Biocarburants aux Etats-Unis : évolutions attendues en matière de réglementation
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65018.htm
Crédit photos Thinkstock, rapport USDA, Effects of Increased Biofuels on the U.S. Economy in 2022, Ocobre 2010
La question des biocarburants et des mesures incitatives pour développer ce secteur aux Etats-Unis est à nouveau au cœur de l’actualité et ce à deux niveaux. Des scientifiques de l’Oregon State University ont publié un article récemment remettant en cause les réglementations relatives à l’usage d’OGMs pour les cultures vivaces destinées à la production de biocarburants.
Par ailleurs, le secrétaire de l’USDA (US Department of Agriculture), vient d’annoncer une série de mesures visant à promouvoir la production de biocarburants et l’EPA (Environmental Protection Agency) a, de son côté, décidé d’autoriser l’utilisation de mélanges de carburant contenant jusqu’à 15% d’éthanol (E15).
D’autre part, les récents résultats des élections de mi-mandat, en date du 2 novembre 2010, annonçant un raz-de-marée républicain s’avèrent modérément positifs pour l’industrie des biocarburants. S’il est vrai que la question des biocarburants et en particulier ceux de la seconde et troisième générations bénéficient d’un soutien bi-partisan, les démocrates conservateurs (Blue Dog Coalition) qui sont de solides défenseurs des bioénergies ont perdus de nombreux sièges par rapport aux démocrates libéraux.
USDA : de nouvelles mesures pour le soutien des biocarburants domestiques
Dans le cadre des objectifs fixés par le RFS2 (Renewable Fuel Standard), à savoir une production, d’ici 2022, de 36 milliards de gallons de biocarburants, dont 21 milliards provenant de carburants de nouvelle génération, les mesures suivantes ont été annoncées par Tom Vilsack, Secrétaire de l’USDA, le 21 octobre dernier :
- La réglementation finale pour la mise en application du BCAP, Biomass Crop Assistance Program permettrait aux producteurs de mettre en place de nouvelles cultures (cultures ligno-cellulosiques). Le soutien financier pourra atteindre 75% des coûts de mise en place des cultures ainsi que le paiement d’une rente annuelle pour aider à couvrir les frais de transition des cultures commerciales actuelles.
- Un accord conjoint pour 5 ans avec la Federal Aviation Administration (FAA) pour le développement de carburant pour l’aviation à base de résidus forestiers et des cultures ;
- La publication par l’Economic Research Service (ERS) de l’USDA d’un rapport concernant les effets de l’augmentation de la production de biocarburants sur l’économie des Etats-Unis en 2022 [1]. Cette étude a mis en évidence que si le développement des technologies de production de biocarburants se poursuivait, le RFS2 sera vecteur de croissance pour l’économie américaine, étant donné l’augmentation prévisionnelle du prix du pétrole.
L’augmentation de la production domestique de biocarburant devrait également permettre une diminution des importations de pétrole brut de 16 à 17% en 2022. Etant donné que les Etats-Unis sont les plus gros importateurs de pétrole brut, une réduction de la demande des Etats-Unis devrait également entraîner une diminution du prix du pétrole brut. Ainsi, l’économie réalisée par les Etats-Unis serait comprise entre 61 et 68 milliards de dollars.
Le Secrétaire de l’Agriculture a également rappelé la création de 5 centres de recherches régionaux de l’USDA pour le développement de sources de matières premières non alimentaires : le Northeast center à Madison, Wisconsin ; le Central East Center à Lincoln, Nebraska ; le Southeast center à Boonesville, Arkansas, à Tifton, Géorgie et à Auburn, Alabama ; le Western center à Maricopa, Arizona et le Northwestern center à Pullman, Washington et Corvallis, Oregon. Ces centres régionaux impliqués dans une collaboration entre l’ARS (Agricultural Research Service) et le US Forest Service (FS) auront pour mission d’accélérer et de coordonner la recherche et les développements technologiques nécessaires pour incorporer cette production de matière première dans les systèmes agricoles et forestiers existants.
EPA : autorisation du E15
Le 13 octobre 2010, l’EPA a supprimé la limitation de vente de carburant contenant plus de 10% d’éthanol, autorisant des carburants contenant jusqu’à 15% d’éthanol (E15). Les véhicules concernés sont les modèles de voitures et de camions sortis depuis 2007. Cette décision a été prise après revue des tests et données du DOE sur l’impact de l’E15 sur la durabilité des moteurs et sur les émissions de gaz à effet de serre. L’autorisation de l’E15 pourrait s’étendre aux modèles de véhicules des années 2001 à 2006 si les tests supplémentaires réalisés par le DOE (attendus au courant du mois de novembre) sont validés.
