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Le Rwanda tenté par le biodiesel

Produire du carburant à base de plantes, comme le moringa, le jatropha ou le palmier à huile : tel est l’objectif du gouvernement rwandais pour limiter la dépendance énergétique du pays à l’égard du bois et du pétrole.

Kigali, Fulgence Niyonagize et Jean de la Croix Tabaro/Syfia Grands Lacs – Mais certains sont sceptiques craignant que ces cultures n’empiètent sur les cultures vivrières. « Notre usine est capable de produire 2.000 litres de biodiesel par jour. Nous approvisionnons ici deux de nos véhicules et ceux de certaines autorités du pays », affirme Théoneste Ishimwe, technicien de l’usine de biodiesel et de bioéthanol, sise à Mulindi, à Kigali, la capitale rwandaise.

Charles Murigande, le ministre rwandais de l’Education le confirme : « Depuis quatre mois, ma voiture utilise ce biodiesel ». Depuis avril, cette usine produit du biodiesel issu de l’huile de palme venue de Goma en République démocratique du Congo et du Burundi, dont les cuisines rwandaises sont familières. « On en trouve facilement et nous ne pouvons pas nous permettre d’utiliser le peu d’huile de palme produit au Rwanda et insuffisant pour les Rwandais », déclare Jean Baptiste Nduwayezu, directeur général de l’Institut rwandais de recherche scientifique et technologique (IRST).

D’un grand intérêt

Depuis l’inauguration de l’usine, les agents de l’IRST sillonnent le pays pour informer les autorités locales, la population et le secteur privé sur la culture des plantes à biodiesel, tels le soja, le moringa et le jatropha. « L’enclavement du Rwanda fait que l’augmentation des produits pétroliers affecte même le quotidien d’un simple citoyen de la colline qui achète du savon, du sel importé ou qui éclaire sa maison grâce à une lampe à pétrole », explique Nduwayezu pour convaincre les gens.

Les habitants du secteur Kivu à Nyaruguru, dans le sud du pays, semblent convaincus. « Trouver l’énergie nous coûte les yeux de la tête. Si en les cultivant, nous pouvions trouver l’énergie qui remplace le bois, ce serait utile pour notre vie quotidienne ». A Mulindi, un litre de biodiesel coûte 823 francs rwandais (FRW, 1,38 US dollar), celui du diesel dans les stations d’essence 920 FRW (1,55 US dollar).

L’Etat pousse ainsi à la culture de ces plantes fournisseuses d’énergie. A Nyange, 4000 jatrophas, baptisé kimaranzara (l’arbre qui met fin à la faim) ont été ainsi plantés en mai : « Chaque famille doit cultiver au moins 100 arbres dans ses parcelles, mélangés avec d’autres cultures et/ou au bord des routes », insiste Cyprien Nsengimana, maire du district de Ngororero, dans l’ouest, déterminé à en faire une priorité.

Inquiétudes

Certains sont toutefois sceptiques. Des habitants de l’est ont cultivé le moringa en 2003, espérant gagner gros grâce à cette plante médicinale, comme on le leur avait dit. Mais vendu sans contrôle par des marchands ambulants, il a été interdit.

Ils se sont crus sauvés par la nouvelle usine, mais leur espoir a été de très courte durée. « Le RSSP (Rural Sector Support Projet) nous a acheté une machine qui devait produire de l’huile à vendre à l’usine. Malheureusement, elle n’a même pas fonctionné une semaine », dénoncent-ils, déçus, contraints d’attendre, une année, l’arrivée du matériel de rechange.

D’autres agriculteurs se plaignent que les nouvelles et nombreuses mesures de politique agricole rendent les choix difficiles. « Ici, à l’est, des gens cultivent du fourrage pour le bétail. Par ailleurs, il faut appliquer la nouvelle politique de consolidation de terres et la culture d’une même espèce sur un même territoire. Quel choix faire ? »

Pour Jean Uwizeyimana, spécialiste en sciences du développement, « le pays doit d’abord assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens. Si au Brésil, par exemple, ce projet a pu réussir, c’est qu’ils ont de grandes étendues ». Ce n’est pas le cas au Rwanda.

Face à ces inquiétudes, le ministère des Forêts souligne qu’au Rwanda, ces plantes peuvent être cultivées au milieu des champs avec des plantes vivrières, près des routes ou le long des fosses antiérosives. Certaines plantes sont mieux adaptées comme le jatropha cultivé sur les terres arides et semi-arides comme celles de la province du Sud et de l’Ouest, où il ne concurrence pas les cultures vivrières, donne ses premières récoltes au bout de 18 mois et vit longtemps. Son huile non comestible est plus facile à transformer en carburant que celle du palmier à huile, dont de nouvelles espèces commencent à être expérimentées dans les régions du nord.

Reste que l’énergie est un problème crucial. La plupart des ménages, en ville ou dans les campagnes, dépendent du charbon ou du bois. Le prix du pétrole, dont la consommation ne cesse d’augmenter est très élevé. Produire localement du biodiesel moins cher a donc des avantages.

Selon Eric Kanshahu, chargé de la vulgarisation à l’IRST, si les plantes à biodiesel occupaient 225.000 hectares, soit 8 % de toute la superficie nationale, le Rwanda n’aurait plus besoin d’importer de diesel. D’ici-là, gasoil et biodiesel peuvent être mélangés, affirment les agents de l’IRST.

Mais certains ont des objections. « Les grandes surfaces au Rwanda sont occupées par les plantations de café et du thé, sources de revenus pour le pays. La moitié de son budget dépendant de l’aide extérieure et l’autre venant des taxes et impôts, l’Etat accepterait-il de perdre toutes les taxes sur l’essence ? », s’interroge un spécialiste en économie.

Source : www.infosud.org