Qu’attend-on pour reprendre le déploiement des biocarburants ?
Après avoir longtemps incarné l’avenir de la mobilité douce, les biocarburants se sont récemment fait voler la vedette par la propulsion électrique et ses promesses de véhicules « zéro carbone ». Mais la filière n’a pas dit son dernier mot. A la veille des premières « Rencontres du bioéthanol » à Paris, entretien avec Nicolas Rialland, du service économique de la Confédération Générale des planteurs de Betteraves (CGB).
Cleantech Republic : Le dernier mondial de l’Automobile semble avoir consacré la voiture électrique comme véhicule écologique de demain. Le biocarburant est-il condamné ?
Nicolas Rialland : Je trouve que le débat est un peu biaisé. On sombre dans l’excès en faveur de l’électrique. Toutes les questions ne sont pas mises sur la table. Le client acceptera-t-il de dépenser autant d’argent pour acheter une voiture ? Quelle est l’analyse du cycle de vie d’un véhicule électrique ? Nous pensons que le secteur de l’automobile s’oriente en réalité vers une palette de solutions. Il faut se garder de mettre en avant, d’idéaliser, une solution unique. Aujourd’hui, le superéthanol E85 contient jusqu’à 85% de bioéthanol pour 15% d’essence. Nous considérons qu’il doit faire partie du futur paysage automobile.
Pourquoi alors les « carburants écologiques » ne se démocratisent pas en France ?
Il y a eu deux périodes d’excès. Sur la période 2006 – 2007, certains se voyaient déjà totalement affranchis de la dépendance pétrolière grâce aux biocarburants. A partir de 2008, il fallait au contraire tout brûler. On mettait en cause la responsabilité des biocarburants dans la hausse des prix agricoles. Mais les mécanismes sont plus complexes. La preuve, les biocarburants ont continué de se développer l’an dernier et pourtant les prix agricoles sont retombés en dessous des niveaux de 2008.
Il y a un an, l’Ademe publiait puis retirait un rapport très contesté sur les biocarburants…
Il avait le mérite de confirmer, de façon difficilement contestable, l’intérêt écologique des biocarburants. Les chiffres sont probants. Les émissions de gaz à effet de serre d’un véhicule roulant au bioéthanol sont réduites de 49 à 66% par rapport à un moteur traditionnel. Qu’attend-on pour reprendre le déploiement de cette filière ? Il ne s’agit pas de remplacer toute la technologie actuelle par du bioéthanol, mais d’équiper une fraction du parc automobile français. Ce serait bon pour l’écologie, bon pour l’économie et bon pour la production agricole nationale.
Comment se positionnent les pouvoirs publics sur ce sujet ?
L’Etat n’avance pas tellement. L’E85 existe depuis début 2007. Sa genèse avait démarré mi-2006 avec la constitution par l’Etat d’un groupe de travail sur le développement des biocarburants en France (ndlr : présidé par Alain Prost). Cette mission s’est concrétisée en novembre 2006 par la signature d’une charte engageant les agriculteurs, les constructeurs automobiles et les pétroliers. Finalement, les travaux de ce comité ont été suspendus au motif du Grenelle de l’environnement. Depuis, cela fait des mois que nous réclamons une relance de ce groupe de travail.
Autre handicap : les véhicules flexfuel ne bénéficient pas du bonus environnemental…
C’est un problème réglementaire. Nous sommes assimilés aux voitures essence. Heureusement, depuis le 1er janvier 2009, les véhicules fonctionnant à l’E85 sont exemptés du malus à condition d’émettre moins de 250 g de CO2/km. Mais nous restons à la porte des primes. Pour nous, il y a deux poids, deux mesures. Pourquoi une voiture au GPL bénéficierait d’une prime de 2000 euros et pas un véhicule flexfuel ? Il existe aujourd’hui une gamme de 20 à 25 modèles flexfuel pour la France. Les constructeurs commencent à s’impatienter. Un bonus environnemental de 500 euros serait un facteur très positif pour le développement des biocarburants…. lire la suite sur Cleantech Republic », 8 novembre 2010