPAA). Son objectif est d’informer les professionnels et le grand public sur la filière bioéthanol française. Le bioéthanol est incorporé à ce jour dans les essences en France à hauteur de 5 % dans le SP95 et le SP98, jusqu’à 10 % dans le SP95-E10 et jusqu’à 85 % dans le Superéthanol (E85). Pour en savoir plus : www.bioethanolcarburant.com