Cette décision s’inscrit dans le cadre du Energy Independance and Security Act de 2007 qui mandatait une augmentation des volumes de carburants renouvelables sur le marché pour atteindre 36 milliards au total en 2022.
Ethanol cellulosique et réglementations OGMs : un frein pour la croissance du secteur
L’équipe de Steven H. Strauss, éminent professeur du Département Écosystèmes forestiers et Société à Oregon State University, à Corvallis vient de publier un article, paru en octobre 2010 dans le journal BioScience et intitulé « Far-Reaching Deleterious Impacts of Regulations on Research and Environmental Studies of Recombinant DNA-Modified Perennial Biofuel Crops in the United States » [2]. Les auteurs y dénoncent les réglementations limitant l’usage d’OGMs considérant qu’il s’agit là d’un frein au développement des biocarburants de seconde génération.
Aux Etats-Unis, contrairement à l’Europe, aucune loi spécifiquement liée aux cultures génétiquement modifiées (GM) n’est en vigueur. Des lois existantes ont été adaptées pour créer une série de réglementations dans le cadre du Coordinated Framework de 1986 (OSTP 1986). Trois agences fédérales font autorité en ce qui concerne les cultures génétiquement modifiées :
- l’EPA, pour l’introduction de tous Plant-Incorporated Protectants/(//PIPs//)/ transgéniques contre toutes sortes de parasites végétaux ;
- l’USDA Animal and Plant Health Inspection Service (APHIS), pour toutes les cultures sous leur autorité afin de réguler l’introduction de parasites agricoles et d’adventices nocives ;
- la FDA (Federal Drug Administration), pour toute culture transgénique présentant des applications alimentaires.
Depuis 2006, plusieurs opposants au recours à des cultures GM en agriculture ont obtenu des issues favorables lors de procès devant la cour fédérale dans le cadre du National Environmental Policy Act (NEPA). Dans de nombreux cas, l’interdiction de ces cultures par la cour relevait du fait que l’agence en charge de son autorisation avait fourni un EA (Environmental Assesment) et non un EIS (Environmental Impact Statement). L’EIS fournit des informations plus détaillées relatives aux impacts environnementaux et actions alternatives et nécessite souvent plusieurs années d’étude et d’analyse pour générer une documentation suffisante pour l’autorisation d’une culture OGM. C’est ce qui s’est produit dans le cas de la luzerne résistante aux herbicides qui avait été autorisée dans un premier temps puis retirée du marché par la cour en attendant qu’un EIS soit préparé.
Les auteurs de ce rapport proposent une réforme de la réglementation et la mise en place des actions suivantes :
- Centrer les exigences réglementaires sur des risques définis ;
- Utiliser des critères scientifiques pour la conception de catégories pour un système LLP (Low-Level Presence) ;
- Créer un système de gestion LLP dès les premiers stades de développement du produit ;
- Clarifier la NEPA et la « Convention on Biological Diversity » sur ces questions.
La Convention sur la Diversité Biologique (CBD) est un traité international, entré en vigueur le 29 décembre 1993, axé sur 3 objectifs principaux :
- la préservation de la diversité biologique ;
- le maintien de l’utilisation des composants de la diversité biologique ;
- le partage juste et équitable des bénéfices résultant de l’utilisation des ressources génétiques.
Selon les scientifiques, ces mesures visent à encourager l’utilisation de cultures GM et permettraient ainsi de tirer profit des plantes destinées à la production de biocarburant de seconde génération. En effet, le recours à la transgenèse permettrait : d’améliorer la résistance au stress, de réduire les coûts de conversion en carburants liquides, d’utilisation d’eau et de fertilisants, d’éviter les croisements avec les espèces sauvages et de permettre la synthèse de nouveaux produits renouvelables comme les enzymes industrielles.
En conclusion, toutes ces mesures et propositions s’inscrivent dans le cadre du RFS2 et visent à stimuler l’économie américaine en s’affranchissant des importations de pétrole étranger, en créant de nouveaux emplois dans les zones rurales et en cherchant à trouver des solutions scientifiques et techniques pour atteindre les objectifs volumiques fixés pour 2022. Les récents changements au sein du gouvernement suite aux élections de mi-mandat seront-ils bénéfiques à cette volonté de développer la production de biocarburant nationale, et ce en poursuivant le soutien aux carburants de seconde et troisième génération ?
Origine et sources : BE Etats-Unis numéro 225 (5/11/2010) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65018.htm