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Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Une chance pour le bois-énergie ?

Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est en place depuis janvier 2005, à l’échelle de l’Union européenne, dans le cadre des engagements du protocole de Kyoto. Des sites identifiés comme gros émetteurs de gaz à effet de serre se sont vus attribuer pour la période 2005-2008, dite « d’apprentissage », un nombre de quotas annuels de CO2, qu’ils doivent restituer sous peine de pénalité en cas de dépassement.

Chaque pays européen a l’initiative d’établir son Plan National d’Affectation de Quotas (PNAQ), avec une certaine latitude sur les principes de répartition entre installations.

En France, c’est un peu plus de 156 millions de tonnes de CO2 par an qui ont été réparties entre 1 100 installations émettrices. Pour la prochaine période, qui verra l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto (2008-2012), le nouveau PNAQ français vient d’être adopté.

Le secteur du chauffage urbain est directement concerné puisque 205 installations alimentant des réseaux de chaleur sont incluses au dispositif. Certains réseaux comptent plusieurs chaufferies soumises à quotas (ce sont les sites de production qui sont soumis, pas les réseaux), on recense environ 180 réseaux concernés par la mesure (45% des réseaux de plus de 3,5 MW).

Les objectifs pour la première période étaient peu contraignants et les réseaux n’ont consommé, en 2005, que 75% des quotas qui leur étaient alloués. A noter que cet « excédent » de quotas était assez général puisque l’ensemble du PNAQ I français a dégagé 13% « d’économie » de quotas sur l’année 2005. La conséquence est un effondrement complet du cours de la tonne de CO2 sur la bourse du carbone, aujourd’hui à moins de 1 euro (alors qu’elle s’était stabilisée autour de 25 euros avant la publication des émission de 2005). Le nouveau PNAQ, qui vient d’être adopté, est beaucoup plus restrictif et se traduit notamment, pour le secteur du chauffage urbain, par une réduction de 30% des émissions de CO2 par rapport aux affectations du premier Plan. Selon les hypothèses de développement des réseaux de chaleur, cela suppose une réduction de 15 à 20% des émissions spécifiques (kg de CO2 par kWh vendu) de ce secteur.

Les énergies renouvelables et en particulier le bois-énergie sont l’une des options les plus pertinentes pour agir sur le contenu CO2 des réseaux de chaleur et remplir les obligations du PNAQ. Plusieurs grands réseaux de chaleur qui ont récemment mis en oeuvre des chaufferies bois de plusieurs mégawatts vont dégager d’importants volumes de quotas sur la période 2008-2012. Pour la mise en place d’une chaufferie bois sur un réseau d’une soixantaine de mégawatts, représentant un budget de 11M€, les économies de CO2 émis représenteront plus de 20 000 tonnes par an. La principale incertitude sur l’impact économique d’un tel projet est le prix de vente escomptable pour les quotas de CO2. Si ce prix atteint une valeur moyenne de 30 €/tonne de CO2 sur la totalité de la période 2008- 2012, la recette liée à la vente de quotas pourrait représenter 25% de l’investissement initial, avec un impact de l’ordre de 15% sur le prix de vente de l’énergie.

L’efficacité potentielle réelle du mécanisme, en tant que facteur déclenchant pour la mise en oeuvre de solutions énergétiques performantes, est cependant contrebalancée par deux éléments :

  • l’incertitude sur le prix de valorisation du quotas de CO2, même si l’on peut anticiper un prix nettement revalorisé par rapport au cours actuel,
  • le manque de visibilité sur le devenir du système au-delà de 2012, alors que les projets engagés aujourd’hui ne pourront avoir de répercussions significatives que sur la fin de la seconde période.

La tendance française au développement de chaufferies bois sur les réseaux de chaleur reste importante, la plupart des grands réseaux français s’interrogeant sur cette opportunité. La logique quotas semble a priori favorable à cette démarche, sous réserve que certains effets contreproductifs ne s’avèrent pas prépondérants, notamment la décision de l’ADEME de revoir sa politique de subventions aux investissements pour les chaufferies bois installées sur des réseaux de chaleur concernés par le PNAQ.

Yann OREMUS, chargé de mission réseaux de chaleur AMORCE -10, quai Sarrail – 69006 LYON